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Carl et Yaya, jeune couple de mannequins influenceurs, vit par procuration (et donc invitation) dans un monde de luxe et d'argent. Embarqué sur une croisière des plus onéreuses, ils y évoluent au milieu de couples de super-riches américains, anglais ou russes, servis par un équipage où le code couleur de peau marque la distinction entre les différents grades: aux Blancs le service, aux Asiatiques le nettoyage et aux Noirs la salle des machines. Tous sont esclaves de cette clientèle en espérant au final un hypothétique ruissellement. Mais voilà que le soir du dîner du capitaine qui se prétend marxiste-léniniste, les vagues ruissellent et frappent le hublot. Le roulis s'installe, les clients défaillent, remettent... le couvert et le personnel écope.... Fable féroce distillée avec un humour poker face, très scandinave genre sourire gelé, Triangle of sadness - traduit négligemment par Sans filtre, combine à la fois le visuel à la Tati, une absurdité à la Wes Anderson voire un mauvais goût salutaire digne d'un Monty Python. Les scènes notamment de la tempête et du raz- de-marée de vomi sont d'anthologie, et même si le film, drôle, grinçant, et édifiant en trois actes est trop long - à l'instar des discours de Fidel Castro, ce conte ou Compte de la folie financière ordinaire porté par des acteurs formidables et guidés par une direction d'acteurs irréprochable, fait mouche (comme Le Seigneur des... qu'il rappelle) dans sa dénonciation d'une humanité corrompue par l'argent où, même lorsque les rôles et la pyramide sociale s'inversent, que la survie est en jeu, la nourriture, l'eau, tout ce qu'il y a désormais de plus précieux... ainsi que la sexualité continuent à se monnayer... "toute chose étant égale par ailleurs".