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Le syndrome de Hutchinson-Gilford ou progeria est une maladie rare. Ce diagnostic est posé dans les deux ans suivant la naissance chez environ 1 enfant sur 4 millions. La maladie est causée par une mutation négative dominante d'une seule lettre de l'ADN dans l'une des deux copies du gène de la protéine lamine nucléaire A.Cette mutation provoque un mauvais épissage de l'ARN, surproduisant la progérine, une protéine toxique qui induit une sénescence et raccourcit la durée de vie des enfants atteints de progéria à environ 14 ans. Jusqu'à présent aucune thérapie génique ne s'est montrée efficace pour soigner cette maladie. La forme standard d'édition du génome CRISPR, qui consiste à couper l'ADN avec la protéine Cas9, peut être utilisée pour désactiver le gène mutant. Le problème est que cette technique inactive souvent également le gène sain et provoque également d'autres modifications indésirables.Des chercheurs américains ont contourné ce problème grâce à une technique récente de modification du génome. Ils ont utilisé les ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9 non pas pour découper une mauvaise séquence d'ADN, mais pour remplacer une lettre de l'ADN par une autre sans endommager l'ADN (édition de base), dans ce cas avec un éditeur de base adénine. Les éditeurs de bases adénine convertissent les paires de bases A-T ciblées en paires de bases G-C.Les résultats, qui ont largement dépassé les attentes, apportent une première preuve de concept. L'injection d'un lentivirus exprimant l'éditeur de base adénine aux fibroblastes d'enfants atteints de progéria a entraîné une correction de l'allèle pathogène dans 90% des cellules.A la suite de ce succès, les scientifiques ont administré une seule injection intraveineuse de l'éditeur de base adénine à près d'une douzaine de souris ayant une version humaine du gène de la lamine A et âgées de deux semaines, ce qui équivaut à peu près à des enfants de cinq ans. Cette technique a entraîné une correction substantielle et durable de la mutation pathogène (environ 20 à 60% sur divers organes, six mois après l'injection), une restauration de l'épissage normal de l'ARN et une réduction des taux de progérine. L'édition de base in vivo a sauvé la pathologie vasculaire des souris, préservant le nombre de cellules musculaires lisses vasculaires et empêchant la fibrose adventitielle. Du coup, la vitalité des souris transgéniques a été améliorée et leur durée de vie moyenne est passée de 215 à 510 jours, soit plus du double.Ces travaux font suite à une autre étape récente, l'approbation par la FDA du premier traitement de la progéria, un médicament appelé lonafarnib. Il permet de prolonger la vie, mais n'est pas curatif, au contraire de l'édition de gènes, qui peut fournir à l'avenir une option de traitement supplémentaire et encore plus spectaculaire.Les conclusions de cette étude renforcent également l'espoir que de nombreuses autres maladies pourraient être traitées par le biais de l'édition de base. "La moitié de toutes les mutations pathogènes connues impliquent un changement d'une seule lettre, dont la plupart peuvent être corrigées avec les éditeurs de base existants," a expliqué le Pr David Liu.(référence : Nature, 6 janvier 2021, doi : 10.1038/s41586-020-03086-7)