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Comme chaque année depuis 2015, 1.120 de Belges francophones ont répondu à plus de 200 questions pour livrer leur ressenti sur leurs conditions de vie (logement, travail, culture, etc.), leur santé physique et psychique, leur rapport à la société mais aussi à leur famille. Cette édition est particulière, puisque l'enquête a été menée en septembre 2020, soit avant la seconde vague de Covid-19, le second "confinement", les annonces pour Noël, mais également avant la constitution du gouvernement De Croo. "Cela peut expliquer que les résultats ne sont pas catastrophiques à court terme, mais sur le long terme, les résultats restent interpellant, notamment au niveau de la santé physique et mentale et du rapport à la société, en particulier la politique", note Delphine Ancel, responsable des études Solidaris. Avec 53,7%, l'indice global de bien-être est en recul sur ces cinq dernières années de 5,3%. "Sur un an, l'indice est stable (53,7 vs 53,6 en 2019) et de nombreux résultats nous poussent à penser que face à la grande incertitude qui règne, nous sommes un peu dans un moment de temps-suspendu", décortique Delphine Ancel. "Cette tendance cache cependant des écarts préoccupants. Les inégalités sociales se creusent notamment entre les personnes les plus aisées (au plus haut avec 61,6%) et celles les plus précarisées (au plus bas avec 47,4%) mais montrent aussi que la chute (près de 20% en cinq ans) est surtout importante pour les classes intermédiaires. "Par ailleurs, les écarts liés au genre sont aussi à leur maximum cette année. Avec un indice bien- être à 50,2% chez les femmes, soit une baisse de près de 9% depuis 2015, celles-ci connaissent leur niveau de bien-être le plus bas depuis la création du baromètre. Cet indice est à un niveau de 57,4% chez les hommes, soit une baisse de 1,7% entre 2015 et 2020. Au niveau des critères objectifs, Solidaris note qu'une femme sur trois est en dépression (modérée à sévère), contre un homme sur cinq. Alors que 40% des hommes sont diagnostiqués en stress élevé, les femmes sont 50%. Deux items permettent de se rendre compte de l'impact du Covid-19 sur la santé des sondés. Premièrement, la "projection dans le futur de l'état de santé". Par rapport aux autres années, la mesure évolue peu: le Covid n'a donc pas eu d'impact notable. "La part de gens qui pense qu'il y a un risque de dégradation de leur santé reste sensiblement la même, autour de 60%, avec des différences entre les tranches d'âges", confirme Delphine Ancel . "Les moins de 40 ans sont 39% à avoir une moindre inquiétude sur cet aspect de leur vie, contre 23% pour les 40-59 ans et 26% pour les plus âgés."La santé des proches constitue le second item. "Avec un déconfinement pleinement amorcé (en septembre, ndlr) , mais une pandémie pas encore maîtrisée, on peut s'étonner que les chiffres quant à l'inquiétude pour la santé de nos proches ne s'affolent pas. Une légère augmentation (3%) est enregistrée, et on atteint les taux identiques à ceux de 2016", rapporte la responsable des études Solidaris. " Cela peut expliquer en partie les comportements à risque en ces temps de pandémie puisque l'inquiétude vis-à-vis des proches a toujours existé." Au-delà de la santé, le baromètre sonde également la confiance des Belges francophones dans les institutions, la presse, les mutuelles, la famille...Et pour agir sur leur qualité de vie, les sondés font confiance à leur sphère de proximité: la famille (81,2%), le médecin généraliste (80,7%), les amis et le conjoint (76,7%). Des chiffres qui ont peu évolué en cinq ans. A contrario, les sondés ont de moins en moins de confiance dans les institutions. Les partis politiques (7,6%), les gouvernants politiques locaux (9,7%) et européens (11,6%) semblent pâtir de la gestion de la crise du Covid-19. À noter la baisse de crédibilité de la presse générale, qui atteint, avec 21,1%, son plus bas score depuis le lancement du baromètre Solidaris en 2015. Dans le contexte de crise sanitaire, on peut souligner que la confiance des citoyens dans la sécurité sociale est en progression. "Une bonne nouvelle dans un ciel gris", juge Jean-Pascal Labille, secrétaire générale de Solidaris. Deux tiers des Belges francophones estiment que cette institution agit pour tenter d'améliorer leur bien-être (une progression de 4,5% sur un an). Par ailleurs, 73% des sondés estiment que le système de santé est d'excellente qualité même s'ils sont toujours deux tiers à craindre que la qualité de soins soit menacée pour des raisons de coûts. En mai dernier, à la sortie du confinement, Solidaris avait pris le pouls des Belges francophones sur leur ressenti par rapport à la pandémie. Jean-Pascal Labille résume bien les résultats de cette enquête exceptionnelle: "Une grande partie de la population a vécu le premier confinement comme une parenthèse inattendue et bienvenue, quelque part, même en termes de qualité de vie. On notait des sentiments contrastés: de l'espoir, mais aussi de la peur, de la lassitude, de l'épuisement."Près de quatre mois plus tard, les mêmes questions ont été posées au même nombre de sondés. Le sentiment principal ressenti reste celui de la lassitude, cette fois-ci par près de deux tiers des Belges (+15%). La colère et la peur qui étaient aux coudes-à-coudes en mai avec 45%, n'évoluent pas dans le même sens: la peur perd 5% alors que la colère en gagne neuf pour concerner plus d'une personne sur deux. Entre les deux, l'épuisement, qui concerne 50% de la population, connaît une évolution de 10%. L'espoir ressenti par 60% des personnes en mai passe à 50%. Une évolution des sentiments qui joue au yo-yo, et qui est difficile voire inutile à analyser compte tenu de l'évolution de la situation depuis le mois de septembre. "Pour demain, les craintes sont profondes et nombreuses, notamment sur l'économie. Va-t-elle reprendre comme avant?", analyse tout de même Jean-Pascal Labille. "Il y a également la problématique de la santé mentale et de ses fleuves souterrains. C'est préoccupant.""Le nouveau gouvernement a choisi heureusement de réinvestir dans la protection sociale", souligne Solidaris, qui y voit une source d'espoir, mais entend continuer à se montrer vigilante. "Il est urgent de remettre en place les mécanismes qui garantissent les égalités de condition d'existence pour toutes et tous "conclut Jean-Pascal Labille. "Notre société ressemble de plus en plus à un archipel et non plus à une société unie dans la cohésion. Soyons donc vigilants en ces moments particuliers où bon nombre de sentiments se mêlent. On constate qu'il y a une volonté certaine de ne pas retourner au monde d'avant la crise, notamment par rapport aux soins de santé et à leur financement sur le long terme mais également à une société voulue davantage solidaire. C'est un élément extrêmement important qui constitue l'un de nos chevaux de bataille. La population a besoin d'apercevoir l'espoir à l'horizon."