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Les chemins qui mènent à Obaix, dans la campagne qui entoure Charleroi, étaient surréalistes ce 3 septembre. Des agriculteurs labouraient leurs champs dégageant d'immenses nuages de poussières. Il pleuvait cependant sur un sol qui languissait. Arrivé au détour d'un virage, je m'apprêtais à faire le portrait d'un médecin dessinateur de BD. Le métier de journaliste propose parfois des rencontres surréalistes. Certaines personnes emménagent leur intérieur en feuilletant le catalogue Flamant, la référence bourgeoise de l'intérieur "rural et élégant". Force est de constater que l'habitation de Jacques et Marie-Claire ne connaît pas la même ruralité. "Nous avons été cinquante fois en Asie et trente fois en Inde. Si ce n'est le Pakistan et l'Afghanistan, nous avons tout vu", témoigne Marie-Claire, infirmière à la retraite. Une passion pour tous les territoires "à l'est de la Grèce" qu'ils découvrirent en 1980. "Durant mes études de médecine, j'ai fait mon année à l'étranger au Népal, chez un médecin américain adventiste "réparateur" qui opérait parfois à la lampe de poche", se souvient le généraliste. Le virus qu'il attrapa alors se voit à tous les étages, dans toutes les pièces, à l'instar d'une tête d'une vache sacrée baignant dans la lumière et fixant l'horizon éternel. Mais étrangement, au-delà de ce brouhaha d'objets asiatiques, faisant penser au faux chaos des bazars indiens, la BD s'est installée. Deux univers cohabitent. Les lithographies, figurines, dessins originaux ou reproductions géantes des héros de papier se regardent du coin de l'oeil. Livingstone et Henry Morton Stanley semblent ici s'être rencontrés sur les berges du Gange. La passion de Jacques Hellebaut pour le 9e art démarre bien avant sa première BD dédiée à son père il y a 20 ans. "J'ai entamé la médecine car les études étaient longues et qu'elles me permettraient de dessiner", reconnaît-il. Dans la patientèle qu'il développe au lendemain de son installation à Obaix, une rencontre sera marquante. Celle du dessinateur Jean-François Charles. "Lorsque je vois son atelier, son métier m'a donné envie... l'herbe est toujours plus verte chez le voisin", confie le médecin. Influencé par ce même dessinateur et quelques connaissances, il lance durant quatre années consécutives le festival de la bande dessinée de Bruxelles. Un évènement qui fit venir au Cinquantenaire les plus grands noms et un véritable public. Si l'aventure s'arrêta faute de subsides, le grand vide qui s'en suivit engendra quelques années plus tard son premier album. Intitulé Indian Way, il signait alors Barton J. Un scénario qu'il écrivit lors d'un séjour en Inde et qui engendra une méthodologie de travail à laquelle il restera fidèle. Celle de l'immersion. Influencé par Edgar P. Jacobs, le créateur de Peter Jennings l'est aussi par David Lynch et Jean-Jacques Rousseau. "Dans mon écriture, je suis profondément inspiré par le cinéma", affirme le passionné. Pas étonnant qu'il se lie avec Jean-Jacques Rousseau, le cinéaste carolo de l'absurde. Une relation tumultueuse, à l'image de l'auteur burlesque de l'Invasion des Succubes. Un cinéaste qui faisait par exemple savoir qu'après 45 ans de carrière, il avait fait des films "qu'on ne pouvait en principe voir nulle part". Une philosophie pas exactement mercantile et dont l'esprit semble aussi propre à Jacques Hellebaut, qui réalise notamment un film aux accents satiriques: Samgrat Krishna. Une oeuvre telle un son rock métal, au sommet d'un terril et sentant bon le curcuma.