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GSM, wifi, basses fréquences... L'hypersensibilité aux champs électromagnétiques (HSE) fait de plus en plus souvent parler d'elle. Migraines, acouphènes, fatigue, rougeurs cutanées, difficultés de concentration ou de mémorisation... font partie des symptômes rapportés par les personnes touchées. " Selon les sources, l'HSE concerne 2-3% à 20% de la population. Les symptômes pour la définir sont variables, non spécifiques et auto rapportés. Ils ne sont pas remis en question mais l'hypothèse selon laquelle ils sont causés par l'exposition aux champs électromagnétiques n'est pas démontrée. On n'a pas de mécanisme d'action des champs électromagnétiques qui permettrait d'expliquer ces symptômes, ni d'outils diagnostiques", explique Benjamin Vatovez, responsable de la Cellule Champs électromagnétiques à l'Institut Scientifique de Service Public (ISSeP), l'entité chargée des activités scientifiques et techniques dans le domaine environnemental en Wallonie. D'où l'idée de réaliser une étude pour améliorer les connaissances sur les liens entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes de l'électrosensibilité. C'est l'objet du projet ENVI-EHS, financé par le Service Public Wallonie et coordonné par l'ISSeP. Il vient en complément à l'étude ExpoComm financée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES, France). L'Agence française a développé un protocole intégrant des tests de provocation en double aveugle au cours desquels les volontaires sont alternativement et de façon aléatoire soumis à des séances d'exposition ou non aux champs électromagnétiques. En Belgique, Sciensano est le coordinateur du projet ExpoComm et les premiers tests ont été réalisés dans ses locaux à Tervuren. ENVI-EHS renforce donc ce dispositif en dupliquant les installations à Liège, sur le site de l'ISSeP, et en poursuivant le recrutement des volontaires, de façon à accroître la puissance statistique de l'étude. " Nous collaborons avec Sciensano et nous avons pensé qu'il serait intéressant d'apporter nos connaissances techniques sur les ondes pour élaborer un protocole d'exposition. Nous travaillons surtout sur les aspects techniques pour effectuer les tests en pratique", précise l'ingénieur. L'exposition des sujets est générée par des sources habituellement rencontrées dans la vie quotidienne, à savoir des antennes-relais de téléphonie mobile 2G, 3G et 4G, une borne wifi, une station de base DECT (Digital Enhanced Cordless Telecommunications) utilisée pour la téléphonie fixe sans fil, et une source de courant alternatif à la fréquence de 50Hz. " Les volontaires sont exposés à ces différentes sources parce que certaines personnes se disent uniquement électrosensibles aux champs électromagnétiques générés par l'électricité et d'autres uniquement au wifi. Nous avons donc choisi une exposition cocktail (toutes les sources en même temps ou rien) pour avoir un protocole commun à l'ensemble des sujets. Nous leur demandons de venir chez nous pour passer les tests en laboratoire, donc dans des conditions reproductibles, avec des signaux réels". " Les sujets passent une série de tests lors de la première séance. Le but de cette séance d'habituation est de voir s'ils sont capables de déterminer durant quelle séance ils ont été exposés ou non et, quand on sait qu'ils sont exposés, si des symptômes apparaissent ou pas. Ensuite, ils font des tests cognitifs avant et après les séances, parce que ce type de troubles, les troubles de la concentration font partie des symptômes", ajoute-t-il. " Soit le volontaire souhaite faire partie d'une population testée (électrosensibles vs groupe contrôle): il subit alors quatre séances (habituation + trois séances tests d'une 1/2 heure, maximum une séance par jour). Soit une personne souhaite avoir des infos sur son cas individuel: si elle réussit à déterminer quand elle est exposée ou non, on fait 13 séances (habituation + 12). Le protocole prend aussi en compte le fait de ressentir les symptômes rapidement ou après un certain temps et de revenir à l'état neutre dès l'exposition terminée ou après un temps." Les responsables de l'étude comptent sur une soixantaine de volontaires dans chaque groupe (électrosensible et contrôle) et communiqueront leurs résultats à la fin de cette année. " Dans notre domaine d'expertise, tout ce que nous pouvons faire c'est de contribuer à améliorer les connaissances sur l'électrosensibilité: nous donnons des résultats avec une certaine probabilité dans des conditions déterminées. Ce n'est pas parce qu'une personne n'aurait pas réussi les tests qu'on pourrait en déduire que l'électrosensibilité n'existe pas. Idéalement, il faudrait disposer d'un mécanisme d'action biologique des champs électromagnétiques qui expliquerait ces symptômes. Ce lien n'est pas établi, c'est pour ça que nous faisons une étude basée sur les statistiques", souligne Benjamin Vatovez. L'équipe de l'ISSeP a un autre projet de recherche spécifique à la 5G qui s'inscrit dans la continuité de ce celui-ci. Signalons encore que, parallèlement à cette étude, Sciensano, en collaboration avec l'ISSeP, conduit des enquêtes auprès de la population pour savoir si, en ces périodes de confinement et de télétravail, les symptômes d'hypersensibilité électromagnétique évoluent. Dans la première, réalisée en juillet 2020, peu de personnes ont déclaré avoir ressenti une augmentation sensible de leurs symptômes. Une seconde enquête vient de se terminer, les résultats permettront de mieux cerner ce phénomène encore peu codifié.