...

ÚEtienne Masquelier fait penser à bien des égards à Eric Fottorino. Journaliste au journal Le Monde, dont il fut directeur après le départ de Jean-Marie Colombani, Fottorino est un grand sportif. Il est l'auteur de beaux succès de littérature tels Besoin d'Afrique et Un territoire fragile. Un dernier recueil où une phrase apparait telle une évidence: "chaque douleur est une mémoire". "Originaires de la région du Centre, mes parents ont migré vers Nivelles en 1967. Une ville où je suis des cours de latin-math à Sainte-Gertrude et où je découvre les mouvements de jeunesse et le hockey. Une discipline où je rejoins l'équipe première dès l'âge de 16 ans", explique d'emblée le Pr Masquelier. C'est en effet au Royal Pingouin Hockey Club nivellois qu'il passe de la D3 à la D2 pour atteindre la D1 (équivalent de la DH actuelle) pour la première fois dans l'histoire du club en 1986. Une passion pour ce sport collectif qu'il partagea à ses débuts avec le ski, le vélo et l'athlétisme. Une discipline difficile qu'il a reprise il y a peu et dans laquelle il se fit remarquer très tôt avec un premier chrono déroutant (100 m en 11 secondes). Sur le gazon, on peut voir évoluer ce sprinter au sein des Belgium Old Lions 60, l'équipe nationale master (de 60 à 64 ans). "J'ai participé à la coupe du monde à Barcelone en 2018 et à deux coupes d'Europe, à Glasgow et à Brasschaat. En 2019, je reçois avec deux amis du Pingouin, le prix du master sportif de la ville de Nivelles", confie, avec une certaine fierté, Etienne Masquelier. "J'ai choisi la médecine car je voulais mieux comprendre l'être humain et choisir une profession sociale", reconnait celui qui a hésité un temps entre l'art de guérir et le journalisme. Il tente "le plus difficile" et après une première candidature à Louvain-La-Neuve, il opte "naturellement" pour l'UCL. "A la fin de mon master je ne savais pas trop quelle orientation choisir. Interpellé par un copain qui partait en Bolivie, je fais mes valises pour Cochabamba puis Machala en Equateur." Une expérience pédiatrique qui le voit revenir à Jette où il fait un stage en médecine générale, après une spécialisation en médecine tropicale à Anvers. Il reçoit une proposition de MSF Belgique, dont il connait un membre fondateur, et à 25 ans, il embarque pour le Tchad. Dans ce pays d'origine du peuple bantou, le Pr Masquelier, assure "avoir rencontré des gens exceptionnels plaçant très haut le curseur de la santé publique". Une expérience inoubliable qui sera par ailleurs sauvée sur pellicule par Sebastiao Saldago, le célèbre photographe. Un artiste engagé qui immortalisa entre autres les puits de pétrole en feu lors de la guerre du Koweït. Médecin officier de réserve en Allemagne en 1986, il fait la connaissance de Jacques Denayer, le père fondateur du sportkot à Leuven, qui lui propose pendant cette période des stages en médecine physique et réadaptation à Saint-Luc. "J'y ai fait un travail sur les traumas crâniens qui m'a plu mais je me suis forgé une certitude", reconnait-t-il, en affirmant: "la médecine du sport, c'était intéressant mais la médecine de réadaptation m'apparaissait plus chargé de sens et de profondeur et par essence interdisciplinaire". Notons également qu'en athlétisme, il a participé au championnat d'Europe master à Venise en 2019, qu'il est devenu vice-champion de Belgique en 100 et 200 m master 60 et qu'il a battu, avec le Riwa de Rixensart, le record belge du relais 4 fois 100 m master 60 cet été. En 1987, c'est une expérience "trois tridents" qui se propose à lui. "Vous êtes le candidat idéal pour notre club en Malaisie", lui dit le DRH du Club Med. Il prépare ses bagages et saute dans un avion. "Je faisais des consultations de 5 h à 7 h et le reste du temps, mon bip dans le maillot de bain, je pouvais faire de la planche", sourit celui qui doit aussi participer quelques heures par soir au spectacle des "gentils organisateurs". La nuit, dans le village, une expérience "hors du temps" ou de ses propres aveux, il va être "réveillé de nombreuses fois par des esprits malins". Ce qui fera profondément évoluer son approche de la médecine. Un événement qu'il interprète telle "la mémoire des souffrances passées" dans cette île tantôt briguée par les Japonais puis par les colons britanniques. Intrigué par les relations complexes entre le corps, l'esprit et l'environnement, il rencontre le Pr Boureau, le pape de la douleur en France, chez qui il va se former à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. "J'aime articuler notre savoir scientifique occidental avec mes passions de la lecture d'écrivains comme Stefan Zweig ou Edgar Morin et avec la médecine traditionnelle du Bénin où j'enseigne la douleur aux étudiants en médecine depuis de nombreuses années", explique-t-il. Spécialisé en médecine physique en 1992, il exerce à Saint-Luc, à Ottignies puis à Charleroi jusqu'en 1999. C'est à l'aube d'un siècle nouveau, qu'il revoit le professeur émérite Léon Plaghki, du service de physiologie et de recherche de la douleur à Saint-Luc, rencontré dix ans plus tôt: "un personnage extraordinaire qui compte énormément dans mon parcours". Malgré une chute à ski et une embolie pulmonaire, il devient chef de clinique adjoint à Saint-Luc et Mont-Godinne de 2001 à 2017, année où il ne conserve que l'antenne namuroise. Promu professeur récemment, celui qui enseigne depuis longtemps l'algologie, reconnait que la fibromyalgie représente désormais plus de 80% de ses consultations. Expert à l'Inserm pour une expertise collective sur la fibromyalgie de 2017 à 2020 et clinicien chercheur à l'institut des Neurosciences de l'UCL, il constate que les problèmes de santé se complexifient. "Une façon d'avancer est d'ouvrir les prismes psycho-sociaux dans un domaine hétérogène où la recherche de sous-groupes est un défi majeur", admet le professeur. Une spécialisation où il est confronté parfois trop tard à "des patients cassés par des médecins qui ne comprennent pas. Ils arrivent chez moi dans un état de perte de confiance totale". Une spécialisation dans laquelle "il faut encore énormément combattre les stéréotypes". Agé de 62 ans, Etienne Masquelier a de nombreux objectifs qu'il insère dans un équilibre entre médecine, vie professionnelle intense, son cocon familial et ses amis. Parmi ses lignes d'horizon, la traversée de l'Amérique du Sud en vélo. Et l'algologue de préciser: "Le sport tel que la marche à pied ou la natation sont les meilleurs moyens d'assurer le bon fonctionnement des neuromédiateurs".