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Petite douleur ou grande angoisse, la démarche la plus rapide pour obtenir un conseil pertinent demeure le franchissement de la porte du pharmacien. Accessible sans rendez-vous, chaque jour de la semaine, avec un temps d'attente maximal de quelques minutes, l'officine demeure la championne toutes catégories d'une médecine de qualité directement consultable sans inscription, sans distinction de fortune ni restriction d'aucune sorte. On l'oublierait parfois, mais l'interlocuteur derrière le comptoir a bénéficié d'une formation médicale aussi longue que ses collègues médecins, et ce qu'il dispense en première intention ne sont pas des produits pharmaceutiques mais une écoute, une ébauche de diagnostic, un conseil éclairé. Le patient craintif apprécie de ne pas avoir à se déshabiller, se laisser palper, ausculter le corps et l'âme: cette première approche douce favorise une prise de conseil sans long délai d'attente, ce qui est tout bénéfice. Interlocuteur privilégié pour le patient, le pharmacien demeure le meilleur des collaborateurs pour le médecin. Il ne se passe de semaine sans qu'on y ait recours, parfois bien davantage qu'à nos collègues spécialisés. Ici également, l'accessibilité est exceptionnelle et facilite le recours: suggestions de traitements oubliés, vérification des conditions de remboursement ou du coût d'une spécialité rare, mode d'administration, recherche d'équivalences lors d'une rupture de stock, conseils personnalisés à transmettre à un patient déstabilisé lors du passage en consultation. Pharmacien mon ami, si proche dans ces quartiers qu'il connaît comme sa poche, si apprécié aussi d'une population dans laquelle il s'insère de longue date. Cette collaboration quotidienne est aussi une garantie de qualité pour le patient, assurant une relecture systématique de toutes nos prescriptions, aussi anodines soient-elles, traquant les incompatibilités, les erreurs de posologie, les réactions d'intolérance connues chez un patient qu'il fréquente d'aussi longue date que le médecin traitant. L'administration de produits efficaces mais parfois dangereux si mal administrés mérite une double lecture systématique, et on se réjouit bien souvent d'en bénéficier. Des esprits chagrins regretteront sans doute la disparition progressive du pharmacien de famille, héritier de l'officine paternelle qu'il transmettait lui-même à ses enfants, remplacé par de grandes chaines louant leurs emplacements à des professionnels non-propriétaires. Évolution sociétale, retrouvée également dans la pratique médicale, mais infiniment moins alarmante qu'on le craindrait: être appointé ne transforme pas un scientifique en un commercial, et la qualité de conseil n'en est guère altérée. Une profession qui n'échappe guère à la remise en question des fonctions d'une médecine de première ligne, et que la récente pandémie du Covid-19 a accélérée: réalisation de tests de dépistage, voire administration de vaccins, enregistrement de données médicales en ligne, explications personnalisées de l'usage correct de certains dispositifs médicaux, conseils de bandagisterie ou d'outils d'aide au handicap. D'aucuns proposent depuis peu une intégration de services médicaux de proximité tels les prélèvements de biologie clinique, la dispensation de soins infirmiers ou de podologie, une fourniture de médications à domicile aux patients, ou de vaccins aux médecins. La frontière entre les acteurs de première ligne s'enrichit de nouvelles passerelles à créer, dont nous bénéficierons tous et qu'on ne peut que favoriser.