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Dans un monde idéal, nous ne détecterions plus que les cancers de la prostate agressifs, pour lesquels le traitement apporte un bénéfice en termes de survie. "Le surtraitement est aussi néfaste que le sous-traitement", estime le Pr Wouter Everaerts, urologue à l'UZ Leuven. Il passe en revue un certain nombre de changements dans la prise en charge du cancer de la prostate. La plupart des cancers de la prostate sont asymptomatiques et sont découverts par hasard, à la suite d'un dépistage opportuniste montrant des taux sériques élevés d'antigène prostatique spécifique (PSA). D'autres patients se plaignent de troubles urinaires, à la suite desquels un examen plus approfondi permet d'établir le diagnostic. Très occasionnellement, des hommes se présentent avec des douleurs osseuses dues à un carcinome prostatique déjà métastatique. "Il ne s'agit pas toujours d'hommes âgés. Les quinquagénaires (avec ou sans prédétermination génétique) peuvent également développer une forme agressive de cancer de la prostate", précise le Pr Everaerts. L'objectif du dépistage est de détecter et de traiter le cancer de la prostate à un stade précoce. Cependant, le test PSA présente plusieurs inconvénients. D'une part, il donne un grand nombre de faux positifs, ce qui entraîne des examens, des préoccupations et des coûts inutiles. D'autre part, beaucoup d'hommes se voient attribuer l'étiquette de 'patient oncologique' alors que leur cancer de la prostate est en fait inoffensif. Des interventions inutiles ont alors lieu, affectant parfois la qualité de vie. Malheureusement, même avec le dépistage, les formes les plus agressives du cancer de la prostate entraînent la mort. Le dépistage du cancer de la prostate suscite de nombreuses controverses et incertitudes. Wouter Everaerts renvoie à l'outil d'aide décisionnel du KCE [1] et donne quelques conseils. "Le KCE pèse soigneusement le pour et le contre du dépistage du cancer de la prostate. Si vous dépistez 1.000 hommes et les suivez pendant 15 ans, vous évitez statistiquement deux décès liés au cancer de la prostate. En revanche, 25 hommes reçoivent un diagnostic qu'ils n'auraient autrement reçu que bien plus tard, voire jamais. C'est un équilibre à trouver, et chacun le voit différemment", reconnaît le Pr Everaerts. "Les conseils personnalisés sont essentiels. Avec un homme de 55 ans en bonne santé qui souhaite un examen pour le cancer de la prostate, vous pouvez discuter du dépistage. Il en va de même pour les hommes porteurs d'une mutation BRCA2. Par ailleurs, chez une personne de 68 ans souffrant d'insuffisance cardiaque en phase terminale, les inconvénients d'un éventuel diagnostic ne l'emporteront pas sur les avantages potentiels."Le 'bon patient' est âgé de 50 à 70 ans et en bonne santé. "Chez les plus de 75 ans (asymptomatiques), nous n'effectuons plus de test PSA: le risque de surdiagnostic est beaucoup trop élevé", ajoute l'urologue. L'interprétation d'un test anormal est également importante. Une hyperplasie bénigne de la prostate peut augmenter le taux de PSA sans être cancéreuse. Il en va de même pour une infection, une inflammation, un acte médical, etc. "En cas de test sérique initial anormal, je recommande toujours de mesurer à nouveau le PSA trois mois plus tard. Une analyse d'urine et un toucher rectal sont alors également utiles [2] et éventuellement une échographie. Si les examens sont normaux et que les valeurs se normalisent lors du deuxième test, vous pouvez rassurer le patient et vous n'avez pas à le référer."Qu'en est-il de l'intervalle de dépistage? "En Belgique, nous voyons beaucoup de tests PSA annuels, mais il y a peu de preuves à ce sujet. Contrairement au suivi après un cancer de la prostate, la fréquence recommandée pour le dépistage est tous les deux ans. De plus, si le PSA est très bas, c'est-à-dire ? 1 ng/ml à 50 ans ou ? 2 ng/ml à 60 ans, le risque de mortalité par cancer de la prostate est à tel point négligeable que l'on peut sans risque porter l'intervalle à huit ans", note le Pr Everaerts. Si le taux de PSA dépasse 4 ng/ml (jusqu'à deux fois), ou si l'anamnèse ou les examens indiquent la possibilité d'une tumeur maligne, le patient doit être référé à un spécialiste. "Auparavant, tous ces hommes subissaient une biopsie. Nous devions ponctionner la prostate à l'aveugle, car nous n'avions pas d'imagerie fiable". Heureusement, l'IRM a changé la donne, avec un double avantage: "La sensibilité de détection des cancers de la prostate significatifs est très élevée. Si nous voyons une lésion, nous pouvons piquer de manière ciblée. Par ailleurs, l'IRM ne détecte pas les petites tumeurs de bas grade, ce qui est une bonne chose, car nous ne voulons pas les trouver", explique Wouter Everaerts. L'IRM fait partie de la mise au point et ne fait donc pas partie du dépistage (de première ligne). "Néanmoins, il est très important de respecter le bon ordre des examens", estime le spécialiste. Dans le cadre du diagnostic vient ensuite la biopsie de la prostate, qui a également connu une évolution importante: "Ces dernières années, nous avons assisté à un glissement progressif vers la biopsie transpérinéale. En évitant de percer le rectum avec l'aiguille, le risque de complications infectieuses diminue considérablement."La radiothérapie et la chirurgie peuvent être utilisées pour les tumeurs localisées de la prostate. "Nous nous orientons de plus en plus vers la chirurgie robotique mini-invasive. Les résultats sont équivalents sur le plan oncologique, mais sur le plan fonctionnel, la chirurgie robotique entraîne moins de pertes de sang, moins de douleurs et des séjours hospitaliers beaucoup plus courts. En ce qui concerne l'incontinence et la dysfonction érectile, les avantages par rapport à la chirurgie ouverte sont plus limités", commente le Pr Everaerts. La radiothérapie sera quant à elle 'hypofractionnée'. La toxicité n'est pas très différente, mais la réduction de la durée du traitement est plus pratique pour le patient. Un tournant majeur dans la prise en charge des cancers de la prostate non agressifs est que l'on retarde de plus en plus le traitement: "Les tumeurs présentant un risque faible ou faible-intermédiaire font l'objet d'un suivi actif (avec des tests PSA répétés, des IRM ou des biopsies). Ce n'est qu'en cas de progression que nous intervenons sur le plan thérapeutique. L'étude Protec T [3] prouve que cette approche est aussi sûre et efficace que la chirurgie ou la radiothérapie immédiate. Nous gagnons souvent de nombreuses années sans traitement, avec des fonctions sexuelles et urinaires intactes", souligne le Pr Everaerts. "Parfois, nous procédons à un traitement plus précoce, pour des raisons psychologiques. Je laisse toujours les patients en discuter avec leur médecin généraliste, qui est le mieux placé pour leur donner des conseils personnalisés."Pour les variantes métastatiques, l'hormonothérapie reste la pierre angulaire du traitement, mais elle est de plus en plus combinée avec d'autres traitements (agents ciblant les récepteurs des androgènes, chimiothérapie, radionucléides et éventuellement radiothérapie des métastases). Le traitement hormonal, ou castration chimique, se fait par l'injection de préparations à libération contrôlée, qui suppriment la production de gonadotrophines par l'hypophyse pendant une longue période. "La façon de dissoudre le produit et d'administrer l'injection est importante", fait remarquer le Pr Everaerts. "Si le PSA augmente sous traitement hormonal, le premier réflexe devrait être de déterminer le taux de testostérone, afin de confirmer que le patient est bien castré." Lorsque la progression de la tumeur (avec augmentation parallèle du PSA) se produit malgré une castration adéquate, on parle d'un carcinome de la prostate résistant à la castration et une ligne de traitement suivante sera associée à l'hormonothérapie. Les patients doivent être informés par rapport aux effets secondaires. Une approche multidisciplinaire est essentielle. "Tant pour l'incontinence que pour la dysfonction érectile, qui sont des complications fréquentes après la chirurgie, nous pouvons aujourd'hui proposer de bonnes solutions. Les hommes peuvent également souffrir de problèmes d'irradiation au niveau de la vessie et de l'intestin. Dans un cas sur dix, ces symptômes persistent après le traitement par radiothérapie. Très occasionnellement, nous observons des complications tardives, telles que la radiocystite et la radiorectite."Les médecins de la première ligne ont également un rôle de taille à jouer dans le suivi oncologique après le traitement. "Nous suivons généralement nos patients pendant deux ans. Ensuite, si la valeur du PSA est rassurante, nous passons le flambeau au médecin généraliste. Comme le cancer de la prostate peut aussi récidiver plusieurs années après, le PSA devrait être suivi en permanence, annuellement. Après la chirurgie, il doit être pratiquement impossible à doser dans le sang, si bien qu'un renvoi en seconde ligne s'impose dès que le test sérique indique une valeur de PSA > 0,2 ng/ml. À ne pas confondre avec le seuil de 4 ng/ml, qui s'applique au dépistage", précise Wouter Everaerts. "Après la radiothérapie, on parle de récidive s'il y a un 'nadir + 2', c'est-à-dire la valeur de PSA la plus basse mesurée après le traitement, + 2."Les thérapies systémiques sont largement connues pour provoquer toute une série d'effets secondaires. Ceux-ci vont des bouffées de chaleur et de la perte de libido à une fatigue persistante, en passant par les complications cardiovasculaires, le surpoids et l'ostéoporose. "Il est judicieux de promouvoir une alimentation saine, de surveiller le taux de cholestérol et la tension artérielle, de programmer une ostéodensitométrie tous les deux ans et de motiver vos patients à faire de l'exercice, par exemple au moyen d'un programme d'activités. Les associations de patients 'Wij Ook' et 'Think Blue' fournissent également souvent des conseils et un soutien précieux", conclut le Pr Everaerts.