Etude CARES: évaluation du CAB/RPV en présence de multiples facteurs d'échec virologique

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Avant que le traitement injectable à longue durée d'action associant cabotégravir et rilpivirine puisse être proposé dans le cadre des programmes de traitement en Afrique, plusieurs questions sur son administration et son efficacité virologique doivent être résolues. Parmi les multiples obstacles potentiels, on retiendra que les personnes séropositives vivant en Afrique sont beaucoup plus susceptibles d'avoir déjà été traitées avec un INNTI ou d'avoir une résistance avant le traitement ce qui peut compromettre l'activité de la rilpivirine. De plus, au moins un sous-type du VIH (A6) est moins sensible à la combinaison injectable. Quelle sera, alors, l'efficacité du cabotégravir et de la rilpivirine face au large éventail de sous-types et de recombinants du VIH présents dans les populations africaines, en particulier A1 ? Un autre facteur qui pourrait affecter la réponse au traitement injectable est la composition corporelle. Ainsi, des niveaux plus élevés de graisse corporelle peuvent affecter l'absorption des antirétroviraux lorsqu'ils sont injectés dans le muscle fessier. Les différences dans la répartition de la graisse corporelle, en particulier chez les femmes qui constituent la majorité des personnes séropositives recevant un traitement en Afrique, affecteront-elles les réponses au cabotégravir et à la rilpivirine ? Et un traitement injectable nécessitant des visites cliniques bimensuelles s'avérera-t-il réalisable et efficace dans les contextes où la surveillance de la charge virale est moins fréquente ? C'est pour explorer ces situations et répondre aux multiples questions qu'elles soulèvent qu'a été initiée l'étude CARES, première étude du traitement injectable à longue durée d'action cabotégravir et rilpivirine en Afrique.L'étude CARES a recruté 512 adultes vivant avec le VIH dont la charge virale était indétectable depuis au moins quatre mois sous traitement antirétroviral oral classique. Les participants ont été recrutés dans trois pays africains: Kenya (162), Afrique du Sud (106) et Ouganda (244). Ils ont été randomisés en deux groupes distincts pour recevoir, soit un traitement injectable à longue durée d'action associant cabotégravir et rilpivirine toutes les huit semaines (avec un traitement initial sous forme orale facultatif d'un mois), soit un traitement oral standard habituellement proposé dans les pays participants (TDF, lamivudine et dolutégravir, éfavirenz ou névirapine). La durée totale de l'étude a été fixée à 96 semaines. Tous les participants ont subi un test évaluant la charge virale à la semaine 4, à la semaine 24 puis toutes les 24 semaines par la suite ainsi qu'une surveillance de sécurité en laboratoire aux semaines 4, 8 (traitement à action prolongée) ou 12 (soins standard), 24 semaines et toutes les 24 semaines par la suite. La population étudiée était composée à 57 % de femmes âgées de 42 ans en moyenne. Environ un participant sur cinq (21 %) présentait un IMC de 30 ou plus ce qui indique un risque potentiel d'absorption sous-optimale du médicament. Les participants suivaient un traitement antirétroviral depuis 8 ans en moyenne: 74 % avaient déjà pris un INNTI et 92 % prenaient un inhibiteur de l'intégrase au moment où ils se sont portés volontaires pour participer à l'étude. Bien que les participants ne présentaient aucun antécédent d'échec thérapeutique, l'analyse, à l'inclusion, de l'ADN viral archivé a montré que 10,1 % d'entre eux présentaient une résistance intermédiaire ou élevée à la rilpivirine, 8,3 % une résistance intermédiaire ou élevée au cabotégravir et 56,1% étaient porteurs d'un sous-type A1. Enfin, l'observance a été bonne puisque 99% des participants se sont maintenus dans l'étude et 82 % ont reçu toutes les injections programmées dans les sept jours suivant la date d'injection cible.A 48 semaines de suivi, la non-infériorité a été démontrée avec une efficacité virologique (charge virale < 50 copies) obtenue auprès de 97,3% dans le bras cabotégravir/rilpivirine et auprès de 98,1% dans le bras traitement oral standard. Un cas d'échec virologique confirmé a été observé à la semaine 48 chez une femme dont l'observance était sans faille et qui ne présentait aucune mutation de résistance à l'inclusion. La charge virale s'est élevée à environ 8 000 copies/ml avant un retour vers une charge virale indétectable sous TDF/lamivudine/dolutégravir. Les tests de résistance ont révélé une résistance élevée à la rilpivirine et une résistance intermédiaire au cabotégravir mais aucune résistance au dolutégravir, au moment du rebond viral. Un second cas non confirmé de rebond viral a été observé à la semaine 48 chez un homme sans injection retardée et avec une faible résistance à la rilpivirine au départ. Il a connu un rebond de sa charge virale à 44 000 copies/ml et présentait une résistance de faible niveau à la rilpivirine, une résistance de haut niveau au cabotégravir et une résistance de niveau intermédiaire au dolutégravir au moment du rebond. Malheureusement, ce participant est décédé d'une cause non liée au VIH avant que les enquêtes sur la résistance ne soient terminées.Seules 3 personnes au sein du groupe cabotégravir/rilpivirine ont présenté des effets indésirables de grade 3 liés au traitement: un nodule infecté au site d'injection, une augmentation du taux de LDL-cholestérol et une protéinurie. Au sein du groupe de soins standard, deux personnes ont présenté des effets indésirables de grade 3 ou supérieur classés comme liés au traitement : une diminution de la fonction rénale et une augmentation de la glycémie. Enfin, 73% des participants du groupe CAB/RPV ont développé une réaction au site d'injection (10 % de grade 2 ou plus).A l'inclusion, un peu plus de 50% des participants se disaient satisfaits du traitement existant (trithérapie orale classique). A la semaine 48, la satisfaction du traitement avait augmenté de 28 % dans le bras injectable contre 17 % dans le bras de soins standard soit une différence significative de l'ordre de 10 % (p < 0,001) en terme de satisfaction suite au basculement vers un traitement injectable à longue durée d'action. Réf: Kityo C. et al. Abstract 122, CROI 2024, Denver.