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La depression peut se manifester de plusieurs façons en associant, à des degrés divers, symptômes non physiques tels que tristesse, désespoir, perte de libido, manque de plaisir et pensées suicidaires à des symptômes physiques, notamment des troubles du sommeil, de la fatigue, des changements d'appétit, un gain ou une perte de poids, des douleurs ou un dysfonctionnement sexuel. Les symptômes physiques accompagnant la dépression sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes et peuvent être confondus avec les symptômes de la ménopause ou les effets secondaires du traitement antirétroviral chez les femmes séropositives. Certains médicaments antirétroviraux ont été associés à la dépression, en particulier chez les personnes qui ont déjà souffert de dépression, mais il n'existe aucune information spécifique relative à l'impact des combinaisons d'antirétroviraux sur les symptômes dépressifs des femmes vivant avec le VIH. Il peut donc s'avérer difficile pour les cliniciens d'identifier quels agents pourraient contribuer à la dépression et si les médicaments antirétroviraux exacerbent les symptômes physiques ou non physiques de la dépression. L'identification du rôle de médicaments ou d'associations spécifiques dans la dépression est importante pour améliorer la prise en charge de la dépression, un problème de santé mentale courant chez les personnes vivant avec le VIH.Women's Interagency HIV StudyPour étudier la contribution des combinaisons d'antirétroviraux aux symptômes physiques et non physiques de la dépression chez les femmes vivant avec le VIH, les investigateurs se sont tournés vers la Women's Interagency HIV Study (WIHS) qui suit des femmes vivant avec le VIH aux États-Unis. Les participantes sont interrogées sur la symptomatologie dépressive à chaque visite à la clinique à l'aide d'un questionnaire standardisé. Pour les besoins de cette analyse, les investigateurs du WIHS ont examiné les symptômes dépressifs de 1538 femmes qui s'étaient rendues à la clinique au moins deux fois depuis 2014. Les participants avaient un âge moyen de 49 ans, 72 % étaient de race Afro-américaine et 14 % étaient hispaniques et 27% avaient une charge virale supérieure à 50 copies/ml. La majorité des femmes étaient traitées par TDF (54 %) et 20 % étaient sous TAF. De plus, 49% prenaient un inhibiteur de l'intégrase, 33% prenaient un INNTI et 31 % prenaient un IP. Les participantes ont été réparties en trois groupes distincts selon l'intensité de leurs symptômes dépressifs physiques ou non: celles présentant des scores de dépression élevés lors de la majorité des visites à la clinique (n= 459), celles présentant des scores de dépression faibles lors de la majorité des visites (n= 500) et celles ne présentant jamais de symptôme dépressif lors des visites (n = 579).Et les coupables sont...Les chercheurs ont analysé l'association entre l'exposition aux médicaments antirétroviraux pendant la période de suivi et les scores des symptômes physiques de la dépression. Sans entrer dans le détail des résultats intéressants mais fort complexes de cette vaste étude, nous nous contenterons ici d'appeler à la barre les principaux accusés, à savoir: TAF associé, soit à un inhibiteur de protease (darunavir) boosté par cobicistat, soit associé à un inhibiteur de l'intégrase (elvitégravir) boosté par cobicistat. Ces associations sont celles qui se sont avérées associées à des scores élevés de symptômes physiques dans le groupe à score élevé de dépression. Par contre, si IP et inhibiteur de l'intégrase boostés par cobicistat sont combinés avec TDF, on ne constatait plus d'association significative entre ces combinaisons et un score élevé de symptômes physiques dans le groupe à score élevé de dépression. Autre résultat intéressant, les femmes qui prenaient une combinaison associant TDF et emtricitabine avec, soit rilpivirine, soit efavirenz présentaient des scores de symptômes physiques significativement inférieurs dans le groupe à score de dépression élevé. Enfin, on notera qu'aucune combinaison testée n'entraîne d'augmentation des symptômes non physiques de la dépression quelle qu'en soit le niveau de sévérité. Les investigateurs concluent leur étude avec un conseil pour la pratique journalière: toujours examiner les combinaisons d'antirétroviraux plutôt que les antirétroviraux pris individuellement lorsqu'ils se demandent si le traitement antiretroviral pourrait causer ou contribuer aux symptômes physiques de la dépression de leur patiente.Réf: Parra-Rodriguez L. et al. Poster 469, CROI 2023