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La prévention cardiovasculaire à l'avant-planL'événement le plus marquant de cette édition 2023 du congrès de l'International AIDS Society (IAS) aura, à coup sûr, été la présentation des résultats complets et définitifs de l'étude REPRIEVE, un vaste essai clinique randomisé mené, fait exceptionnel, uniquement sur une population de personnes vivant avec le VIH.Il ne s'agit pas d'une étude concernant de nouveaux schémas thérapeutiques antirétroviraux, de nouvelles molécules ou de stratégies de prévention ou d'éradication du VIH. Non, il s'agit d'une étude sur la prévention cardiovasculaire, qui plus est, avec une classe thérapeutique des plus "exotiques", les statines. L'étude en question, REPRIEVE, a recruté des patients séropositifs, stables sous traitement antirétroviral, âgés de 40 ans et plus et présentant un risque cardiovasculaire faible à modéré, un cas de figure dans lequel une statine n'est généralement pas prescrite. Étant donné que le VIH confère un risque de maladies cardiovasculaires jusqu'à deux fois plus élevé à celui des personnes séronégatives, l'hypothèse de départ des investigateurs de cette étude était qu'une statine réduirait le risque d'évènements cardiovasculaires majeurs par rapport à un placebo.La molécule choisie était la pitavastatine car, n'étant pas métabolisée par la voie du CYP3A4, elle n'interagit pas avec les principaux schémas antirétroviraux ordinairement prescrits. L'étude a inclus 7769 patients séropositifs et stables sous traitement antirétroviral recrutés dans plus de 100 centres et 12 pays répartis à travers le monde avec des données démographiques et médicales larges (sexe, âge, localisation, traitements, etc). Le schéma de l'étude était simple (enfin, si on peut qualifier une étude de cette envergure de simple !) puisque les participants ont été répartis en deux groupes pour recevoir, soit un placebo, soit de la pitavastatine à la dose quotidienne de 4mg. Réduction de 1/3 du risque cardiovasculaire Après un suivi de 5 ans, le comité de surveillance a interrompu prématurément l'étude en raison d'un bénéfice très significatif de la pitavastatine, cette dernière réduisant de 35% le risque de survenue d'évènements cardiovasculaires majeurs (infarctus, AVC, AIT, angor instable, maladies artérielles périphériques, procédures de revascularisation, décès d'origine cardiovasculaire ou indéterminée). Fait important, la réduction du risque observée au sein de cette population particulière lors de REPRIEVE est plus importante que la réduction de 20% en moyenne observée dans les études portant sur la population générale. Le nombre total de personnes à traiter pendant 5 ans pour éviter 1 événement cardiovasculaire majeur était de 53 pour les participants ayant un score de risque faible à modéré et de seulement 35 pour ceux présentant un score de risque plus élevé (supérieur à 10). Enfin, notons que l'ampleur de l'effet était comparable chez les hommes et les femmes, parmi les différents groupes raciaux/ethniques, pour la faible proportion de personnes ayant une charge virale détectable à l'inclusion et quelque soit le nombre de cellules CD4 au départ.Un effet qui va au-delà du LDL-cholestérolL'effet était également similaire chez les personnes ayant un taux de LDL-cholestérol élevé ou faible à l'inclusion ce qui indiquerait que les avantages de la pitavastatine vont au-delà de la simple réduction du LDL. En fait, comme l'ont souligné les investigateurs lors de la présentation, "Le niveau de votre LDL-cholestérol n'a pas vraiment d'importance. L'effet observé lors de REPRIEVE était environ deux fois plus important que ce à quoi on pouvait s'attendre en réduisant le seul LDL-cholestérol ce qui suggère des facteurs supplémentaires comme une action sur l'inflammation chronique ou une augmentation de l'activation immunitaire".Une bonne tolérance dans l'ensemble La pitavastatine était généralement sûre et bien tolérée. Les effets secondaires étaient similaires à ceux observés dans les études sur la population générale. Les événements indésirables graves ont été rares se produisant avec une fréquence similaire (environ 4 % dans les bras pitavastatine et placebo). Seuls 2 % des personnes sous pitavastatine et 1 % sous placebo ont interrompu le traitement pour cause d'événements indésirables. Il y a eu un peu plus de cas de diabète dans le groupe pitavastatine, comme déjà observé dans la plupart des études sur les statines, mais ces taux étaient faibles, environ 5 % contre 4 % pour le placebo. Les effets secondaires musculaires étaient également rares (environ 2 % contre 1 %) et pour la plupart légers. Seules 3 personnes prenant de la pitavastatine et 4 du groupe placebo ont développé une rhabdomyolyse ou de graves lésions musculaires.Statines: une option simple et rentable Le VIH est considéré depuis quelques années comme un accélérateur des maladies cardiovasculaires mais le problème est que personne ne sait quoi faire de cette information et les praticiens ne prescrivent pas nécessairement des statines pour la simple et bonne raison qu'il n'y avait aucune donnée solide prouvant l'efficacité de cette option. Les nouvelles données apportées par l'étude REPRIEVE pourrait aider à sortir de cette impasse puisqu'elles suggèrent que la prescription de statines chez des personnes vivant avec le VIH et dont le risque cardiovasculaire est faible à modéré pourraient constituer une mesure, à la fois, accessible et rentable sur le plan pharmaco-économique pour améliorer la santé cardiovasculaire et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que d'autres facteurs de risque méritent une attention particulière pour que l'approche préventive par statines développe sa pleine efficacité protectrice sur le risque cardiovasculaire notamment le tabagisme, la consommation excessive d'alcool, la prise de drogues injectables ou l'obésité.Réf: Grinspoon SK et al. Symposium SY06, IAS 2023, Brisbane.Grinspoon SK et al. NEJM mise en ligne avant publication, 24/07/2023.