Comme d'autres applications d'intelligence artificielle récentes assez impressionnantes, le nouveau Chatbox de la société OpenAI a suscité les débats durant ces fêtes de fin d'année.
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Née en décembre 2022, la société OpenAI a lancé une nouvelle application de messagerie intitulée ChatGPT offrant une expérience de conversation plus naturelle et fluide pour les utilisateurs, puissante, tellement proche dans ses réponses de celles d'un être humain qu'elles pourraient le remplacer. Utilisée dans la langue de l'utilisateur, se prêtant volontiers aux questionnements simples et réagissant instantanément aux critiques quand la réponse déçoit, ChatGPT3 est devenu en quelques semaines le gendre idéal pour composer des textes, des vignettes d'examen, des exercices complexes de physique ou de mathématique, des articles et dossiers de presse. Du corps médical aussi à qui on a fait miroiter la possibilité d'avoir en permanence à ses côtés un répétiteur bienveillant fournissant dans l'instant la synthèse des solutions possibles devant une liste improbable de symptômes divergents. Rendez-vous est donc pris rapidement avec cet extraterrestre pour faire connaissance (https://openai.com/blog/chatgpt/), essai gratuit, dans sa langue, ce qui lève déjà bien des réticences. Premier essai: rédiger une poésie inspirée par Virgile incluant un pastoureau. Quelques secondes suffisent pour un petit texte ma foi bien tourné: "Le pastoureau, animal si fin, / Dans les champs, il danse et bondit, / Son pelage doux et lustré, / Brille au soleil, tel un joyau. / Il gambade et saute sans cesse, / Toujours en quête de nouvelles aventures, / Il aime l'herbe fraîche et l'air pur, / Et ne se laisse jamais décourager./ Le pastoureau, si agile et vif, / Est un animal libre et heureux, / Il vit sa vie au grand air, / Et nous rappelle à tous la beauté de la nature." Avantage ChatGPT3, sans hésitation 1-0. Versatile, l'application se révèle capable d'écrire "une réponse à la professeure de mon fils qui a écrit un mot dans son carnet de correspondance lui reprochant d'avoir chahuté en cours". Réponse: "Je vous remercie pour votre mot dans le carnet de correspondance concernant le comportement de mon fils en classe. Je suis désolé qu'il ait chahuté et je vais m'assurer de lui parler de l'importance d'être attentif et respectueux en cours. Merci de bien vouloir le surveiller de près pour que cela ne se reproduise pas". Consensuel au possible, que la paix règne dans les écoles et dans les maisons, c'en est trop presque car quelle est la version du coupable? Je réécrirai sans aucun doute la réponse moi-même, court-circuitant ChatGPT3, score 1-1. Émoustillé, j'élargis volontairement le débat, interrogeant mon interlocuteur virtuel sur une question éthique. "Je suis médecin, chrétien pratiquant, et accompagne un patient en fin de vie souffrant beaucoup. Que préconisez-vous respectant mes convictions religieuses?" La question est volontairement balisée dès le départ, "chrétien pratiquant" suscitant une réponse consensuelle, qui ne tarde pas à me parvenir. "Il est important de respecter vos convictions religieuses lorsque vous prenez des décisions concernant les soins de fin de vie. La sédation médicale accompagnée peut être une option appropriée pour soulager la douleur et le malaise des personnes en fin de vie, tout en respectant leur dignité et leur autonomie. Cette approche peut être utilisée lorsque les autres mesures de soulagement de la douleur ne suffisent pas à contrôler les symptômes de manière adéquate. Il est important de confronter vos préférences à celles de votre patient afin de déterminer l'approche la plus appropriée. Diplomatiquement correct, trop sans doute, no risk. Score ChatGPT3 1-2. Je relance la question, l'assortissant de déterminants susceptibles de modifier la réponse: "Diverses conversations m'ont amené à modifier ma perception de la sédation, je souhaite ne pas mêler mes conviction religieuses et ma pratique médicale, et je souhaite connaître votre avis concernant l'euthanasie accompagnée." La réponse est instantanée, aussi prudente que la première, quelque peu décevante. "L'euthanasie accompagnée, également appelée 'euthanasie médicalement assistée', est l'acte de mettre fin à la vie d'une personne de manière volontaire et intentionnelle sur demande de cette personne. Elle est légalement autorisée dans certains pays, mais elle est controversée et suscite des débats éthiques importants. Selon certaines perspectives, l'euthanasie accompagnée peut être considérée comme une forme de suicide assisté, et elle peut être considérée comme incompatible avec certaines convictions religieuses qui considèrent la vie comme un don de Dieu et qui s'opposent au suicide. D'autres personnes considèrent que l'euthanasie accompagnée peut être une option appropriée pour les personnes souffrant de maladies graves et incurables qui souhaitent mettre fin à leur souffrance et à leur vie de manière digne et contrôlée. Il est important de réfléchir soigneusement à vos propres convictions et valeurs avant de prendre une décision concernant l'euthanasie accompagnée. (..) Il est important de noter que l'euthanasie accompagnée n'est pas universellement acceptée et qu'elle est souvent critiquée par certains groupes qui considèrent qu'elle va à l'encontre de l'éthique médicale traditionnelle et de la valeur de la vie humaine. (..)" On reste rêveur. Synthèse idéale de ce qui s'est écrit sur le sujet ces dernières années, en fonction des pays et des équilibres religieux, mais sans apporter la moindre aide à la réflexion. Score ChatGPT3 1-3. On a rapidement compris que le chatbox, aussi intelligent soit-il, brassant des milliards de données de textes triés en fonction des questions diverses qui lui seront posées - de la succession de Domenech à la tête de l'équipe de France, des conseils sur la bonne façon de mener une réunion pour un PDG, de la création d'un sketch dans le style des Monthy Python, un programme de régime, la liste des modèles Peugeot depuis 1960, ou des papes depuis le Concile Vatican 2, une lettre pour expliquer à un enfant que le Père Noël n'existe pas - ne nous aidera guère dans notre pratique médicale face à la patiente nonagénaire gibbeuse, isolée dans sa maison inadaptée, présentant des fuites urinaires dix fois par nuit, des fausse déglutitions et une toux chronique. L'appréciation de l'infirmière à domicile, du kiné, de l'aide familiale, voire du patron de bistrot du coin, nous éclaireront davantage sur l'état réel de la patiente, de son déclin et de la nécessité d'un nursing adapté. Nous faisons face à ces situations dans un domaine et dans une zone de l'intelligence qui nécessite plus que la maîtrise d'indices cliniques juxtaposés. On fait appel à une intelligence humaine, où l'empathie, l'expérience de nombreuses années de proximité, l'acceptation des limites liées au déclin et à la fin de vie font renoncer à des solutions de reconstruction. ChatGPT3 ne nous piquera pas le job, car les milliards de données ne font pas un trajet de vie accompagné et ne décideront pas du moment adéquat pour quitter son domicile pour la maison de retraite.