Jean-Noël Godin quitte définitivement le 15 février le poste de directeur du Groupement belge des omnipraticiens (GBO) auquel il avait été nommé le 5 août 2019. Interview-bilan.
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Le journal du Médecin: Sans vous lancer des fleurs, on a senti peu de temps après votre arrivée, votre influence sur le côté "mieux structuré" du GBO... sans dire que c'était le chaos avant, bien entendu... Jean-Noël Godin: Le sentiment que j'avais en arrivant est que la MG ne parlait pas d'une seule voix... Une première raison objective est que les compétences relatives à la MG dépendent aujourd'hui à la fois du Fédéral et des entités fédérées, notamment pour l'organisation de la médecine générale (les cercles, compétence des Régions) et pour les "sous-quotas" en médecine (compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles). L'autre raison est que le secteur de la MG est fort diversifié: il y a les sociétés scientifiques, les cercles, les syndicats, les universités... Chapeauté par le Collège de médecine générale (CMG) pour lequel j'avais (et j'ai toujours) l'espoir qu'il constitue une "voix unique" de faire entendre la médecine générale auprès des autorités politiques. Pour preuve: son courrier adressé au ministre Vandenbroucke, à l'administration et à l'Inami fin décembre réclamant une série de revalorisations en matière de gardes... Le CMG peut peut-être constituer le pendant de Domus Medica en Flandre (lequel représente également Wachtpost, la garde MG en Flandre). Mais qu'est-ce qui, en particulier, vous a convaincu de rejoindre le GBO? Outre que je trouvais Paul très sympathique, le GBO, pour moi, va au-delà d'une approche purement "médecine". L'Absym est un excellent syndicat bien entendu, mais il se bat essentiellement pour des questions d'honoraires et de pouvoir des médecins au sein des institutions hospitalières par rapport aux gestionnaires. Paul De Munck apporte une dimension "santé publique" et pluridisciplinaire qui m'a intéressé. Essayons de faire une colonne "plus" et une colonne "moins" si vous le voulez bien: qu'avez-vous pu apporter au GBO concrètement et quels sont vos regrets? Je pense avoir apporté ma pierre au pôle administratif du GBO, l'avoir mieux organisé. Le premier axe était la réorganisation et la transformation d'une "simple" union professionnelle en ASBL. À l'arrivée, j'ai doté le GBO d'un véritable Conseil d'administration, me semble-t-il. Le second axe a été de professionnaliser l'équipe. En phase totale avec Paul De Munck, je le souligne, nous avons travaillé sur cet axe avec notamment l'engagement d'une spécialiste de la communication, Ariane Peters (...) Au GBO, on cherche en réalité une symbiose entre tous les courants: on respecte la médecine à l'acte mais aussi au forfait, les maisons médicales, le New Deal. Au GBO, nous pensons que la pluridisciplinarité est la clé de l'avenir des soins. Moi qui ai été avocat pendant trois ans, je me rends compte qu'il n'y a presque plus d'avocats qui travaillent seuls. C'est devenu impossible avec les congés, les vacances, etc. Tout ça pour dire que j'ai engagé le candidat qui, en tout cas sur papier, est idéal. En outre, on a engagé ce qui nous manquait énormément aussi: une véritable assistante de direction, c'est-à-dire quelqu'un qui puisse gérer les agendas, organiser les mandats... Le GBO initie également une vaste réflexion sur la gouvernance. On souhaite rajeunir et féminiser les cadres, intéresser un plus grand nombre de jeunes médecins à la chose publique au sens large du terme et au syndicalisme en particulier. Vous devez avoir quand même un regret: vous vouliez au moins un siège supplémentaire de généraliste à la médico-mut lors des dernières élections médicales. Comment avez-vous vécu cette période? Forcément déçu? Je ne vais pas tourner autour du pot. Ce n'est pas une victoire. Je ne vais pas faire comme les partis politiques qui se déclarent tous victorieux au lendemain des élections. J'attends toujours en Belgique un président de parti qui, comme ce dirigeant taïwanais, s'excuse trois fois d'avoir perdu les élections. Paradoxalement on a un plus grand nombre de membres que par le passé et un taux de lecture de nos infos en net progrès. Peut-être n'avons-nous pas suffisamment expliqué notre démarche puisqu'on se rend compte que beaucoup de généralistes, même parmi ceux qui votent pour l'autre syndicat, l'Absym, se tiennent informés par nos publications. Peut-être que l'Absym, qui a l'air de défendre avant tout la rémunération, a davantage convaincu. On s'est toutefois positionné pour plusieurs revalorisations comme l'honoraire de disponibilité. On est peut-être victime du fait que peu de médecins actifs vont vraiment voter. Il reste à s'interroger, tout en restant fidèles à nos valeurs, sur les raisons de l'échec et faire mieux dans cinq ans. Puisque vous partez, vous avez une plus grande liberté pour juger l'action de Frank Vandenbroucke, ministre hyperactif, doté d'une vision et qui marque généralement les législatures auxquelles il participe. Comment juger son action au niveau de la médecine générale? Commençons par le négatif: il est fort influencé par la vision flamande des choses, pas seulement en MG mais en santé en général. En gros, il y a trois ou quatre penseurs qui influencent son action et qu'il écoute: Jan De Maeseneer notamment. Son cabinet est très fortement sous influence flamande. Les cabinets francophones comptent généralement plus de Flamands que les cabinets néerlandophones ne comptent de francophones. Le deuxième reproche que je lui fais, c'est qu'il a souvent court-circuité la concertation. Par exemple, il y a eu des moments où le ministre, pour implanter de nouvelles nomenclatures, est passé par le pseudo code parce que modifier le code de nomenclature l'obligeait à passer par une série d'organes tels que Conseil technique médical, etc. Autre reproche: la réforme du fonctionnement de la médico-mut n'a pas eu lieu. Ça dure toujours au moins trois heures avec 70 personnes dont la majorité ne participent pas vraiment et sont en caméra cachée. Si on veut rajeunir et féminiser les cadres, il faut des réunions plus courtes et à des heures décentes. La preuve est que le dernier accord médico-mut s'est négocié avec les acteurs effectifs en petit nombre. AADM démontre qu'on peut rajeunir et féminiser avec ses deux représentantes. Mais un jeune médecin (jusque 45 ans, on va dire) ne peut pas se permettre de perdre trois heures de consultations pour siéger en médico-mut. Et un point positif pour Vandenbroucke? Certainement sa gestion de la pandémie covid. C'est dû à sa vision en matière de santé publique. L'accord conclu avec la ministre MR Glatigny pour mettre fin à l'incertitude autour des numéros Inami est certainement une bonne chose également. Et puis, il a quand même initié une série de réformes. Il avance à grands pas. Notamment celles concernant la nomenclature, le financement hospitalier et l'art de guérir, mais selon une approche qui est malheureusement à nouveau un peu trop flamande. On l'a vu avec les assistants de pratique, notion qui vient plutôt de Flandre. Mais c'est aux francophones de faire part de leurs idées aussi. S'il écoutait plus les francophones, cela pourrait nourrir une action à venir s'il rempile, comme je le souhaite, comme ministre de la Santé publique.