...

Le temps est maussade et c'est bottes à la main que Frank Vandenbroucke se rend dans une yourte, au beau milieu d'un champ genappien, pour écouter attentivement la présentation du projet K-BAN, l'un des 11 projets pilotes créés dans ce que l'on appelle le "chantier 5" relatif à l'âge de transition et double diagnostic, handicap et psychiatrie. Cette insolite entrée en matière démontre d'emblée le côté non conventionnel du projet brabançon. Un projet qui a pu compter sur un investissement de plus de 940.000 euros, de quoi permettre à 10,3 équivalents temps plein d'y travailler. Au total, 10,635 millions d'euros ont été mis sur la table pour les projets du chantier 5. "De nombreux projets ont vu le jour ces dernières années, boostés par la crise du covid", explique Barbara Truyers, coordinatrice du réseau Archipel, pendant du réseau 107 du Brabant wallon pour les enfants et les adolescents. "Les équipes mobiles de crises se sont vues renforcées, des lits de crise ont été créés dans les hôpitaux pour les jeunes et les adolescents. Avec K-BAN, l'objectif est de disposer d'installations de première ligne accessibles afin de réduire la stigmatisation des personnes, accroître les services non résidentiels et notamment les équipes mobiles spécialisées."C'est le maître mot du dispositif K-BAN, qui met l'accent sur la prise en charge interdisciplinaire de ces jeunes à la limite de l'errance qui constituent toujours des cas très complexes à gérer. "K-BAN, c'est une prise en charge globale intégrée des jeunes en situation de vulnérabilité psychosociale de 16 à 23 ans. Comment? En améliorant l'accompagnement et les soins", explique la coordinatrice du réseau Archipel. "Cela passe évidemment par l'amélioration de l'offre de soins et de services proprement dite. Mais aussi par une amélioration des échanges et des collaborations intersectorielles et un travail avec les jeunes, dont il faut susciter la participation."Pour y arriver, différentes associations se sont mises autour de la table: des services d'action en milieu ouvert (AMO), des asbl d'aide à la jeunesse, des équipes mobiles de santé mentale, des psychologues, psychiatres, assistants sociaux ou encore ergothérapeutes. On relève surtout la présence d'un expert, d'un référant "âge de transition" qui a pour mission d'améliorer l'accompagnement de ce public particulier, grâce à de bonnes connaissances de leurs spécificités et d'acteurs capables de répondre à leurs besoins. "Dans bien des domaines, on se rend compte que le passage à la majorité est très arbitraire. Avoir 18 ans amène un lot de changements qui peuvent être synonymes de ruptures, de discontinuités auxquelles il faut pouvoir faire face. Les médecins, les psychologues, les psychiatres, ou encore la justice ne peuvent résoudre certaines problématiques complexes seuls", explique Hélène Gadisseux, chargée de projets K-BAN. Concrètement, tout ce petit monde se réunit lors de réunions bimensuelles afin d'aborder les situations cliniques concrètes des jeunes encadrés, en favorisant la concertation et l'échange afin d'articuler au mieux la prise en charge, car l'expertise "est toujours en voie d'acquisition", reconnaît Hélène Gadisseux. Les cas pris en charge sont très variables: cela va de la fille de 17 ans et 10 mois qui vient de sortir d'IPPJ et vit une situation familiale précaire, au jeune majeur autiste qui arrive à l'université et a besoin d'adaptations à son nouveau milieu de vie. "Chaque prise en charge est personnalisée et nécessite le concours de plusieurs acteurs. K-BAN constitue un boost pour faciliter les coopérations entre les acteurs qui gravitent autour des jeunes en âge de transition. L'objectif n'est pas que chaque professionnel s'implique à chaque étape, mais plutôt de mieux articuler, de mieux coordonner les soins afin d'apporter la meilleure réponse possible à une problématique donnée."L'objectif d'investir dans le chantier 5, pour le Fédéral, est de diminuer les hospitalisations. "Ce type de projet permet de disposer d'un dispositif intersectoriel qui prône une approche globale, intégrée du jeune. Cela ouvre le champ d'analyse et permet d'appréhender le jeune dans sa complexité. L'objectif est d'agir sur les différents déterminants de la santé, de sorte à soutenir au mieux l'enfant, d'éviter que sa situation et sa santé mentale ne se détériorent. C'est cela qui permet d'éviter les hospitalisations", explique Hélène Gadisseux. "Je constate que vous avez en réalité mélangé deux sources de subsides pour réaliser ce projet: l'un concerne effectivement la problématique de la transition, pour laquelle des fonds ont été débloqués, mais l'autre concerne des problématiques psychiatriques plus complexes. Je trouve cela intéressant", commente Frank Vandenbroucke. "On ne peut plus travailler en silos", rebondit Barbara Truyers. "Un jeune en âge de transition, c'est complexe. Nous voulions prendre en compte cette complexité. Et pour cela, il fallait allier la prévention et la prise en charge complexe. De plus en plus de secteurs sont confrontés à des situations mêlant social et santé mentale. Nous sommes obligés de travailler ensemble pour répondre aux besoins."On notera que K-BAN est un projet propre aux besoins du Brabant wallon, et que chaque province a eu des moyens financiers pour mettre sur pied ce type de projets. Avec beaucoup de liberté, mais tout de même une ligne de conduite: l'intersectorialité. Et finalement le décloisonnement de l'offre de soins en santé mentale.