Dans une crise comme celle du coronavirus, mieux vaut être paré à toutes les éventualités. Les premiers mois de la campagne de vaccination ont été marqués par un certain nombre de difficultés d'approvisionnement, et les fabricants en ont tiré les leçons. Ils s'efforcent aujourd'hui de se préparer le mieux possible à passer si nécessaire à un nouveau vaccin... mais personne ne peut garantir que tout se passera sans accrocs.
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Dans l'hypothèse où un vaccin donné se retrouverait en rupture de stock, une solution possible est de compléter le schéma de vaccination au moyen d'un autre produit. On parle alors d'une vaccination hétérologue - une approche dont la recherche a démontré dès l'été dernier la capacité à générer une réponse lymphocytaire B et T marquée voire comparable à celle obtenue avec deux doses d'un vaccin à ARNm, et qui ne semble pas présenter de problèmes de sécurité. Entre-temps, d'autres données démontrent que la protection obtenue après un schéma hétérologue est aussi bonne qu'après deux doses d'un vaccin à ARNm. L'occasion d'étudier la question s'est présentée d'elle-même lorsqu'un certain nombre de pays ont décidé de suspendre ou à tout le moins de limiter l'administration du vaccin Astra-Zeneca en raison d'effets secondaires rares mais extrêmement impressionnant. De ce fait, un certain nombre de personnes vaccinées une première fois avec le produit d'Astra-Zeneca ont reçu en guise de seconde dose un vaccin à ARNm. Trois études ont comparé le schéma homologue au schéma hétérologue dans plusieurs populations et à différents points dans le temps... et force est bien d'admettre que le second a passé l'épreuve avec brio! L'une des études a été réalisée en Suède, où le gouvernement a décidé en mars de cette année de limiter l'administration du vaccin Astra-Zeneca aux plus de 65 ans. En conséquence, plus de 100.000 personnes ont reçu une dose du vaccin Astra-Zeneca suivie d'une dose d'un vaccin à ARNm, celui de Pfizer ou celui de Moderna. Grâce à des données provenant du registre de santé national, leurs données pu être comparées à celles d'individus non vaccinés. Conclusion? En comparaison avec ces derniers, les personnes qui avaient reçu deux doses du vaccin Astra-Zeneca présentaient un risque inférieur de 50% de développer une infection Covid-19 symptomatique... et pour le schéma hétérologue, la différence atteignait même 68%. Au Danemark, où l'utilisation du vaccin Astra-Zeneca a été suspendue au mois d'avril, une étude a pu être réalisée sur plus de cinq millions de personnes, dont environ 137.000 avaient bénéficié d'un schéma de vaccination hétérologue. Il ressort des résultats que ce dernier abaisse de 88% le risque d'infection par le Sars-CoV-2 (confirmée par PCR) en comparaison avec l'absence de vaccination. Cette réduction du risque est comparable à celle obtenue après deux doses d'un vaccin à ARNm. Enfin, une étude française a comparé un groupe de 2.500 prestataires de soins vaccinés au moyen de deux produits différents à 10.000 autres qui avaient reçu deux doses du vaccin Pfizer. Dans le groupe qui avait bénéficié du schéma hétérologue, le risque d'infection était moitié moindre que dans celui qui avait reçu le schéma homologue. Les résultats du schéma hétérologue pourraient donc être supérieurs à ceux d'un schéma reposant sur deux doses d'un vaccin à ARNm. Certains experts l'expliquent par le fait que les vaccins à ARNm et à vecteur viral stimulent l'immunité d'une manière différente. En combinant les deux, on mobiliserait donc un répertoire immunitaire plus large et par conséquent plus efficace. Une propriété qui pourrait s'avérer extrêmement précieuse pour la vaccination des personnes avec une réponse immunitaire affaiblie...