Après des études en Palestine, Salim El Hadwe a "fait sa médecine" en Grèce, six mois à Lyon, est passé par Bruxelles, Londres et Barcelone avant de choisir définitivement la capitale européenne pour parfaire sa formation de neurochirurgien. "J'ai eu le sentiment qu'en Angleterre, ils t'acceptent pour faire tourner le système de soins, mais qu'ils ne veulent plus rien te donner pour te faire progresser. Ici, dans le service du professeur Olivier De Witte, qui est mon maître de stage, on m'apprend chaque jour quelque chose de neuf, on m'aide à progresser, à réaliser des gestes de plus en plus perfectionnés." Retourné un temps en Grèce pratiquer la chirurgie générale, le temps de postuler, Salim El Hadwe a donc accumulé une expérience multiple et une riche connaissance linguistique puisqu'il pratique couramment cinq langues...

"Si j'ai choisi ce service, c'est d'abord pour son excellence en chirurgie pédiatrique, mais aussi parce qu'on y pratique la chirurgie de toutes les pathologies avec une activité élevée. Cerise sur le gâteau, il est équipé de l'appareil le plus performant en matière de radiochirurgie stéréotaxique: le Gamma Knife, un appareil permettant de détruire avec une précision millimétrique des lésions profondément situées dans le cerveau ou à la base du crâne (tumeurs, malformations vasculaires). Cela permet une prise en charge optimale", s'enthousiasme le jeune médecin. "Le patient garde le choix d'être 'seulement' opéré ou de bénéficier de l'irradiation du Gamma Knife en plus. Pour moi, cette possibilité de choix est essentielle. Dans de nombreux endroits que j'ai visités lors de ma formation, le choix n'existe pas, le protocole de soins est imposé."

"Beaucoup de patients se sentaient abandonnés"

Et puis vint le virus. "C'était un lundi, je n'avais pas écouté les nouvelles avant de venir à l'hôpital. On commence tôt. Mais sur le tableau du service, toutes les opérations programmées étaient annulées et les consultations avaient été stoppées net. On s'est donc attendu à quelque chose d'énorme, de radical. Et effectivement ce fut le cas. Pour autant, nous avons gardé une activité importante. Quand un patient souffre d'un hématome sous-dural, s'il n'est pas opéré en urgence, il va tout simplement mourir, il n'est pas question de retarder l'intervention. Même chose pour une hernie discale. Quand le patient ne dort plus depuis quatre jours, cela signifie que l'intervention devient urgente." Après quelques jours de "gel" des opérations programmées, l'équipe a aussi dû reconsidérer la situation de manière plus générale. Face à une énorme tumeur cérébrale, que faire, même si le patient ne risque pas une mort immédiate? "On ne voyait pas la fin de la période du Covid. Retarder encore ce type d'opérations était possible, mais jusqu'à quand? Nous avons donc pris en charge aussi ces cas particuliers, au-delà des cas d'urgence. Tous les médecins ont dû établir leurs priorités et jauger quels patients étaient le plus à risque. Quand tu opères depuis vingt ans des lésions cérébrales, tu sais identifier quand il faut attendre et quand il ne faut pas."

L'équipe s'adapte: les consultations de suivi sont effectuées par téléphone, on invente sur le tas: envoi de photos par mail. Puis l'hôpital s'équipe de manière à pouvoir mener des consultations avec des caméras. "Néanmoins, beaucoup de patients se sentaient abandonnés et les premières semaines ont été très difficile." L'équipe continue aussi à utiliser le Gamma Knife: "Avec les enfants notamment, on ne peut pas traîner, la vitesse de croissance des tumeurs impose de traiter immédiatement. Le professeur Florence Lefranc, qui pilote particulièrement les patients oncologiques, a notamment donné l'impulsion pour qu'on augmente l'activité."

Pendant ce temps, le Covid complique tout: "Chaque patient devait être testé et isolé le cas échéant. Au niveau logistique, il y a certains étages covid et des scanners covid et d'autres non-covid. Pour le personnel c'est très lourd moralement. Ils ont des familles, des grands-parents fragiles. Tu crains de rentrer chez toi, de transmettre la maladie à tes proches. C'est très stressant". Mais aucun des ténors de l'équipe n'hésite à monter eu front: "J'ai travaillé aussi avec le Dr Alphonse Lubansu, spécialiste de la colonne cervicale et lombaire, ainsi que des pathologies néoplasiques. Quand des métastases atteignent la moelle ou des vertèbres, il faut opérer. Il était impossible de dire d'arrêter d'opérer."

La recherche et l'écriture de 'papiers' scientifiques

Avec le Dr Lubansu, Salim El Hadwe, en binôme avec son acolyte Sami Barrit approfondit aussi un autre aspect de son métier: la recherche et l'écriture d'articles scientifiques. "C'est la recherche qui est la machine qui m'anime dans le futur. Mais nous n'avons pas beaucoup de temps pour écrire des articles, il faut le faire sur notre temps libre. Toute l'équipe a concouru à la réalisation de l'article "Covid-19 Impact on Neurosurgical Practice: Lockdown Attitude and Experience of a European Academic Center". Chacun avait son rôle. Nous avons 'revu' tous les patients passés en neurochirurgie, en les comparant aux résultats engrangés l'année précédant la pandémie, afin de savoir si nos performances avaient chuté. Le résultat montre que le nombre de traumas a chuté, parce qu'il y a eu heureusement moins d'accidents. Mais ce qui nous fait plaisir, c'est que les patients soignés durant la pandémie ne semblent pas avoir eu moins de chances de bons résultats, malgré des inconvénients majeurs."

Que sera demain? Salim El Hadwe doit encore parfaire sa formation durant un an et demi environ à Erasme. Il s'y plaît et resterait bien à Bruxelles. Il y a trouvé l'amour, mais n'oublie pas sa famille en Grèce. Il dîne d'ailleurs toujours au milieu de l'après-midi, comme là-bas, et vit en co-location, pour le plaisir de la discussion et des échanges.

À vous de voter

Nous vous présentons dans cinq numéros consécutifs les candidats au prix du Spécialiste de l'année. Cette année, il a été décidé en concertation avec le Groupement belge des spécialistes d'attribuer ce prix à des médecins spécialistes en formation pour mettre à l'honneur tous les Macs qui se sont mobilisés en Belgique francophone durant la pandémie dans les services hospitaliers. Les cinq candidats ont été proposés par la Délégation des médecins francophones en formation asbl. Après la présentation des quatre candidats, nous vous demanderons d'élire le lauréat du prix du Spécialiste de l'année 2021.

Après des études en Palestine, Salim El Hadwe a "fait sa médecine" en Grèce, six mois à Lyon, est passé par Bruxelles, Londres et Barcelone avant de choisir définitivement la capitale européenne pour parfaire sa formation de neurochirurgien. "J'ai eu le sentiment qu'en Angleterre, ils t'acceptent pour faire tourner le système de soins, mais qu'ils ne veulent plus rien te donner pour te faire progresser. Ici, dans le service du professeur Olivier De Witte, qui est mon maître de stage, on m'apprend chaque jour quelque chose de neuf, on m'aide à progresser, à réaliser des gestes de plus en plus perfectionnés." Retourné un temps en Grèce pratiquer la chirurgie générale, le temps de postuler, Salim El Hadwe a donc accumulé une expérience multiple et une riche connaissance linguistique puisqu'il pratique couramment cinq langues... "Si j'ai choisi ce service, c'est d'abord pour son excellence en chirurgie pédiatrique, mais aussi parce qu'on y pratique la chirurgie de toutes les pathologies avec une activité élevée. Cerise sur le gâteau, il est équipé de l'appareil le plus performant en matière de radiochirurgie stéréotaxique: le Gamma Knife, un appareil permettant de détruire avec une précision millimétrique des lésions profondément situées dans le cerveau ou à la base du crâne (tumeurs, malformations vasculaires). Cela permet une prise en charge optimale", s'enthousiasme le jeune médecin. "Le patient garde le choix d'être 'seulement' opéré ou de bénéficier de l'irradiation du Gamma Knife en plus. Pour moi, cette possibilité de choix est essentielle. Dans de nombreux endroits que j'ai visités lors de ma formation, le choix n'existe pas, le protocole de soins est imposé."Et puis vint le virus. "C'était un lundi, je n'avais pas écouté les nouvelles avant de venir à l'hôpital. On commence tôt. Mais sur le tableau du service, toutes les opérations programmées étaient annulées et les consultations avaient été stoppées net. On s'est donc attendu à quelque chose d'énorme, de radical. Et effectivement ce fut le cas. Pour autant, nous avons gardé une activité importante. Quand un patient souffre d'un hématome sous-dural, s'il n'est pas opéré en urgence, il va tout simplement mourir, il n'est pas question de retarder l'intervention. Même chose pour une hernie discale. Quand le patient ne dort plus depuis quatre jours, cela signifie que l'intervention devient urgente." Après quelques jours de "gel" des opérations programmées, l'équipe a aussi dû reconsidérer la situation de manière plus générale. Face à une énorme tumeur cérébrale, que faire, même si le patient ne risque pas une mort immédiate? "On ne voyait pas la fin de la période du Covid. Retarder encore ce type d'opérations était possible, mais jusqu'à quand? Nous avons donc pris en charge aussi ces cas particuliers, au-delà des cas d'urgence. Tous les médecins ont dû établir leurs priorités et jauger quels patients étaient le plus à risque. Quand tu opères depuis vingt ans des lésions cérébrales, tu sais identifier quand il faut attendre et quand il ne faut pas."L'équipe s'adapte: les consultations de suivi sont effectuées par téléphone, on invente sur le tas: envoi de photos par mail. Puis l'hôpital s'équipe de manière à pouvoir mener des consultations avec des caméras. "Néanmoins, beaucoup de patients se sentaient abandonnés et les premières semaines ont été très difficile." L'équipe continue aussi à utiliser le Gamma Knife: "Avec les enfants notamment, on ne peut pas traîner, la vitesse de croissance des tumeurs impose de traiter immédiatement. Le professeur Florence Lefranc, qui pilote particulièrement les patients oncologiques, a notamment donné l'impulsion pour qu'on augmente l'activité."Pendant ce temps, le Covid complique tout: "Chaque patient devait être testé et isolé le cas échéant. Au niveau logistique, il y a certains étages covid et des scanners covid et d'autres non-covid. Pour le personnel c'est très lourd moralement. Ils ont des familles, des grands-parents fragiles. Tu crains de rentrer chez toi, de transmettre la maladie à tes proches. C'est très stressant". Mais aucun des ténors de l'équipe n'hésite à monter eu front: "J'ai travaillé aussi avec le Dr Alphonse Lubansu, spécialiste de la colonne cervicale et lombaire, ainsi que des pathologies néoplasiques. Quand des métastases atteignent la moelle ou des vertèbres, il faut opérer. Il était impossible de dire d'arrêter d'opérer."Avec le Dr Lubansu, Salim El Hadwe, en binôme avec son acolyte Sami Barrit approfondit aussi un autre aspect de son métier: la recherche et l'écriture d'articles scientifiques. "C'est la recherche qui est la machine qui m'anime dans le futur. Mais nous n'avons pas beaucoup de temps pour écrire des articles, il faut le faire sur notre temps libre. Toute l'équipe a concouru à la réalisation de l'article "Covid-19 Impact on Neurosurgical Practice: Lockdown Attitude and Experience of a European Academic Center". Chacun avait son rôle. Nous avons 'revu' tous les patients passés en neurochirurgie, en les comparant aux résultats engrangés l'année précédant la pandémie, afin de savoir si nos performances avaient chuté. Le résultat montre que le nombre de traumas a chuté, parce qu'il y a eu heureusement moins d'accidents. Mais ce qui nous fait plaisir, c'est que les patients soignés durant la pandémie ne semblent pas avoir eu moins de chances de bons résultats, malgré des inconvénients majeurs." Que sera demain? Salim El Hadwe doit encore parfaire sa formation durant un an et demi environ à Erasme. Il s'y plaît et resterait bien à Bruxelles. Il y a trouvé l'amour, mais n'oublie pas sa famille en Grèce. Il dîne d'ailleurs toujours au milieu de l'après-midi, comme là-bas, et vit en co-location, pour le plaisir de la discussion et des échanges.