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En 2013, lorsque le neurologue Serggio Lanata déménage à San Francisco pour travailler dans l'une des trois grandes université de la ville (University of California, San Francisco - UCSF), il est frappé par l'omniprésence des sans-abris. Son oeil aguerri lui indique que certains présentent des traits de démence. Il décide donc de lancer une étude sur une vingtaine de sans-abris. Celle-ci débutera d'ici quelques semaines.Ce n'est pas la première étude du genre que réalise l'UCSF. Depuis 2013, son Center for Vulnerable Populations a ainsi suivi 350 sans-abris d'Oakland (située de l'autre côté de la baie de San Francisco). Le sans-abrisme constitue en effet un problème particulièrement inquiétant en Californie. Parmi les personnes ne possédant pas de résidence, 70% vivent en rue ou dans des endroits non adaptés à l'habitat. Dans la ville de New-York, ce chiffre ne s'élève qu'à 5%, car les autorités logent les sans-abris. L'administration de San Francisco a elle aussi consacré un budget pour cela, mais se retrouve sous le feu des critiques des habitants bien installés.Dans la cohorte de l'UCSF, l'âge moyen s'élève à 57 ans, mais la prévalence des troubles de la santé que l'on y trouve s'apparentent à ceux des septuagénaires et des octogénaires logés : AVC, chutes, troubles visuels, incontinence, etc. Quarantedeux des 350 sans-abris de la cohorte sont aujourd'hui décédés à la suite d'un cancer, d'un infarctus ou de diabète. Le Center for Vulnerable Populations a recruté 100 nouvelles personnes pour compenser la perte.Le neurologue Serggio Lanata entend établir le lien entre démence et sans-abrisme. Le lien de causalité opère vraisemblablement dans les deux sens. Les personnes vivant en rue sont exposées à des facteurs de risque (manque de sommeil, exposition à la pollution de l'air le long des voies à forte circulation, diabète mal soigné, hypertension et consommation de drogues) qui favorisent les maladies neurodégénérescentes. Toutefois, on pourrait se demander dans quelle mesure un déficit cognitif préexistant ne déter-mine-t-il pas le risque de se retrouver à la rue. Cette hypothèse, soutenue par le Prof Lanata, se trouve d'ailleurs renforcée par les données provenant de la cohorte de l'UCSF : un quart des personnes étudiées présentent un retard cognitif léger, contre 10% dans la population des septuagénaires logés aux Etats-Unis. Lanata et son équipe procéderont à un examen clinique de cette population, parfois à l'aide de l'imagerie médicale, afin de détecter la démence. Voilà une situation assez paradoxale, puisque pour le bien de la science, les sans-abris ont accès à des examens auxquels ils n'auraient pas droit en temps normal.Le vieillissement précoce de cette population sera également étudié, tout comme le stress, autre facteur de risque important. Le Center for Vulnerable Populations note que 10% des personnes suivies sont soumises à des violences physiques ou sexuelles au moins tous les six mois.