Outre la classique appendicite, plusieurs pathologies ou anomalies peuvent - ou pas - conduire un enfant vers la salle d'opération. Et c'est parfois dans une urgence relative. Il faut donc rester attentif à certains pièges, qu'évoque pour Eduthon le Pr Henri Steyaert, qui dirige le service de chirurgie pédiatrique à l'Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (ULB).
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Le Journal du Médecin: À quels points convient-il d'être particulièrement attentif, sur le plan urologique, dans la petite enfance? Pr Henri Steyaert: Je mentionnerais avant tout la cryptorchidie. La littérature montre que le risque d'hypofertilité augmente sensiblement si les testicules ne sont pas descendus dans les bourses avant l'âge d'un an et demi environ. Sur le plan de leur fonction hormonale (dont l'altération peut déboucher sur un cancer rare mais dont l'incidence est actuellement en augmentation), on considère que l'âge limite avant augmentation du risque est d'environ trois ans. Rappelons au passage que nous observons de plus en plus de cas de cryptorchidie. Le rapport entre cryptorchidie, hypospade et perturbateurs endocriniens n'est plus à démontrer, c'est un véritable problème de santé publique. Il est donc très important de repérer assez vite un testicule qui ne descend pas et d'adresser l'enfant à un chirurgien pédiatrique ou à un urologue pédiatrique. En Belgique, on constate que de nombreux cas ne sont repérés qu'au cours de l'examen scolaire de la première année primaire. Est-ce dû au fait que ces enfants ne sont pas vus fréquemment parce qu'ils sont rarement malades? En tout cas, en France par exemple, les enfants sont globalement assez bien suivis avant l'âge de deux ans par des pédiatres libéraux, avec annotations dans le carnet de santé qui accompagne en principe l'enfant lorsqu'il consulte un médecin. L'importance de ce carnet est donc réelle, et il devrait être systématiquement complété chez nous aussi, par quelque médecin que ce soit. Par ailleurs, pour examiner un petit enfant, il faut prendre son temps, avec une température ambiante suffisamment élevée. Il faut parfois jouer un peu avec lui, histoire de le détendre, car il y a beaucoup de testicules "ascenseurs". Les jeunes testicules sont petits et, comme le muscle crémaster qui l'entoure est assez puissant, leur remontée est fréquente et rapide lorsqu'il y a stimulation ou énervement, donnant faussement l'impression d'une cryptorchidie. Ainsi, nous voyons beaucoup d'enfants arriver en consultation avec une échographie, qui est inutile dans la très grande majorité des cas pour cette raison. A noter aussi, en parlant d'échographie, que le contact du gel froid peut suffire à faire remonter le testicule par réflexe crémastérien menant à un faux diagnostic de cryptorchidie. C'est vraiment, sauf exceptions, un examen inutile dans cette pathologie. De nombreux parents s'inquiètent pour le décalottage difficile du petit garçon. A raison? Expliquons-leur d'abord que le phimosis est physiologique, et qu'il concerne tous les enfants en bas âge avant de s'atténuer avec le temps. On évoque souvent des balanites chez l'enfant, mais il s'agit le plus souvent de simples accumulations de smegma, qui permettent d'élargir spontanément la peau, avant de déboucher spontanément sur le décalottage. Autrement dit, s'il n'y a pas de véritable balanite et en l'absence de plaintes, il faut abandonner l'idée de décalotter un peu de force les enfants vers un an ou un an et demi. On laisse faire la nature, on rassure les parents, et on leur explique que les quelques adhérences qui subsisteraient disparaîtront spontanément à l'adolescence. Le décalottage forcé peut d'ailleurs être un peu néfaste, car la douleur ressentie par l'enfant l'amène à refuser qu'on y touche par la suite. De plus, la manoeuvre entraîne souvent un petit saignement par déchirure de la peau, suivie d'une fibrose puis, parfois, d'un phimosis iatrogène qui peut imposer une circoncision. Une exception: le phimosis serré, qui entraîne une "ballonisation" du prépuce lorsque l'enfant urine. Dans ce cas (très rare), la compression manuelle du gland peut faire sortir un reste d'urine plus ou moins purulente. Une intervention est alors pratiquement incontournable. Concrètement, lorsque des parents inquiets me consultent pour avis, je décalotte très légèrement l'enfant, et on peut être rassuré lorsque le méat urinaire est bien observable: il n'y aura pas de problème. Il faut encore mentionner le paraphimosis, lié à un oedème consécutif à un décalottage, et qu'il faut réduire pour éviter la nécrose du gland par compression. La manoeuvre peut se faire manuellement, ou en appliquant du sucre granulé pour résorber, par osmose, l'oedème en quelques minutes et ainsi faciliter le geste. Il y a aussi la torsion testiculaire... C'est un risque qui peut toucher des enfants plus âgés, et qui doit être pris très au sérieux. Il s'agit d'une urgence absolue, car on ne dispose que d'environ six heures pour réagir. Donc, en cas de douleur testiculaire aiguë, il faut absolument examiner, en surmontant la pudeur souvent présente chez l'enfant prépubère ou l'adolescent, qui indique alors plutôt la région inguinale comme origine à sa douleur. L'invagination intestinale est réputée pour être potentiellement redoutable. A quoi la reconnaît-on? On la rencontre assez souvent chez l'enfant de moins de deux ans, qui ne présente pas de fièvre mais plutôt une triade symptomatique classique (douleurs paroxystiques et récurrentes accompagnées de vomissements, léthargie relative entre les crises et, dans les cas plus avancés, des selles muco-sanglantes dites en "gelée de groseille"). L'enfant doit être envoyé rapidement à l'hôpital, car il s'agit ici aussi d'une question d'heures avant de risquer une nécrose intestinale. Il est facile de passer à côté du diagnostic, en l'absence de fièvre et si l'enfant est examiné entre deux crises. Ces invaginations aiguës surviennent souvent quelques jours après une virose, comme une simple angine: les plaques de Peyer et les ganglions de la région iléo-caecale s'épaississent, entraînant une diminution du diamètre de la lumière intestinale puis une invagination. Plus tôt on la diagnostique, plus on a de chances d'obtenir une réduction radiologique et d'éviter ainsi une chirurgie. Que faut-il craindre sur le plan des hernies chez l'enfant? En ce qui concerne la hernie inguinale, il faut considérer que les parents ont toujours raison lorsqu'ils croient en voir une. On peut ne pas la voir parce qu'on examine l'enfant à un moment où elle est réduite, et les examens complémentaires n'apportent rien. La différence avec une hydrocèle peut être faite au cabinet par transillumination avec l'otoscope, par exemple, montrant une poche d'eau en cas d'hydrocèle, qui est donc transilluminable. Lorsqu'il s'agit plutôt d'une masse solide, non translucide, il faut considérer qu'on a très probablement affaire à une anse intestinale, qui réclamera un avis chirurgical. La réduction est cependant souvent simple, et elle peut être tentée. Une intervention éventuelle peut se réaliser à tout âge - en oubliant les bandages divers et pièces de monnaie, inefficaces. L'intervention pour cure d'hydrocèle peut attendre l'âge d'un an et demi voire de deux ans, car elle peut disparaître spontanément. Quant aux hernies ombilicales, elles ne s'étranglent pratiquement jamais. On peut donc en principe rassurer les parents, en leur expliquant que le problème s'arrange généralement avant l'âge de quatre ou cinq ans. Il n'y a que les grosses hernies, avec un grand collet, qu'on adressera au chirurgien.