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La séparation des pouvoirs est un pilier de la démocratie: aucun des trois pouvoirs ne peut prendre l'avantage sur les autres. Dans les régimes autoritaires, le pouvoir exécutif assujettit le pouvoir judiciaire et muselle le législatif incarné par le Parlement. Les principes de droit et de liberté sont ainsi éliminés même si le pays se flatte d'une constitution d'apparence "démocratique". Autour de nous, plusieurs pays ont poussé cette confusion des pouvoirs à leur paroxysme. Dans notre propre pays, nous assistons à une lamentable dérive concernant le droit aux soins médicaux pour les demandeurs d'asile: l'exécutif - l'État - refuse de payer les astreintes auxquelles il a été condamné à de multiples reprises pour non-respect de ce droit. Répondant à une question parlementaire, la Secrétaire d'État à l'asile et à la migration a déclaré qu'elle refusait de payer pour des personnes qui faisaient du "tourisme médical". Le gouvernement, en la personne de sa Secrétaire d'État, semble ignorer qu'il n'a pas à émettre de jugements sur la qualité des personnes aidées! Pour se faire soigner, mieux vaut être débouté ou souffrir de graves complications. Contextualisons: les demandeurs d'asile dépendent de Fedasil, instance censée prodiguer les soins à ce type de patients, sous la tutelle du Secrétaire d'État à l'asile et la migration. Fedasil est complètement dépassée par l'afflux de réfugiés. Ceux-ci peuvent consulter ailleurs, chez les généralistes par exemple, mais au prix d'un système complexe de réquisitoires à faxer et de documents à envoyer pour tout examen et toute prescription de médicament. Ce système ne permet pas la prise en charge bienveillante de ces patients à risque. Le paradoxe est que, s'ils sont déboutés, ce sera plus simple: ils pourront bénéficier de l'aide médicale urgente (AMU (1)), certes loin d'être parfaite mais beaucoup mieux organisée. Une récente assemblée de médecins bruxellois constatait que la plupart des généralistes rechignent à prendre en charge des demandeurs d'asile uniquement parce qu'ils sont découragés par la charge administrative. "Notre syndicat défend la profession et son exercice dans des conditions compatibles avec la dignité humaine, c'est pourquoi nous ne pouvons tolérer les obstacles mis à cet exercice et en aucun cas nous ne cautionnerons l'attitude indigne de certaines autorités." L'attitude du gouvernement montre un mépris inacceptable des personnes en souffrance: les études démontrent que les cas de tourisme médical sont exceptionnels. Il s'agit de la part de la Secrétaire d'État d'une généralisation abusive. Cette attitude manifeste en outre un mépris tout aussi inacceptable pour les soins de première ligne. Ces patients se situent dans des tranches d'âge qui nécessitent peu de soins, mais certains souffrent de pathologies sérieuses pour lesquelles le retard de prise en charge entraînera des complications redoutables et des hospitalisations de longue durée: la première ligne est le lieu optimal pour soigner les premiers et dépister les seconds. En entravant ces interventions par une administration inefficace et rébarbative, la Secrétaire d'État croit faire des économies, elle va en fait générer des dépenses bien plus importantes. N'y a-t-il aucun économiste de la santé qui se soit penché sur ces chiffres? Second paradoxe: un certain nombre de ces patients, grâce aux complications liées au retard de soins, finiront par répondre aux critères d'accueil ... Mais le plus grave reste le non-respect de l'État de droit: comment le faire respecter si les autorités ne montrent pas l'exemple? Bien sûr, la problématique des demandeurs d'asile impacte peu l'électeur. Pire, les remarques ridicules de notre "gouvernante" vont alimenter les idées xénophobes et d'extrême droite. Comment pouvons-nous stigmatiser les despotes qui bafouent les libertés dans leurs pays, critiquer les régimes meurtriers, faire référence aux condamnations de l'ONU, si nous acceptons que notre pays soit condamné par la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt du 24 avril 2022). Il y a dans le public une désaffection de plus en plus grande face aux institutions, une sorte de lassitude qui fait le bonheur des partis radicaux. C'est regrettable. Quant à nous, notre syndicat défend la profession et son exercice dans des conditions compatibles avec la dignité humaine, c'est pourquoi nous ne pouvons tolérer les obstacles mis à cet exercice et en aucun cas nous ne cautionnerons l'attitude indigne de certaines autorités.