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Qui, du lièvre ou de la tortue, a raison sur le plan de la santé? Deux études publiées dans European Heart Journal(1) donnent un avantage à la stratégie d'intensité plus élevée privilégiée par le lièvre, constatent Charles Matthews et Pedro Saint-Maurice (NCI, USA) dans leurs commentaires: "Dans la première étude, Ahmadi et ses collègues rapportent, de manière provocante, que la pratique de petites quantités d'activité physique d'intensité vigoureuse, aussi peu qu'une à neuf minutes/semaine (< 1,4 min/jour! ) par rapport à rien, peut réduire le risque de mortalité à cinq ans de près de 50%. Dans la seconde, Dempsey et al. rapportent un risque plus faible de maladie cardiovasculaire (MCV) pour des niveaux plus élevés de dépenses d'énergie liées à l'activité physique. Ces travaux méritent d'être salués pour avoir mené des analyses épidémiologiques rigoureuses." Ces deux études ont inclus des adultes âgés de 40 à 69 ans issus de la UK Biobank, à qui on a demandé de porter un capteur d'activité au poignet pendant une semaine (mesure objective du mouvement et de l'activité sporadique au cours de la journée). La première étude a porté sur 71.893 adultes sans maladie cardiovasculaire ni cancer. L'équipe de Matthew Ahmadi (université de Sydney, Australie) a mesuré la quantité totale d'activité vigoureuse hebdomadaire et la fréquence des épisodes de deux minutes ou moins pendant la semaine au cours de laquelle les participants ont porté un bracelet connecté, et les a suivis pendant environ sept ans. Les chercheurs ont analysé les associations entre le volume et la fréquence de l'activité vigoureuse et les décès (toutes causes confondues, MCV et cancers) et l'incidence des maladies cardiovasculaires et des cancers, après exclusion des événements survenus au cours de la première année. Résultats? Les participants qui n'ont fait aucune activité vigoureuse avaient un risque de 4% de mourir dans les cinq ans, mais ce risque était réduit de moitié pour ceux ayant pratiqué moins de dix minutes d'activité physique hebdomadaire, et tombait à 1% pour 60 minutes ou plus. En ce qui concerne la fréquence, l'accumulation de courtes périodes (jusqu'à deux minutes) d'activité intense quatre fois par jour était associée à une réduction de 27% du risque de décès. Mais des bénéfices pour la santé ont été observés à des fréquences encore plus faibles: dix courtes périodes d'activité par semaine étaient associées à une réduction de 16% du risque de MCV et de 17% de celui du cancer. Dans l'ensemble, les chercheurs ont estimé que le fait de pratiquer une activité physique intense pendant 15 à 20 minutes par semaine, pratiquée pendant de courtes périodes, était lié à une réduction du risque de décès de 16 à 40%, avec des bénéfices supplémentaires observés jusqu'à 50-57 min/semaine. "Il n'est pas surprenant que plus on passe de temps à pratiquer une activité physique intense (APV), plus le bénéfice en termes de longévité est important", admet Matthew Ahmadi. Or, seuls 20% des adultes d'âge moyen à avancé déclarent pratiquer une APV pendant au moins 15 minutes. "La participation durable à une activité physique de loisir exige un engagement considérable en termes de temps et souvent d'argent (...) Même s'ils n'ont pas le temps d'aller à la salle de sport, l'étude montre qu'il est possible d'obtenir des avantages pour la santé à partir d'activités quotidiennes (marche, jardinage, tâches ménagères), car les exercices de courte durée peuvent s'additionner. Et toute activité peut être pratiquée à un rythme plus rapide ou à une intensité plus élevée pendant de courtes périodes", conclut-il. La deuxième étude a porté sur 88.412 adultes exempts de maladies cardiovasculaires, suivis pendant environ sept ans. Paddy Dempsey (université de Cambridge) et ses collègues ont estimé le volume et l'intensité de l'activité physique, puis ont analysé leur association avec les MCV incidentes (cardiopathie ischémique ou maladie cérébrovasculaire). Après avoir analysé les données de la semaine pendant laquelle ces sujets ont porté les capteurs d'activité, les chercheurs ont constaté que la pratique d'une activité physique plus intense était liée à une réduction des maladies cardiovasculaires, même sans augmentation du temps d'exercice. Ainsi, le taux de MCV était inférieur de 14% lorsque l'activité modérée à vigoureuse représentait 20% plutôt que 10% de l'activité totale, ce qui équivaut à convertir une promenade de 14 minutes en une marche rapide de sept minutes. "Notre étude montre que ce n'est pas seulement la quantité d'activité, mais aussi l'intensité, qui est importante pour la santé cardiovasculaire. Ce qui ne signifie pas que le temps total passé à bouger n'est pas important: les personnes présentant les taux les plus bas de MCV sont celles qui avaient fait plus d'activité physique dans l'ensemble, et le plus de façon modérée à vigoureuse", souligne Paddy Dempsey. " Les recommandations actuelles en matière d'activité physique reposent sur l'idée que le lièvre et la tortue peuvent tous deux gagner la course vers une meilleure santé, mais les études provocantes présentées dans l'European Heart Journal donnent l'avantage à l'approche plus intensive du lièvre", résument les éditorialistes en souhaitant que ces résultats soient confirmés par de futures études.