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Depuis désormais plus de dix ans, les autorités d'enregistrement exigent la démonstration que les antidiabétiques n'entraînent pas d'accroissement d'un risque cardiovasculaire déjà important chez les diabétiques de type 2. Dans la majorité des cas ces essais se sont fait en comparant un antidiabétique à un placebo et cherchent à démontrer que la molécule testée n'est pas inférieure au placebo. Ce qui en clair signifie que cela n'entraîne pas plus de risque que le placebo.Une des particularités de CAROLINA est de sortir de ce schéma classique et de comparer la sécurité cardiovasculaire de deux antidiabétiques :d'une part l'inhibiteur de la DPP-4 linagliptine dont la sécurité d'emploi cardiovasculaire a été démontrée versus le placebo dans l'étude CARMELINA et qui est employé ici à la dose de 5 mg/j en une prised'autre part la sulfonylurée très largement employée glimépiride, admlnistrée à une dose quotidienne pouvant aller jusque 4 mg/j.L'administration des ces deux agents se faisait en double insu et tous les sujets recevaient par ailleurs les soins classiques et leur traitement antidiabétique habituel (metformine ou autre).L'essai international de non-infériorité CAROLINA (plus de 600 sites répartis dans 43 pays) a été menée de 2010 à 2018 et a concerné 6.033 sujets adultes (40 à 85 ans) dont la médiane d'ancienneté du diabète de type 2 était de 6,2 ans et qui tous avaient soit un risque cardiovasculaire accru, soit des antécédents d'événements cardiovasculaires préalables à leur inclusion dans l'étude.Les résultats rapportés à San Francisco s'inscrivent dans le cadre d'un suivi médian de 6,3 ans, ce qui est la plus longue période de suivi pour de type d'essai. Ils démontrent l'absence de différence significative entre les 3.023 sujets du bras linagliptine et les 3.010 sujets du bras glimépiride sur le plan des événements cardiovasculaires (critère principal), mais indiquent que ces résultats similaires sont obtenus avec moins d'hypoglycémies et moins de prise de poids dans le bras linagliptine.Plus précisément, pour le critère principal (3P-MACE = cumul des décès cardiovasculaires et des infarctus et des AVC non mortels), l'incidence d'événements est de l'ordre de 2,1 par 100 patients-année dans les deux bras, le ratio des risques (HR) étant de 0,98 et l'intervalle de confiance 95% (IC 95%) allant de 0,84 à 1,14.Les valeurs correspondantes sont de 1,00 (0,81 à 1,24) pour la mortalité cardiovasculaire et de 0,82 (0,66 à 1,03) pour la mortalité non cardiovasculaire. Les taux d'HbA1c étaient similaires entre les deux bras.En termes de poids, une différence moyenne de -1,5 kg (-1,8 à -1,3) a été observée en faveur du bras linagliptine.Avantage également au bras linagliptine en termes d'hypoglycémie avec au moins un épisode rapporté par l'investigateur chez 10,6% des patients versus 37,7% dans le bras glimepiride HR 0,23 (0,21 à 0,26). La réduction relative du risque est de la même ampleur pour toutes les catégories de gravité d'hypoglycémie (tout type, hypoglycémies graves et hypoglycémies avec hospitalisation). Ainsi il a été constaté 0,3% d'hypoglycémies graves (nécessitant l'intervention d'une autre personne pour administrer sucre ou glucagon ou effectuer d'autres actions de réanimation) dans le bras linagliptine versus 2,2% dans le bras glimépiride, HR 0,15 (0,08 à 0,29).Avec ces résultats, la linagliptine peut se targuer d'être à la tête de la plus grande quantité de données attestant de la sécurité cardiovasculaire d'un anti-diabétique en général et de la classe des inhibiteurs de la DPP-4 en particulier. Si la supériorité de la linagliptine ne figure pas au palmarès comme on aurait pu l'espérer, cet essai permet en tout cas de lever les soupçons qui pouvaient peser sur le glimépiride suite à la controverse concernant la sécurité cardiovasculaire des sulfonylurées.Pour les cliniciens, trois messages semblent être à retenir :Les deux agents testés sont efficaces et le degré de contrôle de la glycémie est similaire.La sécurité cardiovasculaire de la linagliptine est confirmée et l'absence de différence entre les deux bras atteste indirectement de la sécurité cardiovasculaire du glimépiride.Les avantages cliniquement significatifs de la linagliptine en termes de poids et d'hypoglycémie sont, outre le coût, des éléments à prendre en compte lors du choix du meilleur traitement à proposer aux patients.