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C'est un produit que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, pourrait-on écrire en hommage à Charles Aznavour. En ajoutant: leurs aînés, par contre, ne juraient que par lui! Voici une génération en effet, ce n'est pas vraiment le carnet de dépôt qui recueillait massivement l'épargne des citoyens. Une fois une certaine somme rassemblée, en compte courant ou en "livret d'épargne", comme on l'appelait le plus souvent à l'époque, la plupart des Belges plaçaient leurs économies dans un bon de caisse émis par leur banque. Produit simple et démarche très aisée réalisée au guichet bancaire du coin de la rue... Juridiquement, le bon de caisse est un "titre de créance", exactement comme un bon d'État ou une obligation, que celle-ci soit émise par un État ou une entreprise. Il représente donc le fait que l'épargnant a consenti un prêt, à un taux et pour une durée fixés, à l'émetteur de ce titre. À l'échéance, il retrouvera son capital, après avoir chaque année (sauf exceptions) touché un coupon en fonction du taux d'intérêt convenu au départ. Il existe des titres de créance plus compliqués, comme des obligations convertibles (sous-entendu: en actions de l'entreprise qui a émis cette obligation), ou encore des obligations à taux variable. Périodiquement revu, leur rendement fluctue donc en fonction de l'évolution des taux observés sur le marché. Le détenteur d'une telle obligation peut donc voir son rendement monter - tant mieux- ou baisser, tant pis. Avantage: en cas d'envolée des taux d'intérêt, son rendement suivra et il ne subira dès lors pas de grosse moins-value, à la manière de la triste année 2022. Il va de soi qu'on ne souscrira pas à un tel instrument si l'on s'attend à une forte baisse des taux! Il est alors, tout au contraire, clairement indiqué d'acheter une obligation à taux fixe et à long terme, qui générera une jolie plus-value. Le bon de caisse est loin de ces sophistications, du moins si l'on fait abstraction d'une variante qui a naguère connu son heure de gloire: le bon de capitalisation. Comme son nom l'indique, cet instrument ne paye pas de coupon annuel, mais l'ajoute au capital, de sorte que lui aussi commence alors à profiter du rendement convenu. Ce dernier s'est trouvé dès lors un peu amélioré. Le principe de la capitalisation des revenus a massivement été repris par les fonds et sicav, à l'attention des investisseurs n'ayant pas besoin d'un revenu régulier. Puisque c'est Belfius qui relance ce produit, on notera en quels termes la banque publique le définit: c'est "une reconnaissance de dette par laquelle la banque s'engage à payer à l'investisseur des intérêts annuels pendant toute la durée du bon de caisse. En outre, à l'échéance, Belfius doit rembourser 100% du capital investi". Il n'est grevé d'aucun frais d'entrée, ce qui est normal. Il échappe par ailleurs aux droits de garde dont sont assortis la plupart des comptes-titres, comme c'est toujours le cas pour les "produits maison", fonds et sicav en particulier. Il va de soi que ceci ne vaut qu'auprès de l'institution émettrice! Un produit provenant d'une autre banque fait l'objet de droits de garde et, de toute façon, son transfert s'accompagne de frais pouvant être assez élevés. C'est pourquoi on conseille à une personne changeant de banque de vendre, sinon ses actions et obligations, en tout cas les produits émis par l'institution qu'elle quitte. Le bon de caisse vise clairement la clientèle des particuliers, exactement comme le bon d'État. Ce dernier, soulignons-le au passage, n'est rien d'autre qu'une obligation (de l'État) visant spécifiquement les épargnants: les entreprises et autres personnes morales ne peuvent pas y souscrire. Sachant cela, on pourrait qualifier le bon de caisse de "bon de banque", par analogie. On ne saurait pour autant faire l'impasse sur une différence non négligeable: la liquidité. Très importante dans le monde financier, mais clairement moins pour l'épargnant, cette notion exprime la facilité avec laquelle on peut revendre un produit. On comprend que ceci dépend largement de la masse en circulation que représente ce produit, outre son éventuelle cotation en bourse. Une obligation d'État ayant récolté plusieurs milliards d'euros sera beaucoup plus "liquide" qu'un bon de caisse ayant récolté 40 millions. Bons d'État et obligations sont toutefois automatiquement cotés en bourse (Euronext), c'est-à-dire sur un marché secondaire organisé. Ce n'est pas le cas des bons de caisse, dont le marché secondaire est aux mains de la banque émettrice. À elle de trouver un acheteur pour l'épargnant voulant - ou devant - revendre avant l'échéance. Une telle revente s'accompagne de frais. Belfius annonce ainsi six euros de coût administratif et une pénalité de 0,75% s'ajoutant au "taux de refinancement applicable à ce moment". En clair, il faut aussi tenir compte du niveau auquel se situeront les taux d'intérêt du moment. S'ils ont grimpé depuis l'émission du bon de caisse, ce dernier aura forcément subi une moins-value et le prix proposé par Belfius devra en tenir compte. Il existe toutefois une autre solution: l'Expert Market d'Euronext Bruxelles. Naguère appelé "ventes publiques supplémentaires", ce segment de la bourse accueille toutes les valeurs non cotées que leur détenteur souhaite vendre. On peut se présenter à la vente ou à l'achat à tout instant, mais la séance de vente n'a lieu qu'une fois par semaine, le mardi. On y négocie tant des actions de PME confidentielles que celles de grosses entreprises comme Etex (anciennement Eternit). Les secondes aisément, les premières beaucoup mois, on l'a compris. Ce segment accueille aussi les bons de caisse, obligations, certificats immobiliers... Précisons qu'en tant que créance sur une banque, le bon de caisse entre en considération pour la garantie publique de 100.000 euros par client et par compte, exactement comme un compte courant ou un carnet de dépôt. Par rapport au bon d'État, l'intérêt du bon de caisse est par ailleurs d'offrir un large choix d'échéances. Belfius propose ainsi des bons allant de 1 à 10 ans. Aussi bien en version classique, avec coupon annuel, qu'en version de capitalisation. On note au passage que le taux offert illustre la situation actuelle d' "inversion de la courbe des taux", comme on l'appelle dans le monde financier. Le taux le plus élevé, soit 3% brut (2,1% net), accompagne l'échéance à un an, tandis qu'il diminue ensuite jusqu'à 2,3% (1,61% net) à partir de 7 ans. En période normale, faut-il le rappeler, c'est l'inverse: le taux grimpe parallèlement à la durée, puisque l'incertitude (d'une remontée de l'inflation et des taux) croît avec le temps. C'est dire à quel point le marché tient pour certaine un reflux des taux d'intérêt! À raison... ou à tort.