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Actuellement, deux millions de Belges souffrent de lombalgie (18%), avec une incidence croissante de 6.715 nouveaux cas pour 100.000 habitants chaque année. (1) Cette situation exerce une pression énorme sur nos soins de santé et notre sécurité sociale. Par exemple, près d'un tiers (29%) du nombre total de jours de maladie en Belgique est attribué aux lombalgies (2) et un patient souffrant de lombalgies coûte près de 1.000 euros par an à la sécurité sociale. (3) Ces chiffres alarmants appellent à une optimisation urgente du parcours de soins des lombalgies. Selon les récentes recommandations internationales (4) et nationales (Centre Fédéral d'Expertise des Soins de Santé - KCE) (5,6) sur le traitement de la lombalgie, le patient doit être traité dans une perspective biopsychosociale. En effet, ce sont principalement des facteurs psychosociaux (pensées, émotions, comportements) qui expliquent le passage à la chronicité, plutôt que des facteurs biologiques tels que des lésions structurelles au dos. Il est également recommandé que les patients restent aussi actifs que possible dans la phase aiguë de leur mal de dos. Il est donc essentiel qu'un patient souffrant de lombalgie aiguë puisse être évalué rapidement et recevoir les conseils appropriés d'un professionnel de la santé. " Le kinésithérapeute joue un rôle important dans la prévention de la chronicité en tant qu'expert du mouvement et du fonctionnement humain", précise le Pr Laurent Pitance (Faculté des sciences de la motricité, UCLouvain), porte-parole du nouveau projet. " En Belgique, il n'existe pas de cadre légal permettant un accès direct à la kinésithérapie. Le retard de traitement associé peut entraîner des conséquences négatives à long terme pour le patient et entraîner des coûts de soins de santé plus élevés. Par exemple, des études ont montré que l'utilisation, et par conséquent le coût, des soins de santé est considérablement réduit lorsqu'un patient souffrant de lombalgie aiguë (avec ou sans douleur radiculaire) se présente directement chez le kinésithérapeute et peut commencer le traitement dans les 3 jours.(7)" "Une prise en charge rapide par le kinésithérapeute souffrant de lombalgie (sub-)aiguë a également mené à de meilleurs résultats cliniques, impliquant une diminution de l'incapacité relative aux activités quotidiennes (par exemple soulever, conduire, s'asseoir etc.) un an plus tard. (8) Pour ces raisons, l'accès direct à la kinésithérapie a été inclus dans la législation nationale de santé dans plus de la moitié des pays européens (par exemple les Pays-Bas, le Royaume-Uni)", poursuit-il. Laurent Pitance reconnaît " qu'une bonne communication entre le médecin et le kinésithérapeute est essentielle, concernant l'état du patient, son traitement et son évolution. Comme l'indique l'avis du Conseil Fédéral de la Kinésithérapie, le kinésithérapeute a l'obligation de référer si un degré élevé de préoccupation (y compris les drapeaux rouges) est identifié pendant le processus de soin et qu'une évolution défavorable ou des symptômes/signes inexpliqués sont observés." Cependant, malgré les bénéfices décrits dans la littérature, l'efficacité et l'impact sur les coûts de l'accès direct à la kinésithérapie n'ont pas encore été étudiés en Belgique. Afin de favoriser l'optimisation du parcours de soins pour les lombalgies, il a été décidé dans le récent "Accord M21" entre les institutions d'assurance et les kinésithérapeutes, avec le soutien financier de l'Inami/Riziv, qu'une étude pilote devrait investiguer l'efficacité de l'accès direct à la kinésithérapie pour les lombalgies aiguës. " Le protocole de cette étude pilote a été établi grâce à une collaboration entre l'Université de Hasselt (UHasselt), l'Université d'Anvers (UAntwerp), la KU Leuven et l'Université Catholique de Louvain (UCL)", précise de Pr Pitance. " L'objectif est de comparer l'efficacité de l'accès direct à la kinésithérapie pour les patients souffrant de lombalgie aiguë (> 24 h et < six semaines) avec l'itinéraire de soins traditionnel. Dans cette étude, 300 patients pourront contacter directement un kinésithérapeute et seront comparés à 300 patients qui iront consulter un médecin." L'impact sur la douleur, l'incapacité et la rentabilité (à l'aide d'une évaluation économique de la santé) seront analysés.