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Qu'est-ce que c'est l'identité de genre? Comment on s'identifie? Femme, homme, femme cisgenre, femme transgenre, homme cisgenre, homme transgenre, a-genre, non binaire, bigenre, gender fluide... "Ce sont des vocabulaires qu'on doit pouvoir utiliser désormais", insiste Marie Poncelet, pédopsychiatre et coordinatrice du Centre Horizon TransIdentitaire de l'Hôpital Universitaire de Bruxelles (HUB). "Ce qui est important, c'est de comprendre la différence entre ce qu'on considère comme être un genre assigné à la naissance, évalué par le médecin, la famille, et une identité de genre comme elle est exprimée par un individu, qui correspond à ce qu'il désire montrer de son identité de genre à l'extérieur."La population transgenre représente en moyenne entre 1,2% et 2,5% de la population, selon la manière dont on pose la question: 1,2% si on demande à la personne si elle se considère comme ayant une identité trans, et 2,5% si on lui demande si elle n'est pas sûre de son choix ou si elle est gender fluide. Une étude au Canada montre une croissance progressive du pourcentage de la population transgenre: 0,8% dans la génération Z (née entre 1997 et 2006) vs 0,2% dans la génération X (née entre 1966 et 1980). "Aujourd'hui, le modèle prioritaire est celui de la compréhension et de la vulgarisation auprès de la société. À une époque, on ne parlait pas d'identité transgenre. Maintenant c'est possible, et d'autant plus que la médecine rend les choses plus sûres."La présentation est-elle précoce (prépubère) ou tardive (à l'adolescence, jeune adulte, adulte)? "Il y a un âge charnière entre 10 et 13 ans", précise-t-elle. "Il correspond au début des interactions sociales et de la recherche d'une appartenance à un groupe de pairs... On commence à avoir une notion genrée d'une identité. À la puberté, il y a également l'apparition des caractéristiques sexuelles secondaires, qui peut provoquer chez certains des sensations de dysphorie, de ne pas appartenir au bon corps. C'est aussi le temps des premières romances et de l'apparition de la sexualité.""Par ailleurs, on observe une différenciation entre le maintien d'une identité de genre à l'âge adulte selon une présentation précoce ou tardive: seulement 12 à 27% des présentations précoces vont se pérenniser à l'âge adulte. Par contre, la majorité des présentions tardives vont se maintenir à l'âge adulte, et quasiment 100% des présentations précoces qui se maintiennent à l'adolescence se maintiendront à l'âge adulte."L'ICD-11, la qualification la plus récente, parle d'incongruence marquée et persistante entre le genre ressenti d'un individu et le sexe assigné à la naissance, qui mène souvent à un désir de transition. Le diagnostic ne peut être assigné avant le début de la puberté. Dans l'enfance, cette incongruence inclut un fort désir d'être d'un genre différent du sexe assigné, une forte aversion pour son anatomie sexuelle ou ses caractéristiques sexuelles secondaires anticipées, et/ou un fort désir pour avoir celles du genre différent. Elle doit avoir persisté pendant environ deux ans. Le DSM V utilise encore le terme de "dysphorie de genre", avec des classifications différentes entre les enfants et les adolescents/adultes. "Chez les enfants, les critères sont très spécifiques si on considère que certaines choses doivent être genrées dès la naissance (vêtements, jouets...), et il faut une forte aversion pour sa propre anatomie sexuelle ou le désir marqué d'avoir les caractéristiques sexuelles du genre vécu comme sien. Il faut un minimum de six critères. Du côté des ados/adultes, on parle plus d'une résonance avec son désir, son ressenti et son corps, et il ne faut plus que deux critères." Et d'ajouter: "Néanmoins, quand on parle de dysphorie, on parle quand même d'une détresse qui doit être significative, ou qui va amener une altération du fonctionnement. On observe des difficultés relationnelles, une stigmatisation, une image de soi négative, un décrochage scolaire et une difficulté d'accès aux soins (inquiétudes du patient, inexpérience des soignants...)..."Pour la Dre Poncelet, les chiffres des comorbidités (troubles anxieux, conduites auto-agressives, tentatives de suicide, troubles alimentaires, troubles du spectre de l'autisme, consommation de substances...) sont assez inquiétants: "La prévalence des troubles dépressifs s'élève à 10% dans la population cisgenre et 40-50% dans la population transgenre."La psychiatre explique que la prise en charge sociale doit permettre un accompagnement du jeune et de sa famille dans une transition sociale, pour faire en sorte que les autres lui attribuent le genre qu'il exprime (utilisation du prénom et des pronoms choisis, information des espaces (école, clubs de sport...) où il désire pouvoir exprimer son identité de genre et le faire de manière progressive. Il convient aussi de le diriger vers des associations LGBTQIA+ et d'informer du coût des procédures médicales. "Pour les professionnels de la santé mentale, on recommande de proposer une évaluation de la présence ou non d'une dysphorie de genre et des éventuelles comorbidités associées. Ensuite, il est important d'expliquer les possibilités et limites des traitements. Les jeunes attendent de nous qu'on traduise ce que les endocrinologues, les chirurgiens, leur disent", explique la Dre Poncelet. La prise en charge hormonale peut se faire en deux temps: d'abord, la prévention de l'apparition des caractéristiques sexuelles secondaires (à partir du stade de Tanner 2) et ensuite, la promotion du développement des caractéristiques sexuelles secondaires désirées à partir de 15-16 ans (oestradiol, testostérone). Enfin, les interventions chirurgicales se font à partir de l'âge de 18 ans (à l'exception de la torsoplastie, possible à partir de 16 ans).