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Contrairement aux idées reçues, la principale cause de décès chez les hommes en Belgique n'est pas les maladies cardiovasculaires, mais les tumeurs. En revanche, les maladies cardiovasculaires sont bien la première cause de décès chez les femmes. L'une des raisons est que le risque de maladie cardiovasculaire chez les femmes est largement sous-estimé dans le monde. Les maladies cardiovasculaires sont insuffisamment diagnostiquées et traitées dans cette population. Ainsi, un traitement par statines est moins vite initié chez les femmes, mais aussi d'autres directives internationales de traitement sont moins souvent appliquées aux femmes en raison de leur risque cardiovasculaire perçu comme plus faible. En outre, les femmes sont malheureusement encore sous-représentées dans de nombreuses études cliniques sur les maladies cardiovasculaires. Un élément trompeur est que les maladies cardiovasculaires se développent en moyenne sept à dix ans plus tard chez les femmes que chez les hommes. "Cela se traduit, entre autres, dans les directives de la Société européenne de cardiologie, qui recommandent une limite d'âge différente pour envisager l'évaluation du risque cardiovasculaire dans la population générale sans antécédents cardiovasculaires: chez les hommes, l'âge seuil est de plus de 40 ans, tandis que chez les femmes, il est de plus de 50 ans ou à partir du début de la période post-ménopausique", explique le Dr De Caluwé. La différence de phase entre les sexes fait que les femmes ont plus de comorbidités au moment où elles développent une maladie cardiovasculaire, ce qui peut contribuer à expliquer leur plus mauvais pronostic. En outre, elles vivent plus longtemps que les hommes. Le risque cardiovasculaire global chez les femmes est principalement déterminé par les facteurs de risque cardio- vasculaire classiques indépendants du sexe (hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète, tabagisme, obésité, alimentation inadéquate et sédentarité), étant entendu que ces facteurs de risque individuels ont un impact plus important sur le risque cardiovasculaire des femmes que sur celui des hommes. Ainsi, chez les femmes diabétiques, le risque de développer une maladie coronarienne est jusqu'à 44% plus élevé que chez les hommes, et le risque d'infarctus du myocarde est jusqu'à 30% plus élevé. Chez les femmes souffrant d'hypertension, le risque d'hypertrophie ventriculaire gauche est plus élevé et, souvent, cette hypertrophie ventriculaire gauche est moins réversible par le traitement. La fibrillation auriculaire est légèrement moins fréquente chez les femmes, mais elle entraîne un risque plus élevé d'accident vasculaire cérébral chez elles. Cela se traduit par le score CHA2DS2-VASc, où le sexe féminin donne lieu à un point, tandis qu'aucun point supplémentaire n'est attribué au sexe masculin. "En outre, une vaste méta-analyse portant sur plus de 60.000 patients a démontré que la mortalité cardiovasculaire, le risque d'événements cardiovasculaires (autres que l'accident vasculaire cérébral) et le risque d'insuffisance cardiaque sont plus élevés chez les femmes souffrant de fibrillation auriculaire", indique le Dr De Caluwé. "La cause exacte de cette différence n'est pas claire, mais quoi qu'il en soit, cela montre qu'un traitement agressif adéquat des facteurs de risque chez les femmes est tout aussi important que chez les hommes".Un facteur de risque cardiovasculaire moins connu est la migraine avec aura. Celle-ci est associée à un risque accru d'événements cardiovasculaires sévères, tels que l'accident vasculaire cérébral, l'angor, l'infarctus du myocarde et le décès d'origine cardiovasculaire. Le risque cardiovasculaire associé à la migraine avec aura est similaire chez les femmes et les hommes, mais cette affection est trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Eva De Caluwé commente: "Dans les lignes directrices de la Société européenne de cardiologie (ESC), la migraine avec aura figure parmi les facteurs de risque à prendre en compte pour déterminer le risque cardiovasculaire global. En outre, le texte de consensus recommande la prudence lors de l'instauration d'une contraception hormonale."Après les facteurs de risque classiques indépendants du sexe, le risque cardiovasculaire des femmes est également déterminé par des facteurs de risque dépendants du sexe. Ainsi, les facteurs de risque bien connus sont l'hypertension gestationnelle et le diabète, ainsi que les fausses couches à répétition, les naissances prématurées et l'insuffisance pondérale de l'enfant. "Une déclaration de consensus publiée dans l'European Heart Journal recommande que les femmes ayant eu une grossesse compliquée continuent d'être suivies de près par la suite", souligne le Dr De Caluwé. "Par exemple, il est conseillé à une femme souffrant d'hypertension gestationnelle d'acheter un tensiomètre. Les femmes souffrant de diabète gestationnel doivent non seulement être suivies de près pendant leur grossesse, mais il leur est également recommandé de refaire un test HGPO quatre à douze semaines après avoir accouché. Ensuite, il est préférable qu'elles réalisent un dépistage tous les deux ans."Parmi les autres facteurs de risque cardiovasculaire liés au sexe figurent les maladies endocriniennes, telles que les ovaires polykystiques, l'insuffisance ovarienne prématurée et l'endométriose. Là encore, un suivi cardiovasculaire est nécessaire, avec un traitement médicamenteux adéquat des facteurs de risque, parallèlement à une incitation à adopter un mode de vie sain. "Chez les femmes présentant des facteurs de risque liés à la grossesse ou d'autres facteurs de risque liés au sexe, la Société européenne de cardiologie recommande un dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire", résume la cardiologue. Enfin, il existe de nombreux facteurs de risque socio-économiques moins connus auxquels les femmes sont particulièrement exposées, comme la violence intraconjugale. Les victimes de violence et d'abus sont souvent beaucoup plus stressées, ce qui peut les inciter à consommer davantage d'alcool et à fumer plus. En outre, ces femmes sont moins enclines à rechercher une aide médicale. Lorsque les femmes sont victimes d'un infarctus du myocarde, leur pronostic est moins bon que celui des hommes. Pendant la phase d'hospitalisation, la mortalité est jusqu'à deux fois supérieure à celle des hommes. La mortalité après un an est 1,5 fois supérieure à celle des hommes. Même après plusieurs années, la mortalité après un infarctus reste plus élevée chez les femmes. Cette différence s'explique notamment par le fait que - comme déjà évoqué ci-dessus - les femmes sont plus âgées que les hommes lorsqu'elles développent un infarctus du myocarde et qu'elles présentent souvent davantage de comorbidités. Une femme qui subit un arrêt cardiaque en dehors de l'hôpital a moins de chances d'être réanimée et de survivre à cette réanimation. Cela s'explique en partie par le fait que les femmes sont moins bien encadrées socialement lorsqu'elles sont âgées, et entre autres parce qu'elles survivent plus souvent que les hommes à leur partenaire. On note également que les femmes sont moins susceptibles que les hommes d'avoir un rythme 'choquable', tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'hôpital: elles présentent plus souvent une asystolie, auquel cas les chances d'une réanimation réussie sont de toute façon plus faibles que dans le cas d'une fibrillation ventriculaire, par exemple. "On dit aussi que le tableau clinique des incidents cardiaques est plus souvent atypique chez les femmes", explique le Dr De Caluwé. "Mais ce n'est pas tout à fait exact: des études montrent que les femmes souffrant d'un infarctus du myocarde signalent presque aussi souvent une douleur thoracique, mais il est vrai qu'elles ont généralement plus de symptômes accompagnateurs et qu'elles tendent à mentionner ceux-ci en premier lieu, au détriment des symptômes typiquement cardiaques. Elles induisent ainsi le médecin en erreur. Dans une vaste étude américaine portant sur près de 2.000 patients, les femmes présentaient significativement plus de palpitations et de troubles gastro-intestinaux que les hommes. Ce ne sont pas des plaintes qui font penser immédiatement à un infarctus du myocarde."Une étude britannique a montré que les femmes présentant un ECG évocateur d'un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI) étaient plus susceptibles que les hommes présentant le même ECG d'être initialement transférées dans un hôpital ne disposant pas d'un laboratoire de cathétérisme. De ce fait, elles ne sont souvent transférées que dans un second temps, de façon que la revascularisation soit indûment retardée. Non seulement la perception du médecin, mais aussi celle de la patiente elle-même, joue un rôle dans le pronostic plus défavorable des femmes victimes d'un infarctus. Le Dr De Caluwé détaille: "Il est ressorti de l'étude susmentionnée portant sur quelque 2.000 patients que les femmes hospitalisées avec un infarctus du myocarde écartent plus souvent que les hommes l'infarctus du myocarde comme cause de leurs symptômes. Par exemple, elles étaient deux fois plus nombreuses à attribuer leur malaise au stress. Elles se présentaient donc à l'hôpital beaucoup plus tard."Dans la population des patients victimes d'un infarctus du myocarde sans facteur de risque, les femmes ont un pronostic plus défavorable que les hommes. Elles reçoivent moins de médicaments typiquement prescrits après une crise cardiaque (aspirine, clopido- grel, bêta-bloquants, statines, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine). Et Eva De Caluwé de préciser qu'après un infarctus du myocarde, les femmes devraient recevoir la même quantité de médicaments que les hommes, même si elles ne présentent pas de facteurs de risque.