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"Régulièrement, les travailleurs des maisons médicales sont confrontés à des propos sur le modèle forfaitaire qui ne correspondent pas à la réalité du terrain, notamment sur la notion de la sélection de risque, qui est une problématique potentielle d'un modèle à la capitation souvent invoqué pour décrédibiliser notre modèle", explique le Dr Roger van Cutsem, actif au sein du Service études et recherches de la FMM. "Nous disposons de chiffres intéressants puisque la FMM a récemment fait une étude sur le lien entre précarité et les maladies chroniques. Nous avons donc la prévalence de toute une série de maladies chroniques. C'était l'occasion de vérifier l'hypothèse de cette sélection de risque. Il y a la volonté de nourrir un autre récit sur la médecine forfaitaire. Parce que le récit qui circule souvent est un récit très négatif où l'on avance de façon péremptoire des arguments qui ne sont pas toujours validés. Nous essayons d'amener de l'objectivité dans ce débat."Le phénomène de sélection de risque dans le modèle forfaitaire est complexe. D'une part, il y a potentiellement un phénomène de recrutement à l'inscription des patients les plus fragilisés qui sont intéressés par un modèle financièrement très accessible. D'autre part, il y a le risque de sélection via désinscription des patients les plus requérants de soins à l'initiative de structures qui voudraient alléger leur charge de travail ou dont la composition de l'équipe de soins ne permet pas une prise en charge adéquate. La comparaison des données disponibles de prévalence de pathologies chroniques peut permettre d'illustrer ces phénomènes de sélection. Et le cas échéant d'observer si une tendance se dégage permettant de confirmer ou d'infirmer ces hypothèses de sélection de risque, dans le modèle des maisons médicales au forfait en Belgique. La FMM s'est basée, pour cette comparaison, sur une étude effectuée par ses soins sur la prévalence des maladies chroniques en 2019 au sein des maisons médicales participant au projet "Tableau de Bord" (lire encadré) et sur les résultats de l'Enquête de santé (HIS) 2018. La FMM observe que la prévalence au sein des maisons médicales étudiées est significativement [+25% ; +50%] plus élevée pour les pathologies les plus fréquentes à savoir l'HTA, la dépression et les diabètes type 1 et 2. Pour la bronchite chronique, la prévalence est significativement plus élevée en Wallonie et non significativement moins élevée à Bruxelles. Pour l'épilepsie, les différences sont non significatives. Des chiffres qui ne sont pas surprenants pour le Dr van Cutsem. "Ce qui est intéressant, c'est que l'on montre, après un ajustement genre-âge, qu'il y a une prévalence clairement accrue de pathologies chroniques en maisons médicales. Nous montrons également que la différence observée est due principalement à la sélection d'une patientèle plus précaire." "Aucune donnée ne corrobore l'hypothèse d'un phénomène de sélection des risques, via la non-inscription ou la désinscription des patients les plus lourds, tel qu'observé classiquement dans le modèle du financement forfaitaire à la capitation" exprime le rapport dans ses conclusions. Et de nuancer: "Pouvons-nous l'exclure pour autant? Clairement non! En effet, les chiffres analysés reflètent potentiellement un double flux: recrutement à l'inscription d'une population plus précarisée, donc plus à risque de développer des pathologies chroniques, et désinscription potentielle de patients trop lourds par des équipes qui ne peuvent ou ne veulent pas assurer leur prise en charge. L'ampleur du premier pouvant totalement occulter le second. "S'il y a sélection de risque - il y en a probablement - c'est un phénomène marginal", commente Roger van Cutsem. "Chaque modèle comporte évidemment des risques et il ne s'agit pas de dire que tel modèle est vertueux et que l'autre ne l'est pas. Dans tous les modèles, il peut y avoir des attitudes délétères. Il peut y avoir des désinscriptions de patients car l'équipe de soins ne parvient pas à les prendre en charge. Mais, dans l'échantillon que nous étudions, cela se révèle marginal. Il faut d'ailleurs être prudent et dire que cet échantillon est composé de maisons médicales qui, volontairement, participent à un projet qualitatif de l'encodage, qui est le projet 'Tableau de Bord'. Il faudrait donc pouvoir confirmer ces chiffres dans l'ensemble du modèle forfaitaire."