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Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les dermatologues du monde entier signalent des cas inexpliqués de pseudo-engelures, surnommées "orteils Covid". Il s'agit de lésions bénignes qui surviennent principalement chez des adolescents et des jeunes adultes sans antécédents médicaux et sans exposition au froid. Elles guérissent spontanément en quelques semaines et ne nécessitent pas de traitements spécifiques. Le phénomène est toutefois intriguant car la majorité des cas ne présentent pas de symptômes de Covid-19 ni de PCR ou de sérologie positive, malgré une exposition probable au SARS-CoV-2.Des études ont depuis été menées sur ce phénomène. Il y a quelques mois d'ici, des scientifiques américains ont constaté qu'entre avril et août 2020, près de 1000 manifestations dermatologiques liées au SARS-CoV-2 avaient été enregistrées dans 39 pays du monde, que la moitié des patients concernés présentaient des orteils bleutés/violets et que 16% d'entre eux avaient dû être hospitalisés pour cette raison. (1)Ces pseudo-engelures ont ainsi été considérées comme un nouveau symptôme de la Covid-19. Mais voici que survient un retournement de situation. Selon deux dermatologues du Centre hospitalier universitaire vaudois, les orteils bleutés/violacés ne s'apparentent pas à de simples symptômes. Ils seraient en réalité le signe d'une résistance innée au SARS-CoV-2. (2)Mais alors qu'est-ce qui produit ces gonflements aux extrémités de nos pieds ? Les chercheurs suisses expliquent qu'ils sont l'expression clinique d'une sécrétion importante d'IFN-I (interférons de type I). Concrètement, ces protéines antivirales régulent la réponse immunitaire et peuvent empêcher le virus de se répliquer."Alors qu'un mauvais contrôle précoce du SARS-CoV-2 par les IFN-I constitue un risque majeur de progression du Covid-19 vers une forme grave, une réponse innée très efficace contre le virus, dont les pseudo-engelures sont l'expression clinique, pourrait rendre certains individus prédisposés résistants à l'infection," expliquent-ils dans la conclusion de leur étude. "Dans les formes sévères de la maladie, un modèle d'immunopathologie en deux étapes est en train d'émerger, caractérisé par une réponse immune déséquilibrée : d'abord une faible production d'IFN-I pendant les premiers jours de l'infection entraînerait une dissémination virale et des dommages tissulaires ; et ensuite, une libération exacerbée de cytokines pro-inflammatoires en réponse aux dégâts tissulaires provoquerait un choc cytokinique. À l'autre extrémité du spectre de la maladie, une forte réponse IFN-I favoriserait une clairance rapide du virus, prévenant ainsi la maladie et évitant la séroconversion. Les pseudo-engelures représentent donc un dommage collatéral d'une immunité innée antivirale hors norme."Si d'autres recherches sont nécessaires pour élucider les mécanismes génétiques et moléculaires qui sous-tendent cette résistance naturelle au SARS-CoV-2, la découverte en elle-même est importante car elle offre l'espoir de développer de nouvelles stratégies antivirales.(références :(1) EurekAlert, 29 octobre 2020,(2) Revue Médicale Suisse, 31 mars 2021, volume 17. 646-652)