...

La psychologue clinique et psychothérapeute Lieve Van Gool organise avec Bridge The Gap des formations en communication non violente, entre autres dans le secteur de soins de santé. L'année passée, elle a publié Verbindende communicatie voor toegepaste psychologie.Nous communiquons chaque jour de notre vie, même sans rien dire ou faire. Cela ne signifie pas que le message passe toujours bien, explique Lieve Van Gool. De quoi créer, involontairement, des tensions dans la relation. La solution? La communication non violente, pardi! La communication non violente, késako? "Il s'agit pour moi d'une langue, une langue à apprendre, même si la communication non violente ne se limite pas à certains mots ou formulations. L'idée de base, c'est que derrière tout ce nous (ne) disons (pas) ou (ne) faisons (pas) se cachent des sentiments et des besoins humains. Même derrière une remarque désagréable ou un silence. Entrer en connexion avec l'autre implique de prendre tout d'abord conscience de ses propres besoins, par l'introspection, et de ceux de l'autre, par une observation fine et une formulation juste. Autant d'indices qui indiquent que l'on est sur la bonne voie. Ensuite, il faut s'enquérir de ses propres besoins et de ceux de l'autre, et tenter de les satisfaire." "La communication non violente permet de s'exprimer de manière consciente, de mieux comprendre son interlocuteur et de créer ainsi une meilleure connexion. Les personnes se sentent entendues et comprises, même en cas de désaccord." Le journal du Médecin : En quoi ce mode de communication influe-t-il sur la relation médecin-patient? Lieve Van Gool : Les gens ne sont souvent prêts à écouter et à suivre l'avis (médical) qu'à partir du moment où ils se sentent entendus et compris, sans jugement, où ils voient que leurs besoins sont pris en compte. Dans le cas contraire, ils peuvent opposer une résistance, avec une moins bonne observance thérapeutique comme conséquence. La communication non violente permet de fortement influer sur l'efficacité de l'acte médical. Parfois, il suffit d'être présent et attentif. Accorder de l'attention aux sentiments et aux besoins du patient, et montrer sa volonté de compréhension. Cette posture empathique éveille la confiance du patient. Comment communiquer une nouvelle douloureuse? Pour communiquer une mauvaise nouvelle, mieux vaut d'abord tenter de nommer le sentiment du patient et le relier à ses besoins, puis vérifier qu'on fait bonne route. Exemple: "Je peux m'imaginer que cela vous effraie et que vous souhaitez savoir comment se déroulera le traitement. Est-ce bien juste?" Ou encore: "Je vois que vous froncez les sourcils et je me demande si vous souhaitez que je vous réexplique la situation?" Parfois, vous vous trompez, mais peu importe: le simple fait que vous ayez nommé un sentiment encouragera le patient à exprimer ses émotions. Comment assurer l'aspect "non violent" avec un patient au comportement déplacé? Imaginons un patient qui vous appelle pendant une consultation ou à un moment inapproprié, en vous exhortant de discuter de ses résultats sanguins. Vous pouvez dès lors nommer ses besoins ("j'entends que vous souhaitez plus de clarté sur la situation et que vous souhaitez connaitre les résultats") et, dans un même temps, poser vos limites en exprimant vos propres objectifs ("je voudrais prendre le temps de bien vous répondre et donc vous donner rendez-vous pour cela"). À un patient systématiquement en retard, vous pouvez dire: "je souhaiterais respecter le planning des consultations et vous demanderai donc d'arriver à l'heure convenue pour les prochains rendez-vous". De cette manière, vous vous abstenez de juger, ce qui aurait pour effet d'éloigner l'autre ou de le voir adopter une attitude défensive, tout en exprimant les points importants à vos yeux, le tout d'une manière non offensive et pourtant énergique. Quel impact la communication non violente peut-elle avoir sur les relations avec les collègues? Même au sein d'une équipe, la communication non violente permet d'éviter, voire de résoudre les conflits. Si vous constatez chez vous une irritation ou une inquiétude, exprimez-la au plus vite et non agressivement. Par exemple: "je remarque que tu n'as pas encore répondu à ces mails. Je suis un peu inquiet car les patients n'ont pas encore reçu de réponse. Tu penses que tu pourrais t'en charger d'ici vendredi, pour les tenir au courant avant le week-end?" Un message exprimé de la sorte poussera plus facilement l'autre à agir que si vous le formulez comme un reproche ou une critique. Ne laissez pas monter la colère en vous, au risque de paraître plus acerbe que vous ne l'auriez voulu. Il est aussi judicieux de prévoir des moments pour donner un feed-back. L'occasion, bien entendu, d'exprimer également des sentiments positifs, comme la joie ou la gratitude. Et que faire quand vous êtes vous-même la cible d'un reproche? C'est à vous de décider quelle attitude adopter: offrir une écoute jugeante? Celle-ci ne mènera qu'à davantage de sentiments négatifs, une défense ou une contre-attaque. Dépasser la blessure pour écouter les besoins de l'autre? Le tout est de ne pas prendre personnellement les jugements et de comprendre ce qui se cache derrière, à savoir des besoins. C'est ce qu'on appelle l'écoute empathique. Elle permet une plus grande ouverture et une meilleure connexion. La communication non violente peut aussi souder une équipe. Écouter avec empathie un collègue dont la journée a été difficile, en lui disant: "je te vois soupirer, je me demande comment tu vas" ou "j'ai appris que tu avais passé une sale journée. Tu veux en parler?" Ici aussi, vous vous connectez à vos observations et tentez d'évaluer l'état de l'autre et ses besoins cachés. De cette manière, les gens se sentent compris. Cela crée du lien. Cette connexion entre collègues permet, à son tour, de meilleurs rapports de travail et un regain de motivation. La communication non violente peut même rendre la team plus efficace, puisqu'on tourne moins autour du pot lors des réunions, en exprimant plus vite ses besoins et en couplant sa parole à une proposition concrète. L'important ici, c'est de toujours vérifier si un reproche existe vraiment. Dans l'affirmative, il vous faudra comprendre les besoins cachés et formuler une nouvelle proposition qui tient compte de ces besoins. Vous évitez ainsi des discussions interminables et parvenez à un consensus durable. Est-il difficile de mettre en place une communication non violente? C'est un chemin de croix pour de nombreux médecins. Ces derniers sont plus souvent portés à écouter les besoins des autres que les leurs. Pour continuer à fonctionner, même dans des circonstances stressantes et exigeantes émotionnellement, certains médecins préfèrent se protéger. Le défi est alors, en faisant preuve d'auto-empathie, de rester en phase avec vos émotions et vos besoins. Les collègues peuvent aussi vous y aider. Pendant mes formations, je conseille toujours de chercher un empathy buddy (un copain d'empathie, NdlR), à qui vous donnez rendez-vous chaque semaine pour échanger sur vos états mutuels. Cela en vaut la peine, car la communication non violente vous aide à faire face à la dureté physique et émotionnelle du métier de médecin et à faire preuve d' humanité et d'attention envers vos patients.