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Situé à flanc de colline, au bout du village d'artistes, moins connu et donc plus préservé, que fut la Colle-sur-Loup, l'hôtel-restaurant d'Alain Llorca nous accueille dans un hameau de jolies villas provençales à l'ancienne, même si elles n'avouent que 30 ans d'âge. S'y logent dix suites et chambres simples dans la décoration, mais raffinées et moelleuses portant chacune le nom d'un peintre, à l'exception de la Saint-Paul: Léonard de Vinci, Michelangelo, Van Gogh, Monet, Cézanne, Picasso, Matisse, Renoir, Chagall, tous ces peintres qui ont vécu et oeuvré sous cette lumière vibrante du midi (les cinq derniers se voient d'ailleurs chacun dédié un musée dans les alentours). Ces alcôves se mirent dans une piscine non couverte, s'ouvrent de petits jardins privatifs ou des balcons surplombant cette grande goutte d'eau rectangulaire, aux allures de peinture abstraite. Ces chambres sont surplombées par le restaurant une étoile, accrochée à la route qui s'en va vers Saint-Paul. Le restaurant et sa terrasse semblent d'ailleurs ne cesser d'admirer ce village, tel un visiteur se plongeant dans la pâmoison d'une étude de peinture impressionniste, ou comme un artiste céleste qui aurait fait du paysage étagé de maisons à tuiles, de cultures en terrasses d'oliviers et de cyprès, la toile jamais achevée et accrochée à tout jamais à son chevalet. Alain Llorca, un colosse poivre et sel, mélange d'Hemingway et d'Ivan Rebroff, dans ces murs et donc ses murs depuis 2009, a gagné au travers de sa cuisine provençale mêlée aux traditions culinaires du Comté de Nice, de l'Italie donc, et à ses origines familiales hispaniques, revisitée et inventive, une première étoile en 2012. Et la nuit, sous le dôme céleste qui lui en fait voir des milliers, ce cuisinier en rêve d'une deuxième (lui qui eut la paire de macarons au Negresco sur la croisette il y a plus de 15 ans). Elle ne serait tardé sans être filante (l'hôtel lui en compte quatre) ; se fournissant à la fois localement pour certains poissons, à Bilbao pour le cabillaud, et à San Remo pour les gamberonis, Llorca assume ses origines espagnoles (notamment au travers du jambon iberico) et son passage chez Alain Ducasse dans ses influences liguriennes avoue-t-il. Son frère s'active en grand maître pâtissier aux somptueux desserts. Un artiste dans son style, avec qui l'entente fraternelle frise la fusion. Jean-Michel vit pour son atelier de pâtisserie, Alain lui se veut le manager et chef... d'entreprise de ce magnifique restaurant-hôtel. Et comme le dit lui-même ce barde de la cuisine qui fait chanter ses casseroles, si le décorum, l'attention prêtée aux clients et les moindres détails sont essentiels, c'est le contenu de l'assiette qui fait la différence. Un domaine où son respect de la cuisine du Sud qu'il revisite à sa façon mêle respect des traditions, des façons de faire (le poisson est issu de la pêche d'un des derniers pêcheurs locaux) et qualité des produits locaux. Qu'il s'agisse des légumes, du gibier ou de la viande, l'inventivité n'est jamais mise en défaut chez ce chef à la tête d'une brigade de 15 personnes. Il parvient cependant à se préserver une bulle de temps et d'espace, indispensable à la créativité. De la mise en bouche aux mignardises, la surprise, la volupté, l'éveil des sens sont constamment au rendez-vous. Introduits par un personnel attentif, en empathie sans être obséquieux, les mets délicieux et raffinés se révèlent généreux. Ils composent une harmonie dont l'accompagnement vins, qui cherche également à étonner et surprendre, se veut au diapason de la cuisine dans les choix du sommelier. Lequel fait voyager le convive de Bourgogne en Languedoc en passant par l'Alsace voire la Hongrie et même l'Afrique du Sud. Cette attention et cette générosité se confirment dans la charrette des fromages présentés et le petit-déjeuner qui n'est qu'une farandole de fruits, de propositions sucrées et salées.... bref de tentations. Et si le nom Llorca évoque l'écrivain et poète espagnol, en gastronomie il est aussi synonyme d'une très belle signature.