...

Le Pr Kris Van den Broeck, titulaire de la chaire de santé mentale publique de l'université d'Anvers, s'arrête tout d'abord sur la question de l'obésité et d'un éventuel remboursement d'un anneau gastrique dans ce groupe-cible spécifique. "Les avis sont vraiment partagés. Un tiers des répondants sont favorables au remboursement, un tiers sont contre et un tiers sont sans avis. Ne pas rembourser cette intervention, c'est partir du principe que l'obésité est la faute de l'individu. On peut dresser le parallèle avec les assurances hospitalisation qui ne couvrent pas les séjours pour un problème de dépendance à l'alcool. Or l'obésité est une pathologie. Souvenons-nous aussi qu'aux États-Unis, un paquet de chips coûte moins qu'une salade."Pour Kris Van den Broeck, la pauvreté et l'obésité ne relèvent pas d'une responsabilité propre et individuelle. Il évoque à titre d'illustration le principe du "housing first" ("un logement d'abord") qui existe dans le domaine de la psychiatrie. "Avoir un logement stable suffit déjà à décharger les gens d'une bonne partie de leurs soucis. Dans le même esprit, on peut se demander si, dans le contexte de la pauvreté, la prévention n'est pas aussi de veiller à ce que les gens n'aient pas à s'inquiéter de ce qu'ils vont manger. S'ils n'ont pas accès à une alimentation saine, est-il vraiment juste de leur demander de payer leur opération bariatrique?"L'expert avance aussi l'hypothèse que les personnes précarisées consacrent une part telle de leurs capacités cognitives aux impératifs de survie qu'elles n'ont tout simplement plus de marge pour réfléchir à autre chose. "À force de compter et calculer en permanence, leur tête sature, ce qui les amène à prendre de mauvaises décisions.""Un autre constat extrêmement frappant qui ressort de cette enquête est que la formation des médecins et pharmaciens n'accorde pas du tout assez d'attention à la pauvreté", souligne le professeur anversois. "La pauvreté a pourtant un impact majeur sur l'espérance de vie, la littératie en santé, les aptitudes, les choix. Les formations devraient anticiper ces effets."Il observe encore que les médecins francophones qui ont eux-mêmes été confrontés à des difficultés financières au cours de leurs études ou de leur parcours professionnel semblent avoir plus de facilités à travailler avec des personnes précarisées. "L'âge aussi joue un rôle. Les moins de 40 ans sont relativement peu nombreux à avoir eux-mêmes fait l'expérience de tels problèmes et du coup, ils vont moins rapidement aborder la question."Enfin, bien des généralistes sont prêts à travailler au prix du remboursement ou même gratuitement si nécessaire. "Chez les spécialistes, c'est rarement le cas... mais ceux qui travaillent à l'hôpital n'ont évidemment pas une idée très claire de la situation financière des personnes qu'ils soignent. C'est le secrétariat qui s'en occupe", conclut le Pr Van den Broeck.