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Régénérer et réparer les muscles en cas de maladie neuromusculaire ou de perte importante de masse et de force musculaires, tel est l'objectif du projet Euregio Meuse-Rhin 'Generate Your Muscle' (Gym). Il s'agit d'une collaboration entre cinq universités (Maastricht, Hasselt, Aachen, KULeuven et ULiège) et deux entreprises de biotechnologies. Ce projet est né aux Pays-Bas, suite aux efforts des parents d'une petite fille, Sara, atteinte d'une myopathie congénitale, qui ont créé une fondation pour récolter des dons afin de stimuler la recherche sur les traitements des maladies neuromusculaires. " Les premiers travaux ont émergé en 2018, avec la découverte d'une nouvelle méthode de culture cellulaire produisant un type de cellule à mi-chemin entre tissu vasculaire et musculaire, et démontrant un potentiel de régénération des muscles", explique le Dr Etienne Baudoux, directeur du Laboratoire de Thérapie Cellulaire et Génique, LTCG, CHU Liège (1). Les modèles animaux ont en effet montré que ces cellules issues de la thérapie cellulaire colonisent le muscle malade. Le projet Gym combine des techniques de culture cellulaire avec des techniques de correction de déficit génétique dans le but de greffer les cellules souches ainsi produites, les mésoangioblastes. Le LTCG du Service d'Hématologie clinique du CHU de Liège (Pr Yves Beguin) a pour mission de préparer ce médicament de thérapie avancée (ATMP, Advanced Therapy Medicinal Product) pour un essai clinique à petite échelle (une quinzaine de patients). " Notre laboratoire a déjà une expérience pour produire des cellules thérapeutiques et, dans le cadre du projet Gym, nous améliorons nos installations pour pouvoir accueillir la production de cellules précurseurs de tissu musculaire", indique le Dr Etienne Baudoux. Depuis 2017, le LTCG est certifié GMP (Good Manufacturing Practices) et habilité à fabriquer des produits innovants aux normes fixées par l'industrie pharmaceutique et commercialisables. " Les patients subissent un prélèvement de tissu musculaire au niveau de la cuisse. Cette microbiopsie musculaire est indolore et sans danger. Ces cellules sont cultivées en laboratoire pour obtenir des cellules souches musculaires autologues saines. Après avoir contrôlé leurs qualité et conformité, on peut procéder à l'injection ciblée des cellules thérapeutiques dans le tronc artériel correspondant à la zone à traiter", détaille Etienne Baudoux. Cette technique vise deux types d'affections: " Des pathologies acquises comme des pertes de masse musculaire due à différentes causes (immobilisation, cachexie lié à la sénilité ou à certaines affections tumorales...), pour lesquelles on fait une culture cellulaire et ensuite l'injection du traitement, sans autre manipulation ; et des pathologies notamment congénitales, comme des myopathies d'origine génétique, où il y a une étape de culture cellulaire et où il y aura aussi une étape de correction d'anomalie génétique préalable à la réinjection du traitement. Des essais sont en cours en laboratoire pour déterminer le meilleur modèle de préparation de ce type de traitement qui est en fait une thérapie génique ex vivo du tissu musculaire. Pour corriger le gène défectueux, on pense utiliser les méthodes d'édition de gènes, du type de celle qui a obtenu le prix Nobel de chimie en 2020, le CRISPR/Cas9", ajoute-t-il. " Des essais cliniques (phase I/II) à petite échelle sont en cours aux Pays-Bas. Cette technologie a déjà eu une vie propre indépendamment du projet Gym qui n'est qu'un outil pour permettre à ce type de traitement de prendre une amplitude suffisante et de faire des essais cliniques à plus grande échelle dans le futur." Le laboratoire liégeois est toujours en phase préparatoire: " Avec le Covid, le projet a pris des mois de retard, on a commencé les manoeuvres au début de l'année 2021: on a engagé le personnel nécessaire, on organise le transfert de compétences depuis les Pays-Bas... Nous pourrons démarrer les cultures de cellules à la fin de l'année 2021", avance le Dr Baudoux. " Il y aura des essais pour voir si nous sommes capables de produire ces cellules dans nos locaux. Une fois que l'essai sera concluant, une validation du processus doit être effectuée (minimum trois productions complètes à large échelle), avant de pouvoir envisager de produire des cellules pour un patient. Cette phase préparatoire va prendre quelques mois, il faut obtenir l'autorisation de l'Agence du médicament. La phase d'essai clinique ne débutera donc qu'en 2022", précise Chantal Lechanteur, pharmacienne responsable R&D et contrôle qualité ATMP au CHU de Liège. La mission du projet Gym est de développer et de commercialiser une thérapie par cellules souches abordable pour réparer et régénérer les muscles, c'est donc un espoir pour soigner les maladies neuromusculaires, mais aussi pour préserver l'autonomie et la qualité de vie des personnes âgées. " Cependant, il faudra encore beaucoup de patience pour pouvoir traiter ces pathologies, mais il faut rester positif et optimiste parce que ce type de projet permet de développer des thérapies avancées qui sont technologiquement complexes et qui ont un cadre réglementaire très contraignant. Pour un laboratoire comme le nôtre, c'est une opportunité qui va nous permettre d'élargir notre palette actuelle. Je pense qu'il y aura des échanges qui dépasseront le cadre du projet Gym dans l'objectif de développer d'autres thérapies avancées et d'entrer dans des projets de collaboration internationale", conclut Etienne Baudoux.