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Formé il y a 35 ans autour des frères et soeur Timmins, Margo au chant, Mike à la guitare, Peter à la batterie, le bassiste Alan Anton étant un vieil ami de la... famille, les Canadiens des Cowboy Junkies forment un quatuor dont le premier et plus grand succès fut la reprise alanguie, intimiste, aérienne du Sweet Jane de Lou Reed. Leur mélange de rock alternatif et d'americana pionnière ont fait leur gloire auprès d'un noyau de fans fidèles, et même s'ils ont délaissé les "covers" durant deux décennies, cette formule a de nouveau trouvé grâce à leurs yeux, au point que leur dernier album, Songs of The Recollection, n'est fait que de morceaux magnifiés d'autres artistes qu'il s'agisse des Stones, de David Bowie, de Neil Young... voire des Cure! Des appropriations qu'évoque pour nous Mike Timmins avant leur concert louvaniste... Le premier titre de cet album est Five Years, une chanson de David Bowie. Il faudrait ajouter un zéro après cinq, car c'est à peu près l'âge du groupe? C'est l'âge de la chanson, mais nous avons créé le groupe voici plus de 35 ans, et notre premier album date de 1986. Pouvez-vous nous expliquer qui est Gordon Lightfoot que vous reprenez, et qui n'est pas très connu ici? Auteur-compositeur de folk et de country canadien, Gordon Lightfoot a connu un énorme succès en Amérique du Nord dans les années 70. Il a été repris par pas mal d'artistes de ce côté-ci de l'Atlantique. Bob Dylan est un grand fan de sa musique. Parmi les neuf chansons que vous reprenez, Marathon est sans doute la plus touchante, la plus envoûtante même, signée Vic Chesnutt. Parce que c'était un ami proche? Oui, Vic écrivait des chansons très personnelles. Ce morceau est tiré des sessions de l'album Demons, qui consistait uniquement en des reprises de Vic Chesnutt. Nous avions enregistré beaucoup de chansons pour ce disque, peut-être 15 ou 16 chansons, pour finalement n'en utiliser que dix d'entre elles. Des enregistrements en direct, ce qui résulte en des interprétations très brutes et des performances vocales très spontanées de Margo. Cela leur procure une touche, une saveur encore plus personnelle. Ce morceau a été enregistré très peu de temps après la mort de Vic. Tous les enregistrements réalisés dans le cadre de cet album furent fort intenses et les interprétations très personnelles. L'une des surprises de l'album est bien sûr la reprise de Seventien Seconds de Cure, qui est, bien entendu, la dernière chanson du disque. Il est surprenant de vous voir évoluer dans cette contrée de la musique rock... Cette époque de la fin des années 70 début 80 de la musique anglaise post-punk, de Joy Division, et des deux premiers disques de Cure, noire et très atmosphérique, s'est révélée très marquante pour Alan et moi. Et cela a certainement beaucoup influencé notre son, en particulier notre son originel. Whites Off Earth Now! !, notre premier album, est empli de ce genre d'intensité, d'ouverture. Ce que vous réalisez ici, ce sont bien plus que des reprises, plutôt des réinterprétations? Lorsque nous reprenons une chanson, notre intention est d'y apporter quelque chose de nouveau, d'y ajouter notre touche et, espérons-le, de ne pas perdre ce que nous aimons dans l'original, mais d'y amener un élément supplémentaire et peut-être de développer certains aspects de la composition. Nous tentons d'y insérer notre propre personnalité. Mais tout d'abord, je suppose que vous commencez par les déshabiller avant de les enregistrer, voire de les décaper... Les chansons sont intéressantes parce qu'elles vous parviennent par le biais d'un processus d'enregistrement et d'une production. Parfois, nous sommes tentés de la dépouiller jusqu'à l'os, l'essence de la mélodie. Mais quelquefois, la production nous plaît, comme, par exemple, dans le cas de Five years, et de son touché de batterie, essentiel dans la version originale. En fonction de la chanson, nous gardons ou éliminons certains éléments. Il est agréable de reprendre des chansons d'artistes que vous respectez, qui vous ont inspirés. Nous sommes fans de musique avant d'être musiciens. Et c'est le fait d'être amateurs de musique qui nous a vraiment d'abord poussés à le devenir. Nous voulions transmettre la même sensation que celle que nous avions ressentie dans la musique des autres. Nous prolongeons en quelque sorte ce processus. Le rock est la seule musique au sein de laquelle les musiciens sont regardés de travers, voire méprisés, lorsqu'ils reprennent d'autres artistes, au contraire du jazz, de la country, et bien entendu de la musique classique. Notre attitude n'a pas varié au cours des décennies: il s'agit de musique et il n'est pas nécessaire de l'avoir écrite pour apporter sa contribution à son embellissement en l'interprétant. Pensez-vous que, d'une manière ou d'une autre, vous subissiez la malédiction de la reprise de Sweet Jane de Lou Reed, auquel le public vous associe irrémédiablement? Malédiction n'est pas le bon terme, car il était très rare pour un groupe d'enregistrer un album comme The Trinity Session et une chanson comme Sweet Jane, et voir le public s'identifier à ce point à la fois à cette chanson, ce disque et ce groupe. C'est plutôt une bénédiction: nous avons eu la chance de proposer un disque et un moment musical qui trouve encore un écho auprès du public. Seriez-vous des pionniers de l'Americana? Quand nous avons sorti The Trinity Session en 88, l'Americana n'avait pas encore été inventée ni en tant que terme ou de genre, dont nous étions des aspirants débutants (il rit). Mais nous tirions notre influence des Allman Brothers, de certains disques de Byrds et des Stones très americana comme Let It Bleed. Je suppose que nous devrions être considérés comme l'un des leaders de la nouvelle vague d'americana (rires). En général, un groupe est une famille, mais dans le cas des Cowboy Junkies c'est la famille qui est un groupe. Quelle est la différence? (il rit) Même lorsqu'on s'éloigne de la partie groupe, on reste une famille: la voilà, la différence! Nous devons résoudre nos problèmes avec le groupe parce qu'il reste de la famille au-delà de celui-ci. Votre mère est décédée il y a quelques années. Quelle conséquence cette perte a-t-elle eue sur les Cowboy Junkies? Il s'agit d'un événement familial, individuel et privé. Cela n'a pas vraiment affecté le groupe, sauf que nous avons enregistré un album de chansons intitulé Ghosts qui faisait référence à cet événement: ce fut notre hommage en quelque sorte. Évidemment, la première tournée après la mort de notre mère fut un peu difficile. Mais, cet épilogue n'était au fond que naturel...