En sa séance du 10 juin 2023, le Conseil national de l'Ordre examinait la problématique de la pénurie de médecins et son impact sur les soins: "Il est impératif de briser le cercle vicieux qui force de moins en moins de médecins à effectuer plus de travail."
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En ce qui concerne la pénurie de généralistes, la mesure d'augmenter les quotas po ur les études fournira ses effets dans dix ans ! D'ici-là, nous auront perdu quasi 25 à 30% de l'effectif (aujourd'hui, 15% de MG actifs sont pensionnés), et on estime le manque actuel à 1.500 MG... Le recul de l'âge de la pension offrira un léger sursaut, avec des médecins dont la protection sociale en revenu garanti sera quasi inexistante: lors de la réforme des pensions, le politique n'a pas pensé que des contrats d'assurances [privées] après 55 ans pour couvrir deux ans supplémentaires (66 et 67 ans) devenaient impayables. C'est à l'État de compenser la protection sociale qu'il nous a ôtée! On voudrait que 50% des futurs médecins s'orientent vers la médecine générale (jusqu'à six fois moins bien rémunérée que d'autres spécialités) et qu'en plus, ils s'installent en zones de pénurie (davantage de travail, de gardes, moins de crèches...). Il faut que les assistant(e)s puissent être formé(e)s dans les zones de pénurie pour en attirer quelques-un(e)s à s'y installer. Aujourd'hui, les lieux de stage les plus prisés sont en ville, certains maîtres de stage ont jusqu'à trois assistant(e)s et d'autres, en zones rurales, aucun(e). Il faudrait limiter à un(e) assistant(e) par maître de stage, ce serait un acte de solidarité. Notre obligation morale de soignant et le faible niveau de rémunération nous a contraints, depuis des décennies, à accepter de travailler 1,5 ETP. La nouvelle génération (70-80% de femmes MG) privilégie, à raison, l'équilibre vie privée/vie professionnelle et, de ce fait, voudrait limiter son nombre d'heures de travail à 0,7-1 ETP, soit la gestion de 750 à 1.000 patients. Le travail en groupe est privilégié et inéluctable si on veut travailler moins de 10 à 12 heures par jour et avoir une continuité des soins en notre absence. En France, on estime qu'il faudrait quatre personnes non-médecins par généraliste pour le soutenir dans son activité. (...) Pour diminuer le nombre de gardes de semaine par généraliste, on veut augmenter nos territoires de garde et en majorer l'inconfort: hors domicile, plus grandes distances, plus d'appels... et tout cela pour 3,5 euros nets de l'heure (un colonel pompier volontaire reçoit 26 euros nets de l'heure pour sa garde et le temps de repos qui lui fait suite). La plupart d'entre nous estiment que les appels de nuit devraient être réservés aux cas urgents et être pris en charge par l'aide médicale urgente/les services d'urgence (qui ont du personnel dont le temps de travail et de repos respectent la législation). Sous prétexte que nous sommes des indépendants qui peuvent gérer leur temps de travail, nous avons été volontairement exclus de la loi de 2010 sur le temps de travail et de repos. Pourtant, la nécessité de continuité des soins en dehors des heures de garde et l'obligation par l'État de participer à la garde, nous impose 12 à 14 h de garde les nuits de semaine entre deux journées de travail de 12 h (soit 36 h d'affilée) et ce, sans récupération. Le peu d'appel de nuit ne justifie pas les 48 millions d'euros pour financer un système à l'agonie. Le manque de sommeil se ressent sur la santé du médecin et n'assure pas la qualité des soins des 30-40 contacts qui suivent une garde. Il faut aussi noter que le nombre de MG nécessaires pour assurer la permanence a été multiplié par trois: avant, nous avions deux médecins par week-end pour les visites à domicile urgentes et aujourd'hui, il y en a deux le samedi et deux le dimanche pour le poste de garde, et deux pour les visites alors que le nombre de MG fond comme neige au soleil. La suppression des gardes de nuit me semble inéluctable ; à défaut, il faudrait qu'elles se fassent sur base volontaire, pas au-delà de 60 ans et avec des honoraires de disponibilité. Tous les bons systèmes de santé ont une première ligne forte, qui prend en charge 90% des problèmes et réfère à la deuxième ou troisième ligne les patients qui le nécessitent et ce, à moindres coûts. Chez nous, chaque citoyen peut se servir comme bon lui semble. Pour ceux qui s'en servent correctement, les délais chez la plupart des spécialistes sont indécents et en cas de nécessité d'un avis rapide, nous devons le justifier par téléphone ou email, ce qui nous fait perdre du temps non consacré à soigner. Il est temps qu'à l'instar de la France, priorité soit donnée aux patients référés par leur MG et que ceux qui accèdent directement à la médecine spécialisée ne soient plus remboursés. De même pour les patients revus systématiquement par les spécialistes sans nécessité clinique. Cela devrait permettre de retrouver une meilleure accessibilité aux soins spécialisés. Aujourd'hui, pour pallier à l'insuffisance de MG causée par les politiques partisanes et linguistiques, l'État nous propose un "New Deal" (...). Chères et chers ministres, vous avez le devoir d'offrir aux citoyens la première ligne de soins qu'ils méritent, mais pour cela, il vous faut la mettre au centre du système de soins, la respecter et la financer.