...

Pour les épidémiologistes, trouver un modèle adapté au nouveau coronavirus reste un casse-tête. D'abord parce que, comme pour les modèles météos, la prédiction s'appuie sur des constats et que ceux-ci restent largement incomplets, voire biaisés. Des patients qui sont libérés de quarantaine " non infectés " mais qui ont ensuite développé les symptômes 27 jours après le contact à risque. Ou les autorités chinoises qui sont passées d'un nombre de cas confirmés par biologie moléculaire à celui de malades atteints de pneumonie compatible avec Covid-19. Le mode de transmission interroge aussi, comme celui de ce Britannique ayant contracté le coronavirus à Singapour, le transmettant à plusieurs compatriotes lors d'un séjour dans les Alpes, avant d'être diagnostiqué en Grande-Bretagne.Le 11 février, Zhong Nanshan, célèbre pour avoir découvert le virus du SRAS, a déclaré " que le coronavirus atteindrait peut-être son pic d'ici fin février ". Zhong estime que la situation s'est améliorée avec les mesures de contrôle du gouvernement chinois, telles que les restrictions de voyage et les vacances prolongées.Des chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine prédisent que le pic pourrait survenir à tout moment. Funk, co-auteur de l'analyse, se base sur une estimation qu'une personne infectée touche en moyenne entre 1,5 et 4,5 autres. Il estime que lors du pic, environ un million de personnes, soit plus ou moins 10% de la population de Wuhan, seront infectées. Il a publié son analyse, non encore évaluée par des pairs, sur le site de son institut. Depuis, une baisse du nombre de nouveaux cas et de décès à Wuhan suggère que les infections aient déjà atteint un sommet. Mais pour d'autres, c'est trop optimiste. Hiroshi Nishiura, épidémiologiste à l'Université de Sapporo, estime que l'épidémie culminera entre fin mars et fin mai et qu'entre 550 millions et 650 millions de personnes à travers la Chine seront infectées, soit environ 40% de la population du pays." Il est très difficile de prédire un pic avec des données aussi partielles que celles dont nous disposons. De même, il n'y a pas encore assez de recul pour déterminer avec précision le taux de mortalité. Communiquer sur un pic déjà atteint n'a peut-être que comme seule intention de diminuer l'impact psychosocial sur la population ", explique le Pr Nathalie Jacobs, qui enseigne la virologie en faculté de médecine à l'ULiège. " On sait que ce virus est génétiquement proche du virus SRAS, celui-ci a été responsable d'une pandémie en 2002-2003, mais il semble que ce nouveau coronavirus soit plus infectieux, mais moins mortel. Il reste beaucoup de questions sur les épidémies virales en général, notamment pourquoi certaines infections sont saisonnières comme la grippe. Il existe des hypothèses comme un plus grand confinement en hiver, mais pas de réponses définitives. "Peut-on imaginer que Covid-19 suive le constat qui fait qu'un virus qui se répand vite et beaucoup devienne moins mortel ? " Si on fait une comparaison avec le SRAS, à ma connaissance, celui-ci n'était pas moins létal à la fin de l'épidémie par rapport au début. Le message positif c'est que l'épidémie s'est arrêtée et le SRAS ne circule plus pour le moment. Tuer son hôte n'est pas une bonne idée pour un virus, puisque cela va entraîner sa propre fin s'il ne trouve pas un nouvel hôte. Mais l'adaptation du virus à son hôte ne peut se faire rapidement. Un virus, c'est un code génétique et quelques protéines, cela n'a pas d'intelligence au sens où nous l'entendons, donc il n'a pas de stratégie. "Un avis qui n'est pas entièrement partagé par le Dr Charlotte Martin, qui dirige la Travel & Vaccine Clinic du Centre hospitalier universitaire St-Pierre à Bruxelles. " Ce constat est l'illustration du principe de Darwin. Les variantes du virus qui tuent très vite les patients ne survivent pas parce qu'ils n'ont pas le temps de disséminer. Seules celles qui ménagent les patients deviennent majoritaires. Certes, c'est une intelligence primitive, mais cela reste une intelligence. Certains virus comme le SRAS, par exemple, peuvent être peu contagieux puis, alors que le décès de leur hôte approche, le deviennent subitement de manière intense par les crachats, les éternuements, la perte de fluides. "Oui, mais, le pic ? " Il faudrait une boule de cristal pour dire quand le pic va être observé. Le taux de mortalité actuellement communiqué est peut-être surévalué, parce que le nombre de personnes infectées est sous-estimé. On parle de 52% de patients sans symptômes ". Un pic déjà dépassé ? " Certains arguments vont dans ce sens, comme le fait que le nombre de cas diminue non seulement à Wuhan, où le système médical dépassé ne permet plus de compter tous les cas où l'on est sans doute débordé, mais aussi dans d'autres provinces où des soins peuvent être donnés à tous les patients. Et puis, si le virus atteint vraiment 40% des Chinois, la population va finir par développer une certaine immunité de cohorte, ce qui va aussi modifier le profil de l'épidémie. Comme on l'a observé pour le H1N1 au fil des années. Et comment l'Afrique va-t-elle se défendre ? Ces constats seront déterminants pour savoir quelle sera la face de la Saison 2 du virus ", explique Charlotte Martin.Conclusion : " Si vous révisez vos prévisions chaque semaine pour dire que l'épidémie atteindra un pic dans une semaine ou deux, vous finirez par avoir raison", explique à Nature Brian Labus, (Université du Nevada).