...

C'est vrai que l'été avait bien commencé. L'inflation ralentit trop lentement et les banques centrales sont dès lors peu enclines à mettre fin à leurs hausses des taux? Certes, ce n'est pas vraiment positif, mais on s'est fait à l'idée. D'autant que tout à la fin juillet, la banque centrale américaine, la Fed pour les intimes, laisse entendre qu'elle entrevoit, suivant l'expression consacrée, un "atterrissage en douceur" pour l'économie. Autrement dit, un ralentissement prenant fin sans douleurs. Et ceci par opposition à une récession, source de nombreux maux. Et comme les résultats publiés par les entreprises sont franchement bons dans l'ensemble et que la croissance américaine du deuxième trimestre est supérieure aux attentes, il n'y a vraiment pas de raison de broyer du noir. De ce côté-ci de l'Atlantique aussi, les bénéfices sont bons... au premier trimestre. Mais moins au second. C'était toutefois attendu, de sorte que ce n'est pas vraiment une mauvaise nouvelle. On ne saurait toutefois faire l'impasse sur la situation en Belgique, où les bénéfices sont plutôt en berne. Avec pour conséquence une bourse de Bruxelles en repli de 6% environ à la fin juillet, alors que l'Europe est en hausse de quelque 8%. Douloureuse différence! Ce qui gâche l'ambiance au milieu de l'été, de part et d'autre de l'Atlantique d'ailleurs, ce sont les commentaires dont les entreprises enrobent les résultats. Ils mettent en particulier l'accent sur un second semestre très probablement plus faible. Or, on achète une action pour les bénéfices futurs de l'entreprise, pas pour ceux du passé. C'est donc fort logiquement que les investisseurs lèvent le pied. Illustration très frappante: Solvay. Le géant chimique belge surprend agréablement par ses excellents résultats du premier semestre, supérieurs aux attentes, mais il prévient que la situation s'est dégradée et que les mois à venir sont assez incertains. Résultat: un cours en chute de 6% sur la journée. Outre-Atlantique, ces avertissements sont moindres, mais l'ambiance est un peu plombée par quelques initiatives surprenantes. Ainsi l'agence de notation Fitch dégrade-t-elle d'un cran la note de solvabilité des États-Unis, en tant que pays émetteur d'obligations ; elle revient de AAA à AA+. La démarche n'inquiète pas vraiment, et même pas du tout, mais elle jette un froid. Même chose, quelques jours plus tard, quand sa consoeur Moody's abaisse la note de plusieurs banques, dont deux assez importantes. Dans un pays encore traumatisé par la crise bancaire du mois d'avril et la spectaculaire faillite de la Silicon Valley Bank, certains s'inquiètent un peu: le secteur bancaire serait-il décidément moins costaud qu'on le pensait? La plus grosse inquiétude de l'été vient toutefois de l'autre côté de la planète: alors qu'elle était présentée en début d'année comme le principal moteur de la croissance économique en 2023, voilà que la Chine est en panne! On la trouvait lente à redémarrer après la levée, à la fin de l'an dernier, des restrictions liées au Covid mais il apparaît... qu'elle ne redémarre pas vraiment. En août encore, alors que le secteur industriel renoue (de peu) avec une croissance positive, celui des services recule sérieusement, s'inscrivant au plus bas depuis décembre. Le problème est simple: les Chinois préfèrent épargner plutôt que consommer. Et ce n'est pas une vertu, dans la mesure où le pays en a besoin pour se relancer. La faiblesse de la demande est telle que, au mois de juillet, l'indice des prix de détail s'inscrit... en repli de 0,3%. Comme si cela ne suffisait pas, les plus grands promoteurs immobiliers du pays sont aux abois et ont du mal à payer les intérêts sur leur dette. Evergrande, le numéro 2, a même fait aveu de faillite aux Etats-Unis. L'ambiance ne s'est pas améliorée en septembre, avec le prix du pétrole qui continue à monter et une inflation globale qui résiste un peu trop vaillamment, du moins en Europe. Sans oublier le coup de froid concernant l'Allemagne, le 11 septembre, la Commission annonce qu'elle a revu ses prévisions de croissance en baisse de 0,3% pour la zone euro, tant pour cette année (à 0,8%) que pour 2024 (à 1,3%). Et ceci à cause notamment de l'Allemagne, pour laquelle on prévoit à présent -0,4% pour l'ensemble de cette année. L'industrie, point fort historique du pays, est à la peine: après l'envol des prix énergétiques, c'est la panne de la Chine, un gros client, qui l'handicape. Le mois de septembre fut aussi l'occasion pour les banques centrales de se mettre en vedette. Lors de sa réunion du 14 septembre, à Francfort, la banque centrale européenne (BCE) a relevé son taux de base, comme c'était devenu assez largement attendu. Pas vraiment une mauvaise nouvelle, donc. Sa présidente Christine Lagarde a laissé entendre que ce pourrait être la dernière fois. Avec un conditionnel bien marqué! Beaucoup l'espéraient, mais ce fut quand même considéré, un peu timidement il est vrai, comme une bonne nouvelle. À preuve: les taux d'intérêt se sont détendus. Pas pour longtemps. Voilà en effet que lors de la réunion de la Fed américaine, qui n'a comme attendu pas relevé ses taux, son président Jerome Powell a non seulement prévenu qu'une nouvelle augmentation aurait probablement lieu en novembre, ce qui est largement attendu, mais aussi que les taux pourraient rester plus élevés plus longtemps que prévu par les économistes. Là, ce fut la douche froide! À preuve: les taux d'intérêt sont remontés. Après la presque euphorie du début de l'été, le début de l'automne prolonge malheureusement la seconde moitié de l'été, avec des inquiétudes l'emportant le plus souvent sur les motifs de satisfaction. "La récession fait la pause, mais pour combien de temps" s'inquiète Degroof Petercam, tandis qu'Axa écrit carrément: "Alors que le sentiment du marché s'est terni du fait de la récession à venir". Tout le monde n'est toutefois pas encore gagné à l'idée, doit-on souligner. Par contre, depuis quelques semaines, un spectre nouveau est brandi par un nombre croissant d'économistes: la stagflation (lire le cadre ci-contre), soit la persistance de l'inflation alors que l'économie stagne. Cette dernière situation, synonyme de demande atone, fait en principe reculer l'inflation. La stagflation est donc un phénomène assez exceptionnel. Un commentateur affirmait même récemment que le Canada et la Grande-Bretagne sont déjà en stagflation. L'Union européenne risque-t-elle de suivre? Certains le redoutent, mais ils sont plus nombreux à anticiper une récession classique. Dans un tel contexte, on comprend que les investisseurs marchent sur des oeufs. Aussi vrai que les États-Unis sont toujours en forme et que l'Europe a jusqu'ici résisté mieux que prévu, ils ne broient pas vraiment du noir, mais guettent les indicateurs économiques avec une certaine appréhension. En bourse, le fameux "rallye de fin d'année" n'est pas encore acquis!