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Natif de Delft, Vermeer ne quittera jamais sa cité du sud de la Hollande, république alors en conflit ouvert avec la puissante Espagne. Né en 1632, ce fils de marchand d'art et qui le sera également durant sa carrière d'artiste, devint un notable célébré de la cité, président de la Guilde de Saint-Luc (corporation des peintres) locale, ce qui ne l'empêcha pas d'accumuler les dettes et de mourir de stress à 43 ans à peine. Et s'il n'est pas prouvé formellement que Vermeer ait été converti au catholicisme, il est certain par contre que, suite à son mariage avec Catharina Bolnes, il déménagea d'ailleurs dans le quartier dévolu aux "papistes". À sa mort par contre, il fut enterré dans la Oude Kerk, ancienne église catholique devenue réformée. L'exposition présente une centaine d'objets (porcelaines de Delft vues dans les tableaux), documents (acte de naissance, par exemple), tapisserie aperçue elle aussi dans les rares de toiles de Vermeer, dessins de Bramer, collègue et aîné de Johan, et bien sûr quantité de toiles. L'on peut ainsi découvrir une crucifixion de Jacob Jordaens, magnifique, qui trôna sans doute dans l'intérieur de la famille Vermeer, laquelle compta 15 enfants, ce qui explique peut-être la rareté des oeuvres de l'artiste (qui furent oubliées pendant deux siècles: "La jeune fille à la perle" fut achetée deux florins cinquante par le Rijksmuseum, fin 19e). On remarque également l'influence de Van Baburen, dont "L'entremetteuse" en 1622 évoque immanquablement celle de Vermeer, 30 ans plus tard. La perspective, étudiée notamment au travers des vues intérieures de la Nieuwe Kerk par Houckgeest ou van Vliet, collègues peintres de Vermeer, démontre l'influence de son entourage sur la peinture de Vermeer, palpable également au travers des oeuvres de Palamedesz, qui fait preuve d'une grande maîtrise de la lumière du dehors dans ses intérieurs, que ce soit "Un peintre fumant devant son chevalet" ou une scène d'une "Joyeuse compagnie dînant et jouant de la musique". Peintre que l'on retrouve dans les carreaux de Delft exposés (et aussi présents dans les toiles de Vermeer), au côté de van Frijtom, lesquels dépeignent des paysages, des scènes quotidiennes ou la mort du prophète de Juda tué par un lion. L'occasion, par ailleurs, d'admirer plus loin dans cette exposition un bouquet de fleurs de Maria van Oosterwijck, son portrait par un collègue et un mariage villageois joliment décrit par Jan Steen. Certaines de ces toiles se retrouvent en arrière fond des peintures de Vermeer (un paysage de van Groenewegen décore le couvercle de l'instrument dans le tableau "Une dame debout au virginal"), mais pas celles de Hooch son contemporain qui s'essaie également aux intérieurs ("Homme lisant une lettre à une femme") avec beaucoup de coeur mais moins de virtuosité. Évoquant la ville en tant que sujet, l'exposition illustre l'implication de Vermeer en tant que membre de la milice de défense qui démontre son statut de notable, sa popularité (le diplomate et médecin français Balthasar de Monconys raconte dans son "Journal de Voyages" avoir fait, alors qu'il est en poste aux Pays-Bas, la route de La Haye à Delft à deux reprises: la première pour voir la tombe de Guillaume le Taciturne, l'autre afin de visiter le génie delftois) et son intérêt pour les recherches scientifiques de certains de ses concitoyens (comme Antoni Van Leeuwenhoek, qui améliore grandement la puissance du microscope), cette expo intéressante, plus historique tout en conservant un volet artistique, illustre le lien très fort qui unissait ce génie artistique à sa ville natale. Car Johan Vermeer était véritablement bleu.... de Delft.