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Changement climatique, perte de biodiversité, détachement entre l'homme et son environnement... La nature peut être certes une source de stress, mais il est de plus en plus évident qu'elle peut aussi promouvoir la santé et le bien-être humains. Le cadre élaboré par Mathew White et ses collègues s'appuie sur la métaphore des stocks et des flux: la résilience étant un stock de ressources adaptatives qui peuvent aider à atténuer le stress (c'est-à-dire les flux sortants), mais leur utilisation peut épuiser les stocks existants qui peuvent néanmoins être restaurés et maintenus grâce à une variété d'apports, dont le contact avec la nature. Ensuite, ils ont identifié trois types de ressources de résilience qui pourraient être construits et maintenus par le contact avec la nature: la résilience biologique (en renforçant les systèmes respiratoire, immunitaire, neurologique, cardiovasculaire et musculosquelettique), la résilience psychologique (régulation plus efficace des émotions, renforcement de l'estime de soi, nouvelles compétences...) et la résilience sociale (meilleure empathie, coopération...). "Ces trois ressources adaptatives sont appelées résilience biopsychosociale. Jusqu'à présent, la recherche a eu tendance à négliger les facteurs environnementaux et le contact avec la nature, se concentrant plutôt sur d'autres déterminants qui construisent et maintiennent ces ressources, tels que l'héritage génétique, les facteurs sociodémographiques, la personnalité, les comportements liés à la santé et l'entraînement à la résilience. La résilience biopsychosociale fondée sur la nature apporte donc un complément important au domaine de la résilience, en soulignant le rôle des contextes environnementaux dans lesquels bon nombre de ces autres facteurs opèrent", précisent les auteurs dans la revue Environment International[1]. Enfin, même si les facteurs de stress ne sont pas seulement environnementaux, mais aussi financiers, sociaux, psychologiques, etc., le contact avec la nature au niveau individuel peut contribuer à réduire le risque et/ou la gravité de ces facteurs de stress (résilience préventive), ainsi qu'à améliorer les réponses aux circonstances stressantes (résilience de réponse) et à aider les gens à se remettre plus rapidement et plus complètement du stress (résilience de rétablissement). En pratique, de quoi s'agit-il? Comment développer et maintenir des ressources de résilience biopsychosociale? De multiples leviers peuvent être mobilisés à tous les niveaux de la prévention. En prévention primaire, les interventions ciblent la population générale et impliquent souvent des changements d'infrastructure, par exemple pour promouvoir l'activité physique dans les espaces verts urbains tels que les parcs, les voies vertes, la végétalisation urbaine et la construction écologique (toits verts...). On "rapproche la nature des gens", ou on la rend plus accessible. Si ces interventions sont souvent conçues pour promouvoir la résilience socio-écologique, elles peuvent également contribuer à la création et au maintien de ressources biopsychosociales liées à la résilience. Les interventions de prévention secondaire se concentrent sur les populations à risque, telles que les personnes physiquement inactives ou les groupes vivant dans des conditions de stress chronique. Il s'agit par exemple d'augmenter les contacts physiques avec la nature et/ou de promouvoir un lien psychologique plus profond avec le monde naturel. Par exemple, les bains de forêt, les thérapies par la nature sauvage, les jardins communautaires, les fermes urbaines, les promenades en groupe dans la nature, les écoles en forêt et les programmes de prescription "verte". Enfin, les interventions de prévention tertiaire ciblent les personnes souffrant de problèmes de santé physique et/ou mentale, en intégrant des éléments de contact avec la nature dans les traitements médicaux ou psychologiques prescrits. "Ces éléments naturels peuvent améliorer le traitement conventionnel de plusieurs manières. Tout d'abord, ils peuvent accroître la volonté de s'engager et de participer à des programmes thérapeutiques. De nombreux traitements de maladies chroniques, y compris les prescriptions d'exercices, la thérapie cognitivo-comportementale et l'entraînement à la pleine conscience, reposent sur la motivation des patients et, si la nature peut soutenir ce défi, elle devient alors une partie importante du programme. Par exemple, les exercices de pleine conscience sont plus faciles à apprendre et à pratiquer dans des environnements naturels non distrayants, et les progrès thérapeutiques peuvent être plus rapides dans les thérapies par la parole menées en plein air grâce à des mécanismes comprenant une plus grande divulgation de soi, l'incorporation de métaphores basées sur la nature et un bien-être accru du thérapeute", précisent les auteurs. Regarder un documentaire sur la nature, voir, entendre, sentir la nature depuis chez soi, jardiner, visiter un parc, aller à la plage... Les interactions avec la nature peuvent être indirectes, accidentelles ou intentionnelles. Par ailleurs, la plupart du temps, il s'agit d'une expérience partagée avec d'autres personnes, ce qui en fait un élément du lien social. Enfin, les aspects intrapersonnels du contact avec la nature, tels que l'intensité ressentie et les souvenirs, constituent un mécanisme d'exposition important bien que souvent négligé, constatent encore les chercheurs. Ainsi, on peut apercevoir le saut d'un dauphin de façon fugace, mais son souvenir pourra durer toute la vie et être rappelé à plusieurs reprises. "Les interventions les plus réussies sont celles qui comportent un élément social central, notamment l'engagement communautaire dans la conception d'infrastructures vertes, les activités de groupe dans la nature et les programmes thérapeutiques et les interventions qui impliquent des relations étroites", soulignent-ils. "Les environnements naturels sont souvent considérés comme un facteur de risque pour la santé et le bien-être de l'homme, mais le contact avec la nature offre une multitude de possibilités de renforcement de la résilience qui peuvent également réduire les risques et aider les gens à faire face aux inévitables défis de la vie. En mettant en évidence les mécanismes de résilience par lesquels la nature peut soutenir ces résultats positifs, nous espérons que la théorie de la résilience biopsychosociale fondée sur la nature contribuera à une meilleure compréhension des nombreuses façons dont notre propre santé et notre bien-être sont intimement liés à la santé de la planète dans son ensemble", concluent les auteurs.