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De terme "haut potentiel" (HP) ou, plus récemment, "haut potentiel intellectuel" (HPI) est de plus en plus à la mode. Chacun semble espérer l'avoir été ou avoir au moins un enfant qui l'est. La société a toujours été fascinée par "les enfants prodiges" et ce n'est pas sans fierté qu'une de vos connaissances vous glissera, in petto, "mon fils est un haut potentiel" alors que vous souligniez justement la vivacité d'esprit du lambin... Deux essais récents, dont les auteurs sont parfois également HPI eux-mêmes et ont connu certaines difficultés dans l'enfance pour être reconnus, s'offrent à nous comme des sortes de mode d'emploi, en particulier pour les parents quelque peu dépassés par leur progéniture trop avancée pour leur âge. Il s'agit de Dans la tête des HP- de haut-potentiel à hyper-frontal (de Patricia Gros et Jeremy Michel - Renaissance du Livre[1]) et de "Vivre avec un haut-potentiel - Comprendre les HPI et leurs difficultés pour mieux les accompagner - Coordonné par Daniel Wurmberg - Mardaga[2]). Car si les HPI font encore peur, d'une part, ils nous renvoient un peu parfois aux affres de l'eugénisme et percutent le conflit inné-acquis déstabilisé par le progrès des neuro-sciences. Le premier essai tourne assez largement autour du cortex pré-frontal, au sein duquel tout se jouerait. Jérémy Michel et Patricia Gros rappellent d'abord fort judicieusement comment on peut éventuellement repérer les HPI. Sur le plan intellectuel - beaucoup d'entre vous s'y reconnaîtrons et il faut être prudent: ces caractéristiques ne suffisent pas à faire de vous un HPI -, ces "surdoués" font souvent montre d'une grande curiosité. Ils lisent très tôt et des ouvrages classiques ardus, s'expriment avec un langage élaboré. Ils sont dotés d'une grande mémoire, d'une pensée créatrice et d'un haut sens de l'observation. Ils s'ennuient toutefois très rapidement une fois qu'ils ont fait le tour du concept étudié (et ils le font généralement vite). Sur le plan émotionnel, ils sont dotés d'une sorte de 6e sens, montrent une grande empathie, sont hyper-sensibles, pratiquent un humour très particulier qui peut faire penser à du cynisme, sont allergiques à l'injustice et à l'autorité brute. A l'école, leurs caractéristiques les poussent à apprendre très vite mais sans méthodologie apparente. S'ils développent une grande élocution, ils souffrent d'une expression écrite catastrophique et illisible (surtout les garçons). Tant il est vrai qu'on peut afficher toutes ces caractéristiques SANS être HPI et donc se fourvoyer, les neuro-sciences permettent aujourd'hui de mieux circonscrire le phénomène. Ainsi, on a pu découvrir que les HP disposent d'une plus grande connectivité neuronale, notamment dans le cortex préfrontal. S'en suit dans l'ouvrage une série impressionnante de conseils visant à mieux gérer l'hyper-activité consubstantielle à ce type d'intelligence. "La particularité de l'hyper-frontal est d'être un mode mental hybride dans lequel l'analyse préfrontale et le mode automatique se partagent la cognition. [Ceci] entraîne un stress cognitif. Que faire? Le HP qui prend conscience de ces mécanismes devient capable de choisir la répartition cognitive entre partie automatique et partie préfrontale."Vivre avec un haut-potentiel, plus complet me semble-t-il mais plus psychiatrisé, se focalise davantage sur les enfants et adolescents HPI dont certains peuvent développer des troubles psychiatriques suite au mal-être ressenti de par leur état de HPI. Le livre s'attache notamment à la description des troubles psycho-affectifs. Caroline Schaeffer conte notamment par le détail le cas du jeune Corentin, vraisemblablement HPI, en conflit avec son institutrice de par une forme d'arrogance. Corentin est doué d'une capacité d'abstraction hors-norme mais ses autres capacités intellectuelles sont très hétérogènes (son orientation des formes par exemple est problématique ainsi que l'écriture) ce qui empêche la thérapeute de conclure à un haut potentiel global. Malgré l'entame d'une thérapie familiale, il y a pour Corentin un constat d'échec: "La thérapie familiale a avorté, la réponse éducative a échoué et Corentin, particulièrement au collège, n'a pas réussi à trouver sa place."L'essai s'attache aussi aux adultes HPI, dont la vie n'est pas forcément plus facile, tout étant question à la fois de se comprendre soi-même et de s'accepter. "Les adultes HPI doutent d'eux-mêmes fréquemment et l'évaluation à l'âge adulte est souvent compliquée par d'importantes manifestations de stress", écrit Marie-Laure Rossat. "L'annonce de l'HPI est le plus souvent libératrice, mais génère aussi des réactions parfois négatives (...) La connaissance de sa différence lui permettra de mieux vivre et de changer dans son existence ce qui doit l'être, une fois ses tendances à la culpabilité dépassées." Enfin, l'essai conclut sur les THQI (très haut quotients intellectuels), environ un cas sur mille (80.000 Français) dont le QI oscille autour de 145 ou plus. Leurs capacités intellectuelles énormes "entraînent d'importants décalages par rapport à la population générale et leur parcours est souvent difficile". Plus encore, sans doute que les HPI "normaux", il faut les repérer dès l'enfance pour adapter l'accompagnement parental et sociétal...