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Un constat, d'abord: la mortalité du Covid-19 est la plus élevée chez les personnes âgées et chez les personnes souffrant d'affections sous-jacentes, mais il ne s'attaque pas préférentiellement aux femmes enceintes ni aux jeunes nourrissons. Toutefois, si de petites séries de cas rapportent des symptômes similaires chez les femmes enceintes par rapport aux femmes non enceintes du même âge, des cas graves, voire mortels, ont été signalés. Complications obstétricales, rupture prématurée et mortinaissance, détresse foetale ou prééclampsie sont évoqués. Certains articles de synthèse font état de manifestations cliniques plus graves chez les femmes enceintes avec un risque accru d'intubation, de dyspnée temporaire et d'essoufflement au troisième trimestre de grossesse. Un article récent du Lancet fait état d'une plus grande proportion de femmes enceintes avec Covid-19 sévère lors de la 2e vague en Grande Bretagne (1). L'infection par le virus pendant la grossesse pourrait être associé à un risque accru d'accouchement prématuré (estimation d'environ 25%), ce qui entraîne un risque accru d'admission aux soins intensifs et de nourrissons de faible poids à la naissance. La transmission verticale du virus pendant la grossesse est une autre préoccupation potentielle. Cependant, jusqu'à présent, il n'y a aucune preuve de transmission verticale du Sras-Cov2 de la mère au foetus. C'est pourquoi un consortium d'hôpitaux universitaires lance une étude multicentrique sur les effets de la vaccination chez la femme enceinte. Un geste recommandé par l'OMS, les CDC et par le Conseil supérieur de la santé de Belgique, mais formulé avec prudence pour équilibrer les avantages et les risques de l'administration de ces vaccins en l'absence de données solides sur l'innocuité et l'immunogénicité. "Les femmes enceintes n'ont pas été inclues dans les premiers essais vaccinaux. Or, nous savons que la grossesse est associée à des modifications des réponses immunes. Pas tellement sur la quantité, car nous disposons de données avec les vaccins de la grippe ou de la coqueluche qui montrent que celle-ci est maintenue, mais sur la qualité. Des indices suggèrent que la qualité des anticorps varie et notamment leur capacité à activer différences cellules du système immunitaire, comme les macrophages ou les cellules NK (NDLR: pour "natural killer")", explique le docteur Nicolas Dauby, chef de clinique adjoint du département des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre (ULB) et chercheur F.R.S-FNRS à l'Institut d'immunologie médicale de l'Université Libre de Bruxelles. Les chercheurs n'avancent pas en terre inconnue: selon une étude récemment publiée dans l' American Journal of Obstetrics and Gynecology, les participantes qui attendaient un enfant ou allaitaient ont développé une immunité contre le Covid-19 comparable à celle des femmes qui n'étaient pas enceintes ou jeunes mères, après avoir reçu les deux doses du vaccin Moderna ou Pfizer. Les scientifiques ont également détecté des anticorps dans tous les échantillons de sang du cordon ombilical et dans le lait maternel prélevés au cours de l'étude. "Preuve que l'immunité peut être transmise par les mères à leurs enfants", concluent-ils. Les niveaux d'anticorps chez les femmes ayant reçu un vaccin étaient "significativement plus élevés" que ceux des femmes ayant développé des anticorps après avoir été infectées par le coronavirus pendant leur grossesse, rapporte également l'étude. Les scientifiques n'ont d'ailleurs trouvé aucune preuve que les femmes enceintes ou allaitantes présentent des effets secondaires au vaccin plus graves. Des résultats pour lutter contre l'hésitation vaccinale Pour Nicolas Dauby, "il est essentiel de disposer de données belges sur la question. Nous en avons l'opportunité en recrutant des volontaires issues des professionnelles de la santé qui ont été vaccinées en priorité. Cette étude pilotée par Sciensano et dirigée par l'université d'Anvers s'inscrit dans un groupe d'études qui visent à appuyer et à guider la pratique vaccinale belge en temps réel. Une autre étude investigue la réponse des vaccins à ARN messager chez les résidents en maisons de repos, tandis qu'une troisième examine la réponse immunitaire chez les patients greffés". Pour le chercheur, dont la recherche post-doctorale a précisément porté sur l'infection par la coqueluche, il est très probable que les anticorps fabriqués par la mère enceinte vont protéger les bébés contre l'infection périnatale au Covid 19. "Pour la coqueluche, on vaccine les femmes enceintes pour protéger le nouveau-né pendant les premières semaines de vie. Les six premières semaines sont en effet la fenêtre de susceptibilité pour les bébés, qui risquent d'être hospitalisés, voire de décéder, parce qu'ils ne peuvent recevoir le premier vaccin hexavalent qu'à deux mois. C'est entre la naissance et cette première dose d'hexavalent qu'ils sont très susceptibles à la coqueluche. On sait aussi que parmi tous les enfants ce sont les nouveau-nés qui sont le plus à risque de faire un Covid 19 sévère, notamment les prématurés. En vaccinant la maman, on protège les bébés par le transfert des anticorps au niveau du placenta mais aussi par le lait maternel après l'accouchement."L'étude porte en outre le rôle de lutte contre l'hésitation vaccinale. "Il est important que des femmes enceintes et travailleuses de santé acceptent de se faire vacciner. Elles sont aussi les ambassadrices pour les femmes enceintes au sein de la population générale. Il est important qu'il y ait des visages proches qui montrent que cela fonctionne et que ces femmes voulaient prendre soin d'elles et de leur futur bébé", explique le chercheur.