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Le texte, qui se base notamment sur des recherches effectuées à la bibliothèque de l'Institut en soins infirmiers Bichat, est lauréat du Prix de la Relève féministe Chantal Rogerat Apostolo. Il a fait l'objet d'une lecture à l'hôpital Bretonneau et au Cnam à Paris. On pourra encore l'entendre le 30 mars, au Palais de la Femme, toujours dans la capitale française. Le journal du Médecin: Ce qui vous a intéressé chez Florence Nightingale, c'est la figure de la femme libre qui veut vivre en accord avec ses convictions? Ariane Louis : Exactement. Ce sont les combats qu'elle a représentés qui sont en résonance avec notre époque. Florence Nightingale est très croyante. Pourrait-on dire que c'est une religieuse qui s'ignore? Longtemps, les infirmières ont été assimilées à la fonction de religieuse. Et Florence possède en effet ce côté ferveur de Dieu ; cependant, elle souhaite vraiment institutionnaliser le métier d'infirmière. Mais, même si elle ne prend pas le rôle d'infirmière comme une vocation au sens religieux du terme, c'est le rapport à Dieu qui va déclencher toute son aventure et engendrera beaucoup de ses actions. Elle est protestante, et dans cette optique la figure de Théodor Fliedner se révèle primordiale dans sa vie... Dans la pièce, je me suis assez éloignée de la véritable figure de Fliedner, contrairement à celle de Florence. Mais c'est en tout cas une des premières personnes qui a accepté de lui dispenser des connaissances liées à la pratique du métier d'infirmière. Il marque le début de la deuxième phase de sa vie: après une enfance protégée, bourgeoise où elle rêve, sa rencontre avec ce pasteur allemand qui forme des diaconesses (des femmes veuves ou célibataires vivant en communauté et se consacrant au soin des malades, au soutien des pauvres et à l'éducation des jeunes, NdlR) concrétise ses désirs. Florence va vraiment y suivre une formation, accumuler des connaissances et du savoir appris dans l'optique de partager. La figure du médecin ne sort pas grandie de votre pièce: on sent bien dans le spectacle le mépris des médecins pour les infirmières. D'après vous, les rapports ont-ils évolué? J'ai envie de croire qu'en France, la situation a évolué. En fait, si je me suis attelée à l'écriture de cette pièce, c'est parce que j'ai donné des cours de théâtre à des amateurs. Et dans mon groupe se trouvaient deux infirmières proches du burn out: j'ai donc eu le souhait de les valoriser, raison pour laquelle j'ai commencé à m'intéresser à la figure de Florence Nightingale. Je les ai donc interrogées sur les rapports médecins-infirmière: l'une était plus modérée dans ses propos, constatant une amélioration, qu'un vrai dialogue pouvait s'établir. La seconde vivait les choses très différemment, avait le sentiment que les rapports étaient encore très genrés et que les petites soldates ou les petits soldats devaient répondre aux ordres des médecins sans être toujours considérées. Florence, par ses soucis d'hygiène, parvient à diminuer la mortalité, notamment des soldats sur le front... Ce n'est pas Florence Nighingale qui a démontré l'importance de se laver les mains par exemple, mais le médecin hongrois Ignace Semmelweiss, mais elle apparaît au moment où cette pratique est mise en place. Et Florence fut une des premières personnes à la défendre. Mais elle a vraiment participé à faire baisser le taux de mortalité par des habitudes aussi simples que ne pas stocker les aliments à côté des urinoirs ou de penser à changer les draps régulièrement. Des principes qui aujourd'hui nous paraissent évidents et acquis, mais révolutionnaires pour l'époque. Finalement, à lire votre pièce, on se rend compte que c'est la guerre qui fait l'infirmière? Non, mais le personnage que j'ai écrit révèle toute sa force sur le champ de bataille où la vie ou la mort se jouent frontalement. Et c'est dans cette situation, de manière très concrète, que Florence agit et est en adéquation avec ses idéaux. Et puis ces conditions extrêmes font advenir, comme souvent, la véritable personnalité et, dans le cas de Florence, ses qualités en tant que dirigeante, parce que c'est une meneuse. Mais la guerre a-t-elle fait évoluer le métier d'infirmière? Tout comme la Croix-Rouge initiée sur les champs de bataille, parce qu'il a bien fallu soigner. Mais des armées entières ont été décimées, non pas à cause des ennemis mais à cause des problèmes d'hygiène et, de ce fait, des maladies qui se répandaient dans les rangs. Ce qui a poussé les militaires à développer une autre pratique de l'hygiène et du soin qui devint le métier des infirmières. Mais c'est certainement avant tout lié à une stratégie militaire plus qu'à une recherche de bien-être pour les soldats. "La dame à la lampe", titre de votre pièce, est inspiré d'un poème de Longfellow. Est-ce sa lecture qui a déclenché chez vous les recherches entreprises sur Florence Nightingale? Je l'ai découvert plus tard. Il s'inspire du fait que pendant la Première Guerre, les soldats l'appelaient la dame à la lampe, justement parce qu'elle se baladait dans les couloirs toujours avec sa lampe à pétrole afin de vérifier l'état de santé des soldats. Votre pièce se veut féministe. Mais savez-vous quand les premiers infirmiers sont apparus? Je ne m'en souviens plus. Par contre, à l'époque, même Florence Nightingale souhaitait que ce métier soit réservé aux femmes. La profession reste à majorité féminine mais, en médecine comme ailleurs, on ne devrait pas être défini par le genre de la personne. Il s'agit là de constructions liées à l'éducation.