...

En Belgique francophone, la Croix-Rouge de Belgique - Communauté francophone est également la principale instance, mais deux banques de sang de moindre envergure sont activement liées aux réseaux hospitaliers. En Flandre, nous sommes responsables de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en sang et en plasma, de la recherche de donneurs à la livraison aux hôpitaux. Une partie de notre stock de plasma n'est pas directement fournie aux hôpitaux, mais comme matière première à une firme pharmaceutique qui en tire une série de produits: facteurs de coagulation, immunoglobulines, albumine...", entame Philippe Vandekerckhove. L'évolution de la médecine diminue d'année en année le recours aux transfusions de globules rouges. En revanche, la demande de produits plasmatiques augmente fortement. "C'est un phénomène mondial. À mesure que les pays se développent, ils offrent de meilleurs soins médicaux à leurs citoyens. Le prix des dérivés de plasma augmente à un rythme effréné. La demande d'immunoglobulines, en particulier, continue à croître dans les pays industrialisés."En 2017, Maggie De Block, alors ministre de la Santé publique, rédige le tout premier appel d'offres public pour le traitement des dérivés de plasma collecté. Le ministre Vandenbroucke a prolongé ce système. "Nous nous trouvons dans la deuxième adjudication de quatre ans. Le ministre détermine la quantité de plasma que la Croix-Rouge et les autres institutions doivent fournir et le prix qu'elles perçoivent. Initialement, la quantité totale à fournir représentait environ 50% de l'utilisation de produits plasmatiques en Belgique. On a également établi que la quantité à livrer augmenterait de 5% par an. Reste à voir si cela suffit à répondre à l'augmentation des besoins. Quoi qu'il en soit, cette approche est positive. Les dérivés de notre plasma profitent aux patients belges. Cela nous permet de contrôler assez bien le prix des produits plasmatiques en Belgique. Certains pays européens ont quasiment cessé de collecter leur plasma. Ils doivent l'acheter sur le marché mondial à des prix très élevés. Les pays riches et industrialisés comme la Belgique ont intérêt à organiser leur collecte de plasma. Ils n'ont pas besoin d'augmenter encore un peu plus la pénurie mondiale.""Ces dernières années, nous remarquons une différence entre les IgIV et les IgSC - respectivement les immunoglobulines injectées par voie intraveineuse et par voie sous-cutanée. Les IgIV sont administrées en milieu hospitalier, tandis que les IgSC peuvent être utilisées en ambulatoire, par exemple pour traiter des enfants à domicile. Les IgSC n'étaient pas reprises dans la première adjudication. Le gouvernement n'a pas pu en contrôler le prix comme il l'a fait pour les IgIV. C'est un aspect dont il faudra sans doute tenir compte la prochaine fois."La Belgique parvient à couvrir assez largement ses propres besoins en plasma grâce à sa longue tradition de dons bénévoles de sang et de plasma. "Je tiens à remercier les nombreux donneurs qui continuent fidèlement à offrir régulièrement leur sang ou leur plasma, depuis des années. Ce principe du bénévolat et de la solidarité a assuré la sécurité et la stabilité du système", assure le Pr Vandekerckhove. "Les dons de sang bénévoles reposent sur le civisme. Les gens connaissent quelqu'un qui a eu besoin de sang ou de plasma et ils prennent l'initiative d'en faire don. Ou bien leurs parents leur transmettent cette habitude dès leur plus jeune âge. Ils comptent sur le fait que quand ils en auront eux-mêmes besoin, d'autres afficheront la même solidarité."Il n'a pas toujours été évident de maintenir cette tradition. Un nouveau règlement européen sur les dons de produits sanguins (parmi lesquels le sang et le plasma) va bientôt entrer en vigueur. Ce règlement combine et remplace les directives européennes qui datent du début du siècle. "Certaines firmes pharmaceutiques ont profité des discussions préparatoires pour signaler qu'elles pourraient recruter des donneurs - essentiellement de plasma - moyennant rémunération. Des organisations de différents pays, parmi lesquelles la Croix-Rouge belge, n'étaient pas d'accord. Nous avons également fait une présentation aux membres du parlement européen pour leur expliquer cette matière complexe. L'introduction d'un système rémunéré aurait de nombreux effets négatifs. La recherche indique que le plasma issu de donneurs bénévoles est plus sûr que celui obtenu contre paiement. C'est logique. Nos donneurs sont mus par le souhait d'aider les autres. En payant les donneurs, en revanche, on attire des personnes qui ont vraiment besoin de cet argent et qui ne sont peut-être pas franches à certains égards, par exemple quant à leur consommation de drogues.""Pendant la pandémie, tout le système américain, qui rémunère les donneurs de plasma, s'est effondré. On ne trouvait plus suffisamment de candidats. Chez nous, la demande de sang complet a diminué pendant la pandémie, puisque les soins non urgents étaient reportés. Nous sommes toutefois parvenus à convaincre nos donneurs de sang d'offrir leur plasma. Notre méthode a beaucoup mieux résisté au choc de la pandémie.""Le nouveau règlement européen a abouti à un compromis. Nous aurions souhaité que l'UE opte clairement pour des dons bénévoles, mais l'Allemagne, entre autres, s'y opposait. À un moment donné, pour l'une ou l'autre raison, cette nation, grande et puissante, a adopté un système qui rémunère les donneurs. Les Allemands affirment ne pas pouvoir revenir en arrière. Ils ne parviennent pas à revenir à un système basé sur le volontariat. Une étude le confirme: plus de 70% des donneurs allemands ne sont pas disposés à donner leur sang s'ils ne sont plus payés. Cela montre que l'introduction d'un système payant est une voie à sens unique. Dans ces conditions, le don de sang ou de plasma n'est plus un acte de civisme, mais une transaction financière qu'on ne peut plus supprimer. Le règlement européen prévoit donc la possibilité d'offrir une "compensation" aux donneurs. Les pays disposent d'une marge pour définir ce que représente une compensation à leurs yeux. Ce que nos inspecteurs de l'AFMPS interpréteraient comme un ''paiement'' est toléré par les inspecteurs allemands." Le règlement européen doit permettre à l'Europe de produire plus de plasma. "Si de nombreux pays européens sont très dépendants de l'import de produits plasmatiques, c'est à cause de la politique de l'UE: elle a ouvert les frontières en 1993 pour laisser jouer le libre marché, y compris pour les produits pharmaceutiques et donc les dérivés plasmatiques. Cela a permis aux États-Unis, qui avaient alors une production excédentaire, de déverser leurs produits sur le marché européen. La collecte intérieure de plasma s'est arrêtée dans de nombreux pays. Le nombre de donneurs a également diminué en Belgique - jusqu'à 30% il y a 15 ans. Mais, appréhendant ce qui se passait sur le marché mondial, nous avons décidé d'inverser la tendance, avec succès, grâce à l'aide du gouvernement.""La Belgique doit élaborer une stratégie afin d'élargir la base de donneurs bénévoles. Nous allons ouvrir de nouveaux centres de plasmaphérèse, en assurant leur bonne répartition géographique, et optimiser le fonctionnement des centres qui existent déjà. Le don de plasma dure plus longtemps que le don de sang, mais les donneurs récupèrent une grande partie de leur sang et sont donc à l'abri d'une carence en fer. Nos donneurs peuvent offrir leur plasma plus souvent que ce n'est le cas actuellement. La plupart d'entre eux s'exécutent quatre fois par an.""Les personnes confrontées à un besoin de sang ou de plasma sont aussitôt convaincues de l'importance des dons. Les associations de patients, plus particulièrement les associations de parents dont l'enfant souffre d'une affection congénitale, sont de fervents partisans de nos collectes de plasma. Les médecins peuvent également nous aider à promouvoir les dons de plasma.""Nous organisons les collectes avec l'argent que nous percevons pour nos produits - cela nous permet de payer le personnel, les frais de matériel, etc. On me demande souvent s'il n'est pas difficile de travailler avec un budget aussi restreint. Si nous ne nous en sortons pas, nous devons convaincre le ministre de fixer un prix plus élevé par litre de plasma, avec des arguments solides. D'autre part, nous travaillons de facto avec un système standardisé. Les experts du Conseil supérieur de la santé définissent la qualité que nous garantissons, les tests que nous effectuons automatiquement, par exemple. Des collègues américains m'ont dit que chez eux, les gestionnaires des hôpitaux commençaient à négocier le prix des produits. Ils choisissent de manière sélective ce qu'ils achètent et demandent à ce qu'on ne procède pas à certains tests pour réduire les coûts. Cela crée une variété de demandes qui complique le processus de production et, paradoxalement, fait grimper les prix."