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Le charbonnage de Zollern est un des huit musées qui constituent celui, décentralisé dans toute la vallée, de l'industrie développée sous Guillaume II au tournant du siècle dernier. Le site date de 1898 et fonctionna jusqu'en 1966. Construit dans un style historiciste et d'inspiration d'Europe de l'Est et polonaise notamment par un architecte berlinois, sa salle des machines est une cathédrale Art nouveau de métal et de briques entièrement conservée, ainsi que les compresseurs et autres machines qui n'ont pas souffert des bombardements de la Deuxième Guerre. C'est que les alliés espéraient bien exploiter le charbon allemand à la fin des hostilités, et n'entendaient donc pas devoir tout reconstruire. Le but de ce musée, qui comprend deux trébuchets intacts, ainsi notamment qu'un atelier servant désormais de salle d'exposition, est de témoigner de l'influence de l'industrie sur la société, entre autres l'aspect esclavagiste du travail en même temps que paternaliste de l'approche des Maîtres de forges, lesquels bâtirent ici une sorte de château du travail dont ils étaient les seigneurs... et saigneurs, puisqu'au début l'espérance de vie des ouvriers y était de moins de cinquante ans. La Ruhr devait d'ailleurs aux yeux de l'Empereur ne fournir que des travailleurs, et non pas de cols blancs. Une société fermée ou bizarrement l'avancement était possible.Un lieu dont les propriétaires étaient plus concernés par l'objet de prestige et de majesté (la salle des machines est un véritable temple construit comme une sorte d'immense colombage de métal) représenté par cette architecture industrielle que par le sort du " troupeau " des mineurs dépendant de leurs maîtres jusque dans l'octroi d'un logement dont le loyer était retranché de la maigre paye. Paradoxalement, les jeunes garçons ne pouvaient descendre au fond "qu'à" seize ans, l'école étant obligatoire jusque 13 ans.Devenues un monument dédié aux travailleurs et victimes de la mine, ces pierres et machines désormais muettes, racontent l'épopée d'une région qui employa jusqu'à 360.000 mineurs avant la Première Guerre mondiale.Dans l'atelier, également intact, se déroulent des expos temporaires, dont l'une plus imposante que les autres a lieu tous les quatre ans. Cette année, elle a pour thème les chemins tortueux que peut prendre le savoir. Avec une succession de questions qui invitent le visiteur à réfléchir, notamment sur l'origine du savoir : divin dans les civilisations grecques, précolombiennes ou égyptiennes, ou résultat de l'évolution. L'invention de la roue par exemple, permet de découvrir côte à côte, celle du vélo par le baron badois Karl von Drais, la draisienne (toujours, l'expo cherche un ancrage local) et l' Antimachine imaginée par Jean Tinguely.Vouloir savoir permet de découvrir l'inventeur de la Ruhr cette fois, par l'industriel Friedrich Harkort, qui espionna les industriels anglais et mis au point des machines d'extraction, ou Werner von Braun, concepteur des V1 et de la fusée V2 (dont la technologie permit aux Américains d'aller sur la Lune), construite en exploitant soixante mille travailleurs forcés dont un tiers décédèrent : plus de victimes que les bombes volantes...Partager le savoir permet, entre autres, de découvrir l'encyclopédiste allemand Krünitz, sorte de Diderot germanique, le sens du partage d'Elon Musk qui mit son moteur électrique dans le domaine public en 2014, comme le fit Röntgen un siècle plus tôt avec sa machine à rayons X. Le plagiat est également illustré de façon ludique, puisqu'il s'agit pour le visiteur d'identifier l'original de la copie... de Playmobil par exemple.L'espionnage de la connaissance, évoque les figures de Mata Hari et surtout de sa patronne Elisabeth Schragmuller, moins flamboyante mais bien plus efficace, de la machine de codage Enigma nazie, percée à jour par les Anglais, et de toutes une série d'instruments d'espionnage, le plus étonnant étant l'arrosoir caméra, issu des archives de la RDA, quand ce n'est pas l'histoire d'un élu local étiqueté CDU du nom de Karl-Heinz Glocke, père de famille irréprochable travaillant dans une centrale électrique, qui se révéla être un agent soviétique.La fin de cette section pose la question de savoir si une figure telle qu'un lanceur d'alerte, Snowden en l'occurrence, peut être traité d'espion, comme le font les autorités américaines. L'exposition pose d'ailleurs dans sa partie finale, avant l'atelier qui incite les jeunes générations à développer leur approche du savoir justement de manière interactive, la question de la protection des données, qui se révéla très sensible lors d'un recensement en Allemagne Fédérale il y a plus de trente ans... alors qu'aujourd'hui nous les transmettons sans coup férir pour une simple connexion.Tout de même, une poupée interconnectée directement avec son lieu de production a été interdite à la vente en République fédérale. Comme si seuls les enfants devaient être protégés. Allez... savoir.