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Le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE) a été sollicité par l'Inami pour délivrer des recommandations quant à l'éventualité que l'assurance-maladie obligatoire rembourse certaines technologies numériques médicales telles que applications en ligne, logiciels avec ou sans capteurs, dispositifs portables non-invasifs, télémonitoring, etc. Les dispositifs utilisés de manière autonome (logiciels de prescription, applis sans prescription médicale) sortent du champ de l'étude. Le KCE a examiné le cadre d'évaluation existant en Belgique (notamment la fameuse pyramide mHealth - voir figure - qui ne convainc d'ailleurs pas du tout les experts du KCE) ainsi que de nombreux exemples étrangers (Autriche, France, Angleterre, Allemagne, Pays-Bas, Finlande). À l'étranger, le problème rencontré en novembre 2022 (lorsque le KCE a rédigé son rapport) se situe au niveau du caractère très évolutif et très divers du cadre réglementaire ouvrant la voie à une intervention financière de la part des assurances maladies respectives des pays étudiés. Ainsi, par exemple, en Allemagne, les technologies financées sont enregistrées dans la liste Digitale Gesundheitsanwendungen (DiGa). "Pour être reprise dans la liste DiGa permanente, l'application doit avoir fait l'objet d'une étude comparative démontrant l'existence d'un bénéfice clinique en termes de mortalité, de morbidité, de qualité de vie ou d'amélioration quantitative du processus de soins pertinente pour le patient. Ces améliorations doivent être statistiquement significatives et cliniquement pertinentes. Les bénéfices purement économiques, qui n'apportent aucune plus-value pour le patient mais uniquement pour le prestataire de soins ou pour l'instance en charge du remboursement, ne sont pas admissibles."Le KCE a complété ses investigations par l'interview de 24 stakeholders-clés (Inami et mHealth). Le moins que l'on puisse dire est que le cadre d'évaluation dans notre pays comporte de sacrés défis. Outre un manque de transparence au plan du respect de la vie privée (RGPD notamment), les critères de remboursement sont flous et les preuves de valeur ajoutée manquent cruellement, vu, notamment, le manque d'expertise des instances officielles. Enfin, la satisfaction des patients utilisateurs est, semble-t-il, largement mal documentée. Les stakeholders belges ont néanmoins plaidé pour l'utilisation de "listes génériques" pour le remboursement de certaines technologies numériques médicales "dans le cadre de processus de soins bien spécifiques et dans l'hypothèse où des preuves de valeur ajoutée existent". Certains groupes de pathologies importants pourraient être priorisés au remboursement des apps idoines, limitant ainsi le nombre de demandes de remboursement potentiel. Des études randomisées permettraient d'évaluer l'efficacité. Elles pourraient être complétées d'études coût-efficacité. Le KCE plaide pour une approche graduelle basée sur l'évolution des connaissances, le respect de la vie privée, la sécurité, l'intérêt pour les utilisateurs et des éléments éthiques. Les "8 principes directeurs pour une technologie saine à dimension humaine" de la Fondation Daniel De Coninck(1) pourraient servir de fil rouge. Le Comité de l'assurance de l'Inami devrait, en tout état de cause, mettre sur pied une équipe hybride composée de membres permanents qui participeront à toutes les évaluations de demandes de remboursement des technologies numériques médicales et d'experts pertinents invités ad hoc.