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L'un des thèmes clés de la CROI était précisément l'importance d'élargir l'éventail des options de prévention ou de traitement du VIH pour sortir du "one size fit all" et ainsi offrir aux personnes séropositives le choix thérapeutique qui leur convient le mieux.Une façon de réduire la fréquence d'administration du traitement antirétroviral serait d'augmenter le volume des injections ou de recourir à des formulations plus concentrées. Une autre approche consisterait à développer une nouvelle formulation qui serait absorbée plus lentement et aurait une demi-vie plus longue dans l'organisme. Pour sortir des hypothèses et entrer dans le réel, une équipe d'investigateurs menée par Kelong Han a évalué la sécurité et la pharmacocinétique de différentes formulations et méthodes d'administration du cabotégravir. Ils ont testé, d'une part, la version approuvée de 200 mg de cabotégravir (CAB200) administrée en association avec de l'hyaluronidase humaine recombinante PH20 (rHuPH20), ce qui permet un plus grand volume d'injection et, d'autre part, une nouvelle formulation à durée d'action ultra-longue (CAB-ULA) sans adjonction de rHuPH20.Pour les besoins de cette étude de phase I, les investigateurs ont recruté 70 adultes séronégatifs en bonne santé. Environ 60 % étaient des hommes, l'âge médian était de 40 ans et leur IMC médian se situait dans la fourchette du surpoids. Dans la première partie de l'étude, les volontaires ont reçu diverses doses (800 mg/4 ml, 1.600 mg/8 ml ou 3.200 mg/16 ml) de CAB200, administrées par voie sous-cutanée avec du rHuPH20 (10.000 UI). Dans une seconde partie, ils ont reçu une dose différente de CAB-ULA ou CAB400 (800 mg/2 ml), mais sans rHuPH20 administrée, soit par injection sous-cutanée, soit par injection intramusculaire dans les fesses.Les personnes ayant reçu du CAB200 en SC plus du rHuPH20 présentaient une concentration plasmatique maximale du médicament, ainsi qu'une aire sous la courbe supérieures à celles du CAB200 intramusculaire classique sans rHuPH20, ce qui indique une biodisponibilité potentiellement accrue. La demi-vie, pour sa part, était comparable, indiquant un taux d'absorption similaire. Mais les injections sous-cutanées de CAB200 et rHuPH20 ont rencontré un problème de tolérance majeur : les 22 participants ayant reçu cette formulation ont présenté des réactions au site d'injection, réactions d'autant plus sérieuses que les doses injectées étaient importantes. Au total, huit personnes ont présenté des réactions considérées comme graves, dont une dans le groupe recevant la dose la plus élevée qui a présenté une réaction accompagnée de nécrose tissulaire nécessitant des soins de plaie. Compte tenu de ce profil de tolérance défavorable, cette stratégie a donc été abandonnée.Concernant la nouvelle formulation du cabotégravir à action ultra-longue, la concentration maximale de CAB400 (800 mg/2 ml) en SC était inférieure à celle du CAB400 en IM, et les deux étaient inférieures à CAB200 en intramusculaire classique. Les profils pharmacocinétiques étaient plus plats, indiquant une absorption plus lente. La demi-vie du CAB400 SC était plus longue que celle du CAB400 IM, et les deux étaient plus longues que celle du CAB200 intramusculaire classique. La demi-vie prévue du CAB400 IM était plus de deux fois supérieure et la demi-vie attendue du CAB400 SC était plus de six fois supérieure à celle du CAB200 intramusculaire classique. De plus, CAB400 sans rHuPH20 était mieux toléré. Les 16 participants ayant reçu des injections SC ont présenté des réactions au site d'injection, tout comme 22 des participants ayant reçu des injections intramusculaires, mais la plupart de ces réactions étaient légères et aucune ne s'est révélée grave. La tolérance du CAB400 IM était comparable à celle du CAB200 intramusculaire approuvé même si les doses étaient plus élevées. La modélisation pharmacocinétique prévoyait que le CAB400 IM avec un intervalle de dose d'au moins quatre mois entraînerait une exposition au médicament plus élevée que le CAB200 classique en intramusculaire administré tous les deux mois et ce, tant chez les hommes que chez les femmes.Sur la base de ces résultats de phase I, les investigateurs ont conclu que CAB200 avec rHuPH20 avait un faible potentiel eu égard aux sérieux problèmes de tolérance locale observés, et qu'il n'avancerait pas. Par contre, la nouvelle formulation du cabotégravir à action ultra-longue (CAB400) présente, elle, un profil de tolérance et d'innocuité favorable, ainsi qu'un profil pharmacocinétique permettant des intervalles de dose de quatre mois ou plus. Dans ces conditions, le CAB400 IM administré tous les quatre mois progressera désormais vers des essais de stade avancé, et une évaluation supplémentaire de l'administration SC est prévue. Ce mode d'administration présente, en effet, un haut potentiel en termes de simplification et de meilleure observance thérapeutique, tout en offrant plus de liberté au patient car, contrairement aux injections intramusculaires, les injections sous-cutanées permettent l'auto-administration et, de ce fait, une gestion plus autonome du traitement ou de la prévention du VIH.Réf : Han K. et al. Abstract 130, CROI 2024, Denver.