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Vendredi dernier, la Cour suprême des États-Unis qui compte six juges conservateurs sur neuf a considéré via l'arrêt "Dobbs" que le droit à l'avortement n'était pas absolu (pas un droit constitutionnel). Revenant sur un célèbre arrêt Roe & Wade, la Cour laisse désormais aux États américains le droit ou non d'autoriser ou d'interdire l'IVG. Plusieurs États "progressistes" dont l'État de Washington (situé au nord-ouest du pays) et la Californie ont décidé de maintenir ce droit alors que sept État conservateurs se sont précipités, dès l'arrêt rendu, pour l'interdire. Joe Biden, fervent catholique, a qualifié la décision de la Cour suprême d' "erreur tragique fruit d'une idéologie extrémiste" qui pourrait voir remettre en question par exemple le mariage gay. Le président des États-Unis espère faire voter rapidement une loi fédérale qui autorise l'avortement dans l'ensemble du pays. Toutefois, les élections de mi-mandat en novembre augurent d'une défaite historique du Parti démocrate qui pourrait perdre la majorité au Sénat et à la Chambre. Biden a donc peu de chance d'aboutir. L'arrêt de la Haute Cour enlève à l'avortement son caractère de droit constitutionnel en postulant que "le quatorzième amendement protège deux catégories de droits substantiels - les droits garantis par les huit premiers amendements à la Constitution et les droits jugés fondamentaux qui ne sont mentionnés nulle part dans la Constitution". Le droit à l'avortement n'étant pas profondément enraciné dans l'histoire et la tradition des États-Unis, il fait manifestement partie de la seconde catégorie pour la plus haute Instance juridique des États-Unis. La Cour consacre en effet le fait qu'historiquement, jusqu'à l'arrêt Roe&Wade de 1973, le droit américain ne soutenait pas le droit constitutionnel d'obtenir un avortement. "Jusqu'à quelques années avant Roe, aucun tribunal fédéral ou d'État n'avait reconnu un tel droit. Aucun traité scientifique non plus. En fait, l'avortement était depuis longtemps un crime dans tous les États. Au moment de l'adoption du quatorzième amendement, les trois quarts des États avaient fait de l'avortement un crime à tous les stades de la grossesse. Ce consensus a perduré jusqu'à l'arrêt Roe."La faiblesse de l'arrêt Roe est que, contrairement aux législations dans la plupart des pays européens, il ne définit pas de date limite pour pratiquer un IVG, renvoyant la fixation du délai aux États. Roe&Wade postule seulement que pendant le premier trimestre de la grossesse, les États ne peuvent en aucun cas restreindre le droit d'avorter ; pendant le deuxième trimestre, ils doivent mettre en balance l'intérêt de la mère et de l'enfant et pendant le troisième trimestre, moment où le foetus est viable, seule la santé et la vie de la mère peuvent conduire à autoriser un avortement. Le juge conservateur Kavanaugh a précisé dans ses commentaires que la Constitution américaine n'est ni pro-choix ni pro-vie. Elle est neutre et "laisse au peuple et à ses représentants élus le soin de résoudre cette question par le biais du processus démocratique". Le juge progressiste Clarence Thomas a précisé que le 14e amendement ne devait plus servir à "inventer des droits constitutionnels" mais doit laisser au débat démocratique le soin de décider des droits des Américains. Le fait que cette même Cour ait précisé à peu près au même moment que le droit de détenir une arme à domicile est bel et bien constitutionnel ne manque pas de scandaliser à juste titre l'opinion occidentale. Dura lex sed lex...