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Ce premier livre qui sort aujourd'hui, Jean-Marc Desmet le porte en lui "depuis très longtemps". Peut-être même depuis la moitié, déjà, de son quart de siècle de pratique médicale comme médecin généraliste, urgentiste, puis néphrologue actuellement dans la région de Charleroi. C'est sa rencontre avec Jérôme Hoarau - ne le cherchez pas dans le répertoire des médecins, c'est un consultant sur l'avenir du travail et champion de mind mapping - qui lui a permis de coucher sur papier sa vision intégrative et collaborative des soins de santé. "Jérôme a écrit un livre à ce sujet dans le monde entrepreneurial, je ne connaissais pas du tout le terme ''soft skills'', très peu utilisé dans le monde de la santé", entame Jean-Marc Desmet. "On peut le traduire par 'compétences comportementales et savoir-être', c'est la qualité de l'approche inter- et intrapersonnelle et au sein de l'équipe, des compétences que l'on ne voit pas forcément et que tout le monde possède plus ou moins." Pour être au plus près de son sujet, le médecin se forme lui-même à la pratique des soft skills et apprend à modéliser ce qu'il "fait déjà de bien" et à "trouver la volonté d'améliorer les points encore à développer". Transposés au secteur de la santé, les soft skills regroupent toutes les dimensions impalpables dans les relations, notamment celle entre le soignant et son patient. Des outils 'doux', littéralement, qui "se basent d'abord sur l'essence même de la santé que constituent les hard skills", insiste le Dr Desmet. "Ce n'est pas un livre qui dit qu'il faut replier les compétences dures - les sciences, les études scientifiques -, non, tout ce que l'on a appris demeure le socle, sans dualité". Ne rien renier donc, mais associer: "Dans notre cheminement de soignant, peut-être avons-nous délaissé l'importance de cette dimension des compétences humaines, qui sont une plus-value. La dimension collaborative est aussi essentielle, on n'a pas toujours une vision correcte de ce que les autres font, il est important que les gens se respectent. Les équipes de demain qui fonctionneront seront celles qui auront la capacité d'identifier les compétences de chacun, tout en acceptant qu'on ne sait pas tout sur tout." Présenté, sur proposition de l'éditeur, comme une boîte à outils pratique et ludique à compulser, le livre se survole dans un premier temps via sa table des matières pour s'en faire une idée globale. "Je suggère de se laisser ensuite attirer par ce que l'on a envie d'explorer, en fonction de ce que chaque soignant vit. Rien ne sert de vouloir utiliser tous les outils, moi-même je ne le fais pas", conseille l'auteur. "Si, déjà, chaque lecteur pouvait identifier une ou deux ressources qu'il a envie d'intégrer dans sa pratique au quotidien, ce serait génial." Certains chapitres peuvent paraître d'une grande simplicité, mais toute la difficulté réside dans leur mise à exécution. Un changement qui s'opère en douceur, notamment via les huit verbes d'action qui y invitent (comprendre, rassurer, agir, collaborer, accepter, soulager, performer et inspirer). "J'avais peur que le format ne ressemble à une liste de recettes faciles et ne trahisse ma vision, mais il ouvre des portes et me permet de transmettre mon invitation à l'action, dans une dimension de manifeste", se réjouit Jean-Marc Desmet. "Il y a 52 outils, mais il aurait pu y en avoir 200!" Quels sont donc les outils incontournables pour le médecin au quotidien? "Comprendre, d'abord, que l'approche dite "intégrative" n'est pas de la médecine "alternative": elle consiste à voir le patient dans sa globalité. Chacun de nous a envie d'être identifié comme une personne. L'outil 5 (ikigai) peut paraître "new age" mais il signifie simplement que la prise en charge d'une personne se fait à différents niveaux: physiologique, mais aussi émotionnel, environnemental, spirituel, psychologique... Il faut pouvoir entendre le patient au niveau où il se situe." D'autres outils plus techniques peuvent intéresser le clinicien: "Prendre et gagner du temps, réussir sa consultation, bien écouter son patient... Ça peut paraître bateau, mais les études montrent par exemple qu'on n'interrompt pas un patient après 17 secondes!" Enfin, l'outil 18, dédié à la compliance, est également hautement recommandable: "Celui-là, je l'aime beaucoup. Si vous "vendez" un traitement au patient en lui disant le "quoi" et le "comment" sans expliquer le "pourquoi", vous vous trompez de cible. L'enjeu de la consultation n'est pas de lui dire qu'il faut prendre tel médicament deux fois par jour mais aussi, par exemple, de lui glisser qu'il pourra ainsi continuer à jouer avec ses petits-enfants. Bien sûr le "comment" est essentiel, mais le patient ne s'y intéressera que s'il comprend le pourquoi!" De nombreuses interviews d'experts, pas forcément issus du monde médical, viennent appuyer et compléter le propos. De même, un site compagnon en ligne (https://competences-soignantes.com) permet d'accéder à d'autres outils, davantage interactifs. Au final, un livre de bienveillance pour prendre soin de soi et, en cascade, mieux prendre soin du patient. "La bienveillance est un médicament sans prescription ni effets secondaires", sourit le Dr Desmet. "C'est un livre qui peut être prescrit par les patients aux soignants car il fait du bien aux deux."