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L'étude publiée dans le Journal of Clinical Investigation est un bel exemple de recherche translationnelle, partant des observations au lit du patient pour déboucher sur une compréhension étendue du diabète et aboutir à un modèle de test de nouveaux traitements. Explication: de manière exceptionnelle, certains bébés développent un diabète avant leurs six mois. Des chercheurs de l'University of Exeter ont étudié les profils génétiques de près de 190 bébés qui ont développé un diabète peu après la naissance et ont repéré des mutations génétiques sur le gène YIPF5. Des chercheurs de l'Université libre de Bruxelles et de l'University of Helsinki ont alors utilisé des techniques de pointe sur les cellules souches et cellules productrices d'insuline pour comprendre comment le gène YIPF5 travaille dans ces cellules productrices d'insuline. Leurs études ont montré que quand le gène YIPF5 est muté, les cellules ne peuvent pas produire d'insuline. " En fait, pour tenter de gérer ce dysfonctionnement, les cellules activent des mécanismes de stress, ce qui aboutit en dernier ressort à la mort cellulaire", explique le Pr Miriam Cnop, ULB Center for Diabetes Research, coautrice. Qui explique que " l'étude montre pour la première fois que la fonction du gène YIPF5 est essentielle pour les neurones et les cellules bêta productrices d'insuline, mais il semble qu'on puisse s'en passer pour la fonction des autres cellules. Ces résultats aident à comprendre quelles sont les étapes cellulaires importantes pour la production d'insuline, qui régulent le taux de sucre dans le sang, et le maintien de la fonction des cellules bêta dans le pancréas". Mais cette découverte fondamentale peut-elle profiter directement au patient? Pour le Pr Timo Otonkoski, un des auteurs senior, " en utilisant les ciseaux génétiques CRISPR, technologie qui a dernièrement reçu le prix Nobel de chimie, nous pourrions corriger les mutations dans les cellules souches pour en comprendre parfaitement les effets. La combinaison de corrections génétiques avec des cellules souches fournit des outils puissants pour les études des mécanismes pathologiques". On en resterait donc, du moins dans un premier temps, à de la recherche fondamentale. Mais l'on sait que la correction du génome offre des perspectives aussi attrayantes qu'effrayantes. À côté des essais chinois, impossibles à vérifier, on sait que la Grande-Bretagne par exemple autorise la manipulation génétique sur des embryons humains pour identifier ce qui provoque l'échec d'une fécondation in vitro. L'intérêt direct pour le patient pourrait en fait provenir d'ailleurs: " La capacité de générer des cellules productrices d'insuline à partir de cellules souches nous a permis d'étudier ce qui dysfonctionne dans les cellules bêta des patients avec des formes rares ainsi que d'autres types de diabète. C'est un extraordinaire modèle de pathologie pour étudier les mécanismes de la maladie et tester des traitements", explique Miriam Cnop. Pour le Pr Laurent Crenier, président de l'Association belge du diabète et Head of Diabetology Clinic à l'hôpital académique Erasme (ULB), " le fait de disposer de nouveaux modèles de la maladie humaine du diabète peut représenter une avancée importante dans l'établissement de nouveaux protocoles de soins ou le test de nouvelles molécules qui aident à lutter contre le diabète. Ces recherches-ci mettent en particulier l'intérêt sur le mécanisme de mort précoce des cellules bêta du pancréas. Elle est causée dans ce diabète rare par un dysfonctionnement du réticulum endoplasmique, qui est en effet l'un des mécanismes mis en cause dans le diabète de type 2 pour expliquer la perte des cellules bêta". Pour l'expert, il est essentiel de comprendre que " la production d'insuline est un mécanisme complexe. L'insuline, ou en fait une pré- puis une proinsuline est en fait pré-produite et stockée dans de petites vésicules. Quand l'organisme détecte l'apparition de sucre dans le sang, ces vésicules larguent en quelques microsecondes la quantité nécessaire d'insuline afin de revenir à un taux glycémique normal. Dans la forme pathologique, l'accumulation d'insuline dans le réticulum endoplasmique entraîne un phénomène de stress qui, in fine, peut terminer par la mort de la cellule, l'apoptose. C'est ce qui se passe dans le mécanisme décrit ici par les chercheurs pour la première fois, mais aussi ce qui se passe dans le diabète de type 2. Les solutions qui seraient découvertes pour soigner ou prévenir ce diabète très rare, par exemple en réduisant ce mécanisme de stress, pourraient donc éventuellement être appliquées sur une échelle beaucoup plus large. Soyons de bon compte: cela reste à prouver. Mais on n'a jamais trop de modèles d'une maladie pour développer de nouvelles solutions thérapeutiques". Et d'expliquer: "Pour le diabète, on a longtemps parié sur les souris knock-out qui reproduisent largement la maladie humaine. Le souci, c'est que de nombreuses solutions efficaces chez ces souris se sont révélées décevantes chez les vrais malades humains. Un modèle est précieux, mais reste un modèle. En disposer de plusieurs peut être un atout de poids". Et voilà comment cette avancée pourrait aider les chercheurs à développer de meilleures thérapies pour les patients atteints de diabète commun, soit quelque 460 millions de malades dans le monde.