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Les Institutes of Health (NIH) américains ont récemment déclaré " qu'il n'y a pas suffisamment de données cliniques pour recommander " l'utilisation de plasma de convalescent contre le COVID-19. Cela n'a pas empêché la Mayo Clinic de lancer un programme de collecte des données sur la sécurité et les résultats de cette thérapie expérimentale. Mais il ne s'agit pas d'un essai contrôlé randomisé. Au moins deux douzaines d'équipes dans le monde - dont deux en Belgique - étudient le potentiel du plasma comme traitement ou comme substitut à un vaccin. Car le rationnel pour creuser cette piste est important : dans un article publié par le Journal of Clinical Investigation, le Dr Arturo Casadevall, de la Johns Hopkins School of Medicine Bloomberg, et le Dr Liise-Anne Pirofski, professeur à l'Albert Einstein College of Medicine de New York, exposent les arguments en faveur du plasma convalescent. " La thérapie par anticorps passifs a été utilisée pour endiguer la polio, la rougeole, les oreillons et la grippe et, plus récemment, a montré un certain succès contre le Sras-Cov-1 et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers). L'attraction particulière de cette modalité de traitement est que, contrairement aux vaccins ou aux médicaments nouvellement développés, elle pourrait, en principe, être mise à disposition très rapidement. " La plupart des essais n'offrent qu'un seul bras pour déterminer si une perfusion peut diminuer le besoin d'intubation ou aider les personnes sous respirateur à s'améliorer. Deux autres, l'un à Johns Hopkins et l'autre à Stanford étudient si le plasma convalescent pourrait être utilisé avant que la maladie grave ne s'installe. " Un principe général de la thérapie par anticorps passifs est qu'elle est plus efficace lorsqu'elle est utilisée pour la prophylaxie ", écrivent Casadevall et Pirofski. D'après l'agence Reuters, 2.200 hôpitaux participent au programme d'accès élargi dirigé par la Clinique Mayo, et plus de 9.000 patients ont reçu du plasma. La FDA recommande que les donneurs aient des antécédents de Covid-19 confirmés par des tests moléculaires ou d'anticorps, soient exempts de symptômes pendant 14 jours, subissent un test moléculaire de suivi négatif et soient exempts de virus au moment de la collecte. Mais des questions subsistent, comme celle de savoir s'il existe un risque théorique d'amplification de l'infection dépendante des anticorps (AIDA) par le Sras-CoV-2. " Les anticorps contre un type de coronavirus pourraient amplifier l'infection par une autre souche virale " du coronavirus, écrit Casadevall. Une AIDA a été observée dans le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et dans le Mers. L'autre risque théorique est que les donneurs puissent encore propager le virus actif. Alors que la FDA suggère qu'il est peu probable que les donneurs soient toujours infectieux 14 jours après l'infection, cela n'est pas encore entièrement sûr. Pour un autre pathogène hautement infectieux, le virus Ebola, l'Organisation mondiale de la Santé a recommandé en 2014 que les donneurs potentiels de plasma attendent au moins 28 jours après l'infection. En Belgique, les donneurs ne peuvent donner leur plasma après une infection de Covid prouvée qu'après disparition des symptômes depuis 28 jours. On ne sait pas non plus combien de temps les anticorps anti-Sras-Cov-2 persistent dans le sang ; une viabilité plus longue pourrait signifier une fenêtre de don plus longue. Une étude chinoise avait montré que les anticorps spécifiques du Sras chez les personnes infectées par ce premier virus, le Sras-Cov-1, persistaient pendant deux ans. En Belgique, une étude multicentrique d'administration de plasma convalescent est menée au départ du Gasthuisberg, l'étude Dawn-plasma. Elle n'est pas en double aveugle, mais est randomisée, ce qui rendra les résultats robustes. Mais ils ne sont pas attendus avant un an, d'après le coordinateur de l'étude, le professeur Geert Meyfroidt, interrogé dans le Artsenkrant du 20 mai. Qui explique : " Un vaccin vise à provoquer une réponse immunitaire active. Ceci est différent de l'immunisation passive avec du plasma convalescent. Notre étude pourrait offrir des conseils aux développeurs de vaccins, mais cela fera partie d'un ensemble de recherche beaucoup plus vaste. " " Manifestement, il n'est pas si aisé de recruter des donneurs. La Croix-Rouge Belgique et Rode Kruis Vlaaderen sont toujours en phase de recrutement et l'information aux donneurs potentiels, c'est-à-dire toute personne ayant été infectée par le Sras-Cov2, est disponible sur le site internet de la Croix-Rouge ", explique le Pr Lucie Seyler, chef de clinique en infectiologie et investigateur principal pour l'étude Dawn-plasma à l'UZ Brussel. " Il ne faut pas se précipiter vers des conclusions. L'objectif de cette étude est de voir si l'administration de plasma de convalescents diminue le nombre de patients qui doivent subir une intubation. Tout ce qu'on peut constater jusqu'à présent, c'est que l'administration de plasma convalescent n'a pas l'air néfaste. " Pourquoi ne donner que le plasma et pas tout le sang ? " Parce que c'est dans le plasma que se trouvent les anticorps et qu'administrer les globules rouges représenterait un danger potentiel supplémentaire non nécessaire. Or en médecine, il faut d'abord ne pas nuire. L'administration de sérum de convalescent a été profitable aux patients atteints d'autres infections virales. Mais pour le Sras-Cov-2, on ne le sait pas encore, les résultats de l'étude nous le diront. " L'infectiologue avoue avoir été sceptique au début, mais est aujourd'hui enthousiaste concernant l'effet du plasma convalescent, surtout après " m'être rendue compte que les effets secondaires sont très réduits. On parle d'une possible amplification des réactions immunitaires, qui se comporterait comme une sorte d'allergie, mais cela n'a pas l'air d'être le cas ". Signalons également qu'une autre étude est menée en Belgique, à partir de l'ULiège, pour voir l'effet du plasma sur les patients déjà sous intubation. Et qu'en est-il du risque résiduel d'administrer le virus en même temps que le plasma et les anticorps ? " Manifestement, un grand nombre de patients dans le monde a reçu un tel plasma sans que l'on signale un seul cas de contamination à cette occasion. Après l'affaire du sang contaminé, on est évidemment tous encore plus précautionneux avec ce type de matériel. Concernant les patients atteints de Covid, il semblerait que le virus retrouvé dans les échantillons cliniques à partir de sept à huit jours après le début des symptômes ne grandit plus en culture, ne se reproduit plus. Il peut donc paraître très déconcertant d'avoir des patients qui sont toujours positifs au test PCR longtemps après le début des symptômes, mais ceci ne reflète pas la présence de virus viable. Comme il est étrange de constater que d'autres patients viennent à nous avec tous les signes cliniques de l'infection, mais avec un test PCR négatif, et ces mêmes patients peuvent ensuite afficher une PCR et un test sanguin positifs alors qu'ils sont guéris. Il est aussi possible que des anticorps se soient formés dans les muqueuses de certains patients, alors que le test plasmatique reste négatif, parce qu'il n'y a pas eu de production d'anticorps systémiques. L'interprétation de ces résultats n'est donc pas toujours évidente. C'est pour cela qu'il est préférable de voir les résultats interprétés par un médecin plutôt que de les confier directement au patient via un autotest. On est encore loin d'avoir réponse à tout. "