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Depuis environ cinq années, une équipe du Libst ( Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology), emmenée par Henri-François Renard et François Tyckaert et dirigée par Pierre Morsomme, professeur de biologie cellulaire à l'UCLouvain, s'intéresse à la localisation des protéines dans une cellule et cherche à comprendre comment ces protéines circulent et sont régulées. " Parmi les processus que la cellule utilise pour contrôler l'abondance des protéines et leur localisation, un d'eux nous captive plus particulièrement : l'endocytose, " souligne le Pr Morsomme. " C'est le mécanisme qui permet à une cellule d'internaliser des protéines qui résident à sa surface. Autrement dit, à partir de la surface, la membrane plasmique se courbe et constitue une petite vésicule qui se détache à l'intérieur de la cellule et qui est soit dirigée vers les lysosomes pour être dégradée, soit recyclée vers la membrane. Il en résulte une diminution du nombre de protéines de surface. Toutes les protéines de surface ne sont pas concernées en même temps. Il s'agit d'un processus très spécifique et très contrôlé. " " En essayant de comprendre comment fonctionne l'endocytose, quelles sont les portes d'entrée de la cellule, nous avons découvert, grâce à une technique de criblage protéomique, une nouvelle porte et, en observant les protéines qui passent par cette voie d'endocytose, nous avons trouvé, entre autres, CD166, " poursuit Pierre Morsomme . " Nous avons retenu cette protéine-là car c'est celle pour laquelle nous avions vu le signal le plus fort. " " Ensuite, en collaboration avec plusieurs partenaires dont l'Institut Curie à Paris, qui nous a beaucoup aidé avec ses outils de microscopie très performants, nous avons examiné de plus près CD166 et essayé de déterminer quel est son rôle. En travaillant avec des cellules cancéreuses comme modèle cellulaire, nous en sommes arrivés à comprendre que CD166 est impliquée dans la migration et l'adhésion cellulaire. " Dans notre organisme, les cellules ne peuvent pas se balader n'importe comment. Elles doivent rester groupées. C'est aussi le cas des cellules cancéreuses. Quand elles se multiplient, elles forment une tumeur isolée. Elles restent agglutinées ensemble là où elles apparaissent grâce à des sortes de " velcros " qui les rattachent les unes aux autres. " Ces velcros, ce sont les CD166 ", rapporte le Pr Morsomme. " Nous avons ensuite constaté que certaines cellules cancéreuses sont capables de diminuer l'abondance de ces velcros présents à leur surface en les redirigeant dans des petites vésicules internes. Du coup, à la surface des cellules, elles adhèrent moins entre elles et elles peuvent alors se détacher plus facilement pour s'échapper et aller coloniser d'autres endroits de notre organisme lors de processus dits métastatiques. Dans notre étude, nous n'avons pas pu vérifier si les cellules, une fois qu'elles se sont échappées, forment des métastases qui permettent au cancer de se propager mais c'est ce qui vient tout de suite à l'esprit. " Invitant à la prudence compte tenu du fait que les résultats obtenus ont été validés uniquement sur des modèles cellulaires et pas sur de vraies tumeurs mais néanmoins persuadés que le mécanisme qu'ils viennent de mettre à jour a encore de nombreux secrets à révéler, les auteurs de cette recherche souhaitent approfondir sa compréhension. " Nous allons continuer à explorer les voies d'endocytose, ainsi que le rôle de CD166 en collaboration avec un autre laboratoire de l'Institut de Duve de l'UCLouvain, " précise Pierre Morsomme. " Nous pensons que CD166 intervient aussi dans la communication entre les cellules cancéreuses et le système immunitaire. Qui sait, dans le futur, notre travail permettra peut-être de mettre au point de nouvelles solutions pour bloquer et mieux combattre les métastases, et ainsi, ralentir le développement de certains cancers. " Enfin, cette nouvelle recherche ne se limite pas au cancer. Elle concerne d'autres maladies, y compris la Covid-19, comme l'explique Pierre Morsomme. " Les protéines qui se trouvent à la surface de nos cellules ont toute leur importance dans la pandémie actuelle. Le coronavirus rentre en effet dans nos cellules pour les infecter en se fixant sur un des récepteurs présents à la surface de leur membrane plasmique. Dans le cas présent, il s'agit du récepteur ACE2. Mais contrairement à ce que nous venons de voir à propos des cellules cancéreuses, si on veut bloquer l'infection par le Sars-CoV-2, nous devrions augmenter l'endocytose de manière à diminuer la quantité du récepteur ACE2 à la surface de nos cellules et ainsi empêcher le virus de s'y accrocher. Il y a des laboratoires qui s'intéressent à l'endocytose d'ACE2. Toutefois, au stade actuel, cela reste purement spéculatif. C'est juste une piste de travail... " Nature Communications, 19 mars 2020, doi : 10.1038/s41467-020-15303-y https://www.nature.com/articles/s41467-020-15303-y Petite animation YouTube :https://www.