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Une anamnèse méticuleuse est un élément incontournable du suivi des petits patients asthmatiques. "Quand le médecin leur demande si les symptômes sont adéquatement contrôlés et si les médicaments sont bien pris correctement, les parents ont souvent tendance à simplement dire oui", commente le Dr Eva ter Haar (pneumo-pédiatre au service de pédiatrie des hôpitaux ZNA à Anvers). "Il est donc important de les interroger explicitement sur la fréquence à laquelle les symptômes se manifestent encore et sur les circonstances de leur apparition. Il peut aussi être utile de leur demander dans quelle mesure le traitement d'entretien est parfois omis ou oublié, car c'est aussi une manière d'insister sur le fait que ces oublis sont humains qui vous vaudra généralement une réponse plus honnête. Il est toutefois aussi très important de savoir si la technique d'inhalation est correctement appliquée. Demandez donc aux parents et à l'enfant de vous faire une démonstration et corrigez le tir si nécessaire." Pour combattre efficacement un éventuel manque de compliance, il peut être utile de classer les parents en trois groupes: · Dans le premier groupe, le manque de compliance est la conséquence de simples oublis, souvent en raison d'un agenda bien chargé. · Le second groupe se caractérise par un manque de compliance "intentionnel" - les parents choisissent sciemment de ne pas se tenir au traitement parce qu'ils n'en voient pas bien l'utilité. · Dans le troisième groupe, enfin, le manque de compliance découle surtout d'un problème d'ignorance: les parents ne comprennent pas le schéma de médication ou la pertinence d'un respect scrupuleux du traitement. "Il va sans dire qu'il peut aussi y avoir des recoupements entre ces trois groupes. Néanmoins, il est toujours utile d'essayer d'évaluer quel type de patients (ou de parents! ) vous avez en face de vous", commente le Dr ter Haar. Dans le premier groupe, on pourra: · Recommander aux parents de coupler systématiquement la prise à un autre geste du quotidien, comme le brossage des dents. "Les enfants qui prennent des corticostéroïdes inhalés doivent de toute façon se rincer la bouche après le traitement", commente la spécialiste. On peut aussi mettre les médicaments sur la table du repas le matin et le soir. · Passer à un dispositif ne devant être utilisé qu'une fois par jour. · Recommander une surveillance. Jusqu'à l'âge de 12 ans, il est souhaitable que les parents soient présents lorsque l'enfant prend ses médicaments. Chez les patients plus âgés, cette mesure devra être évaluée sur base individuelle. Si on sait que l'enfant/ado est suffisamment motivé pour appliquer scrupuleusement le schéma thérapeutique recommandé, on pourra envisager de simplement lui demander s'il a pris ses médicaments. · Utiliser des applis comme "Kiss myAsthma", qui permet par exemple de prévoir une alarme au moment où un traitement doit être pris, mais aussi de tenir un journal des symptômes. Seul bémol, l'outil n'existe actuellement qu'en anglais. Quid toutefois lorsque la non-compliance est volontaire? "Dans ce cas de figure, il s'agira de motiver les patients/parents afin de parvenir à une prise de décision partagée. Vous pourriez par exemple dresser le parallèle avec le brossage des dents en prévention des caries", suggère la pédiatre anversoise. "Bien souvent, cela aidera les gens à mieux comprendre que le traitement d'entretien permet de prévenir les symptômes, en particulier si vous insistez aussi sur le fait que la survenue des symptômes risque de priver leur enfant de certaines activités et qu'un bon contrôle de l'asthme peut au contraire rétablir ces possibilités. Vous pourriez aussi évoquer les économies générées par ces médicaments, par exemple grâce aux hospitalisations évitées. Enfin, il peut être utile de souligner qu'il faut six semaines pour que le traitement d'entretien donne la pleine mesure de son effet préventif, éventuellement en expliquant que les cellules inflammatoires doivent d'abord disparaître des voies respiratoires, ce qui ne se fait pas en un jour. Si les parents le comprennent, il seront plus enclins à veiller à ce que leur enfant continue à prendre ses médicaments plutôt que d'arrêter après deux semaines." Dans le troisième groupe, où le problème vient surtout d'un manque d'information, l'accent sera principalement mis sur l'éducation. Le médecin peut aussi contribuer à éviter que les parents ne négligent le traitement en choisissant judicieusement l'inhalateur. "En tant que médecin, il est important d'en choisir quelques-uns avec lesquels on est bien familiarisé afin d'être capable de faire une démonstration claire de leur utilisation", commente Eva ter Haar. "Il est toujours pratique de disposer de quelques échantillons placebo pour pouvoir s'entraîner autant que nécessaire. Il est important de contrôler si l'enfant est capable d'utiliser son inhalateur et de le faire correctement. Dans ce groupe d'âge, l'aérosol-doseur sera toujours utilisé avec une chambre d'inhalation, car les enfants ont du mal à activer l'aérosol et à inhaler simultanément. Jusqu'à quatre ans au moins, la chambre d'inhalation sera en outre fixée à un masque ; par la suite, on pourra passer à un embout buccal. À partir de l'âge de six ans, on examinera la possibilité d'utiliser un inhalateur à poudre sèche, mais certains enfants n'en sont capables qu'à partir de huit ou neuf ans." Il est aussi toujours souhaitable de fournir des instructions écrites détaillées concernant les traitements d'entretien et de crise. On trouve également sur certaines applis (comme MyPuff) ou sur YouTube des vidéos avec des démonstrations. Chez les enfants de plus de 12 ans, on pourra par ailleurs favoriser la compliance par le recours à l'approche SMART si l'on constate que le patient a tendance à ne prendre ses médicaments que lorsque des symptômes se manifestent. L'Asthma Control Test, soumis par les parents, est un autre outil intéressant. "Une étude a démontré que la compliance est meilleure chez les enfants qui réalisent ce test tous les mois à la maison que chez les autres", explique Eva ter Haar. "La perspective de ce contrôle mensuel contribue à les motiver à prendre scrupuleusement le traitement prescrit [1]. Une autre possibilité est de mesurer tous les mois le débit expiratoire de pointe, en gardant néanmoins à l'esprit que ce test n'est pas toujours réalisé d'une façon parfaitement fiable, en particulier chez les plus jeunes. En outre, son efficacité se remarque surtout en hiver, peut-être parce que les enfants ont déjà tendance à mieux suivre leur traitement en raison de l'incidence élevée des infections virales [2]." Chez les jeunes enfants avec un wheezing viral, les médecins constatent souvent que les corticostéroïdes inhalés ne sont utilisés que brièvement en dépit d'épisodes qui se répètent. "On voit que les parents ont peur des effets secondaires de ces traitements, en particulier chez les petits", observe le Dr ter Haar. "Lorsque j'initie un traitement par corticostéroïdes inhalés, je prends systématiquement le temps d'expliquer aux parents que ces médicaments restent dans les poumons et qu'il ne faut donc pas craindre leurs effets systémiques. Des effets secondaires ne surviennent que chez les enfants qui ont besoin de très fortes doses, alors que nous débutons toujours le traitement à faible posologie. Certains parents craignent aussi une accoutumance et il importe donc de leur expliquer que, dès lors que les symptômes sont sous contrôle, le dosage ne devra plus être accru." Il existe par contre un risque de candidose orale et de raucité - deux problèmes qui peuvent être combattus en rinçant soigneusement la bouche après chaque dose. On observe parfois aussi un ralentissement de la croissance, avec des enfants qui prennent plus de temps à atteindre leur taille définitive. À terme, la différence moyenne en comparaison avec des enfants qui ne prennent pas de corticostéroïdes inhalés n'est toutefois que d'un centimètre. "Nous suivons de près la croissance des enfants qui reçoivent des traitements de ce type", commente le Dr ter Haar. "Si nous observons une évolution anormale, nous pouvons toujours décider d'adapter notre approche. Une possibilité peut être de réduire progressivement la dose de corticostéroïdes, éventuellement jusqu'à l'arrêt complet, et d'ajouter par exemple du montélukast. Mais en tout état de cause, les parents doivent comprendre que sauter le traitement d'entretien habituel peut déboucher sur une situation où l'enfant devra recevoir des corticostéroïdes oraux, qui sont associés à des effets secondaires bien plus graves que le traitement inhalé. En outre, un asthme mal contrôlé a lui aussi un effet défavorable sur la croissance et sur l'évolution pondérale." En cas d'usage prolongé de fortes doses de corticostéroïdes inhalés, il existe aussi un risque accru d'ostéoporose ou de diabète de type 2. Il est important de connaître ces effets secondaires mais aussi de ne pas effrayer inutilement les patients ou parents, puisqu'il ne s'agit en définitive que de problèmes peu fréquents. Chez les enfants qui souffrent d'un asthme sévère et qui présentent des effets secondaires dus aux corticostéroïdes, les traitements biologiques peuvent offrir une piste alternative. Durant combien de temps un enfant doit-il recevoir des corticostéroïdes inhalés? Lorsque ces médicaments sont débutés chez un petit patient qui souffre de wheezing viral, la prise sera généralement poursuivie sans interruption durant tout l'hiver afin d'éviter des épisodes répétés. Chez les enfants asthmatiques, on observe parfois que les symptômes s'améliorent progressivement à l'adolescence. On pourra alors essayer de réduire graduellement le traitement. Entre 0 et six ans, il est difficile de faire des prédictions, car il existe un certain recoupement entre trois populations: les "siffleurs précoces transitoires" ou transient early wheezers (avec un pic de prévalence vers l'âge de deux ans, suivi d'une diminution progressive), les "siffleurs non atopiques" ou non atopic wheezers (il peut parfois s'agir de nourrissons, mais le pic de prévalence se situe autour de quatre-cinq ans) et enfin les enfants qui souffrent d'asthme au sens strict (présent dès le plus jeune âge, mais avec une augmentation rapide de la prévalence vers quatre-cinq ans).